22 - une impression de déjà-vu

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Quelques heures après les résultats du premier tour, le 30 juin à 00h17.

Point de vue de Gabriel :

Seul dans mon bureau, j'étais plongé dans mes pensées. À revoir les scènes de la soirée en boucle. Encore et encore : encore la déception, encore le désespoir, encore la peur de voir vaciller mon poste, ma place de Premier Ministre, l'honneur de ma vie.

Je voyais s'effriter devant moi les dernières petites particules de l'espoir que je possédais. Me laissant vide, déçu de moi-même, dégoûté de mon incapacité. Mon parti et la coalition ensemble étaient arrivés derniers. Le Rassemblement National était en tête, suivi de près par le Nouveau Front populaire. Et nous étions bêtement derniers, derrière une droite plus forte que tout, et une alliance de gauche qui nous dépassait aussi.

Le choc fût brutal pour l'entièreté de l'équipe. Le président était dévasté, lui, qui était si persuadé que la majorité présidentielle l'emporterait à nouveau. Son égo surdimensionné nous avait conduit tout droit vers l'abîme. Mais il ne l'admettrait jamais, il me jetterait tout simplement dans la gueule du loup en me choisissant un remplaçant.

Je soupirai, le regard absent. Le sentiment de déception qui m'envahissait était bien plus lourd que je ne l'avais imaginé. Bien plus quand, au fond de moi, je savais que celui qui pouvait me remplacer n'était autre que l'homme avec qui je partageais ma vie en secret.

Si mon parti n'emportait pas de majorité absolue, je devrais rendre ma démission. Et il prendrait ma place, naturellement, au vu des scores de son parti.

Mon dos s'enfonça encore un peu plus dans ma chaise, ayant la triste impression que de continuer à me battre pour le second tour serait un effort en vain. Et de toute façon, je voyais déjà s'abattre sur moi la dure vérité des choses.

Je pris mon téléphone, encore une fois, pour relire le même message. Celui qui avait achevé de me planter un pieux dans le cœur, lors de cette soirée morne et désespérante.
Mon seul réconfort, la seule consolation que j'envisageais ce soir, partie en fumée en quelques mots.

À 21:00 — J.B :

"Je suis désolé, Gaby. Je suis submergé par les obligations du parti, je dois rester au QG.
Je ne pourrai pas te voir ce soir."

Je sentais mon coeur se serrer à chaque fois que je relisais le message. Ce n'était pas si innocent, anodin. Ce n'était pas comme s'il refusait un quelconque rendez-vous car il avait un empêchement important. Non, c'était différent.

Ce refus, cette impossibilité de se voir portait en elle toute la réalité de nos statuts politiques, de la difficulté de notre relation.

Un devoir de fidélité envers nos partis, et non pas envers la relation. Notre amour passerait toujours en second plan.

Je m'étais senti abandonné, à la lecture de ces mots. La victoire de Jordan, bien que significative, me laissait seul dans cette nuit qui s'annonçait interminable. Une partie de moi avait été heureuse pour lui, évidemment, par amour je voulais le voir heureux.
Mais tout était trop paradoxal.

Je posai mon téléphone à nouveau sur le bureau, alors que je pensais aux horribles quatre dernières heures vécues dans un interminable stress.

Le bureau de l'Élysée était sombre et imposant, reflet de l'humeur du président. Emmanuel Macron se tenait derrière son bureau, me regardant avec une froideur perçante.

« Gabriel, vous n'en faites pas assez ! Les résultats nous le prouvent ! La situation est critique, et vous, vous agissez de manière déplorable, vous ne faites rien, rien du tout. Êtes-vous incapable de gérer vos  responsabilités ? » tonna Macron, les yeux flamboyant de colère.

[attal x bardella] ; hit me hard and softOù les histoires vivent. Découvrez maintenant