6 - de l'espoir et des lois

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Vendredi 2 juin 2024 — Assemblée nationale.
*pour des raisons de simplicité scénaristique, j'ai pris la liberté de déformer la réalité : Jordan est donc à l'assemblée nationale

POV : Gabriel

L'agitation régnait dans les couloirs du parlement français. Les visages connus déambulaient à travers les nombreux couloirs alors que je me rendais à l'hémicycle.

Sur place, les discussions animées remplissaient l'air. Avant d'aller m'asseoir, je saluai quelques membres de mon parti et d'autres collègues. Pour moi, comme à chaque fois que je venais, c'était un moment très important. C'était des étapes routinières de ma carrière de politicien, mais ces derniers temps j'étais beaucoup plus sujet au stress et à l'anxiété, surtout depuis que je suis devenu Premier Ministre.

J'étais assis et je me rongeais les ongles d'angoisse avant que l'assemblée ne commence, le regard perdu dans le vide.

Tout d'un coup, l'arrivée d'un député attira mon attention et me fit relever la tête. Tout semblait sous contrôle, jusqu'à ce que je réalise que c'était Jordan Bardella qui venait de faire son entrée. Ce qui était plutôt rare, sachant qu'il n'avait que 76 amendements à son actif. Était-ce donc vraiment un hasard qu'il soit là aujourd'hui?

Néanmoins j'ai dû noter qu'il y avait quelque chose de singulier dans sa démarche : il avait confiance en lui. Sa présence dominait l'espace.

Mon cœur s'emballa lorsqu'il tourna la tête vers moi et que nos yeux se croisèrent.
Était-ce la pression du moment ?
À mon avis, c'était autre chose, quelque chose de plus profond et de plus troublant. Et mon esprit, déjà perturbé par les angoisses qui me consumaient de l'intérieur, s'était laissé envahir par des émotions que je ne comprenais pas entièrement.

Jordan, lui, traversait la salle avec assurance, saluant d'un sourire confiant ses collègues et rivaux. Son charisme naturel attirait les regards, et il était à l'aise dans cette arène politique. Pourtant, il jetait discrètement quelques regards en ma direction, et je les lui rendais, complètement absorbé par sa présence ici.

Tout d'un coup, la présidente de l'assemblée frappa de son marteau pour signaler le début de la séance.

« La séance est ouverte. Monsieur le Secrétaire général, veuillez procéder à l'appel des présents. » exprima-t-elle d'une forte voix.

Le secrétaire général se leva, une liste en main, et commença à énoncer les noms des députés, puis s'en suit l'ordre du jour, pendant lequel je commençais déjà à me fatiguer d'être là. Mais mes yeux ne cessaient de se tourner vers Jordan.

Le jeune député du Rassemblement National, assis quelques rangées plus loin, ne participait que rarement aux débats, il était discret, rangé, et n'aimait pas trop se confronter à ses rivaux. On le dénommait même parfois le député fantôme.

Mais je ne pouvais m'empêcher de remarquer la détermination dans son regard, la manière précise dont il observait chacun des membres de l'hémicycle, dont moi.

« Gabriel.. Ce n'est pas le moment de perdre le contrôle, tu dois resté concentré ! », pensais-je pour moi-même.

Lorsqu'une pause fut annoncée, Bardella quitta son siège; se dirigeant vers la sortie. Je me levai presque immédiatement, mes pensées toujours en ébullition. Pris d'une impulsion que je ne ne pouvais réprimer, je le suivis à distance. Mon coeur battait à toute allure et mes mains tremblaient.

Le couloir dans lequel s'était dirigé Bardella était plutôt silencieux pour l'instant car nous avions quitté la salle très rapidement alors quand il entendit mes pas derrière lui -bien que j'avais tenté de camoufler ma présence- il se retourna instinctivement.

Je me retrouvai face à face avec lui, et nos regards se croisèrent. Pendant un instant, je me sentis totalement vulnérable, face à lui, seuls dans ce couloir vide. Je me sentis rougir et j'avais juste envie de m'enfouir six pieds sous terre, évidemment qu'il allait comprendre que je le suivais !

« Monsieur le Ministre, on s'intéresse à mes mouvements maintenant ? » il affichait un sourire en coin, arrogant comme à son habitude.

La panique m'envahissait et je tentais de réfléchir à une excuse quelconque qui ne me ferait pas paraître trop stupide à ses yeux, mais c'était peine perdue. Évidemment que je le suivais, évidemment que je voulais lui parler mais que je ne savais pas comment entamer une discussion.

« Bonjour... Monsieur Bardella. » je parlais, mais tout en fuyant son regard. « Non, je.. je réfléchissais simplement à l'ordre du jour de l'assemblée »

Il coupa court à ma phrase, répondant subitement, comme s'il avait déjà prévu ce qu'il avait à me dire.

« Vous réfléchissiez en me suivant ? » son ton était agacé. Et c'était compréhensible. « Vous êtes sûr que vous n'avez rien à me dire ? » me questionna-t-il de but en blanc.

Je tentai de sourire, cherchant à détendre l'atmosphère, espérant que mes expressions du visage ne trahissent pas ma pensée intérieure. Mais devant moi, les yeux de Bardella pétillaient déjà de malice.

Arborant toujours le même sourire, il reprit sans me laisser le temps de répondre.

« Vous savez, Gabriel, si vous souhaitez me parler, il suffit de me demander. Je ne vais pas vous manger »

Pourtant, il semblait me dévorer du regard, et moi, j'étais à sa merci.

« Merci.. Jordan.. J'y... penserai. »
Il m'avait appelé par mon prénom, j'en ai donc fait de même.

Je restai planté là alors que je le voyais s'éloigner dans le couloir. C'était l'occasion parfaite, pourtant, pour lui parler. Alors au dernier moment, j'ai décidé de le retenir.

« Monsieur Bardella... Attendez— j'ai effectivement quelque chose à vous demander » m'exclamai-je pour attirer son attention à nouveau. Je frottai rapidement le tissu de mon costume, tentant de reprendre contenance.

Jordan se retourna gracieusement, les mains jointes, dans sa classe et son charisme habituels.

« Je vous écoute » répondit-il simplement.

Je restai silencieux une seconde, réfléchissant à la meilleure manière d'aborder ce sujet.

« Pourquoi m'avoir écrit bonne nuit hier soir, alors que vous aviez démontré une envie de couper tout contact, Jordan? »

Jordan écarquilla les yeux puis soupira.
« C'est compliqué.. je dirais simplement que c'est compliqué. »

Je hochai la tête, malgré le fait qu'il ne me donne aucune explication valide, ce qui ne manquait pas de me frustrer cependant. Mais il reprit directement.

« Je me pose des questions, Gabriel. Il y a des choses que j'aimerais vous dire. J'ai essayé de me convaincre que ce n'était rien d'important, j'ai voulu vous rayer de ma vie et ne faire de vous qu'un opposant politique parmi tant d'autres. Mais je crois que je ne peux pas. »

Son regard sur moi se faisait plus intense alors que je buvais ses paroles avec une curiosité grandissante. Je posai une main réconfortante sur son épaule quand je saisis l'inquiétude dans son regard, et il tressaillit instantanément.

« Tout ça m'angoisse, Gabriel. Je ne sais pas comment gérer ça, comment... réussir à en parler sincèrement. »

Je pris une profonde inspiration, comprenant où la discussion nous menait peu à peu, et lui fis un sourire sincère, rempli de bienveillance.

« Jordan, je vous propose d'en parler ailleurs, pas ici. On peut commencer autour d'un café demain matin ? »

Il hocha la tête, esquissant un sourire timide.

« Oui, faisons ça. »

L'assemblée devait reprendre sous peu, et ils devaient retourner vaquer à leurs occupations respectives, mais pour un moment, dans ce vaste couloir, ils avaient eu une occasion de s'expliquer et de trouver une certaine forme de paix dans leur relation mutuelle. Ils avaient une chance de construire quelque chose de nouveau.

[attal x bardella] ; hit me hard and softOù les histoires vivent. Découvrez maintenant