1- Réveil

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Je me réveille en sursaut, la respiration haletante. Le soleil filtre à travers des rideaux usés, projetant une lumière douce et dorée dans la petite pièce. L'air est imprégné d'une odeur de bois et de mer, une senteur familière mais pourtant étrangère. Mon cœur bat à tout rompre dans ma poitrine, comme si mon corps savait déjà quelque chose que mon esprit refusait de comprendre.



Je m'assois lentement, la tête lourde, et regarde autour de moi. La chambre est petite, presque spartiate, avec des murs de bois et quelques jouets éparpillés sur le sol. Je remarque des affiches de pirates collées aux murs, des dessins colorés de bateaux et d'aventures sur les mers. Tout cela semble sortir tout droit de l'imagination d'un enfant.



Je me lève et me dirige vers un petit miroir posé sur une commode. Ce que je vois me glace le sang. Ce n'est pas mon visage que je vois. Le reflet me renvoie l'image d'un jeune garçon avec des cheveux noirs et ébouriffés, un nez long et distinctif, et de grands yeux bruns emplis de confusion.



« Usopp ? » murmuré-je, ma voix rauque résonnant étrangement dans cette pièce silencieuse. La réalité s'écrase sur moi comme une vague glaciale. Je suis dans le corps d'Usopp, un personnage de "One Piece", le manga préféré de mon frère aîné. Ce n'est pas une simple farce ou un rêve. C'est réel, terriblement réel.



Je touche mon visage, mes petites mains tremblant. « Comment est-ce possible ? » Je me souviens des journées passées à regarder l'anime avec mon frère Kaito, les discussions animées sur les personnages et les intrigues. Usopp était toujours son préféré, le personnage auquel il pouvait s'identifier le plus. Mais moi, j'étais simplement une gérante de boutique de prêt-à-porter de trente ans, Nadeshiko. J'avais une vie, des responsabilités, des amis... Et maintenant, je suis coincée dans le corps d'un garçon de sept ans, dans un village de pirates fictif appelé le Village de Sirop.



Le poids de cette réalité commence à se faire sentir. Mon ancienne vie, mes proches, ma boutique, tout cela me semble si loin maintenant, comme une autre existence. La dysphorie de genre me frappe de plein fouet. Je suis une femme, habituée à un corps féminin, à un certain rôle dans la société, et maintenant je dois naviguer dans la vie d'un jeune garçon. C'est déroutant et terrifiant.



Je quitte la chambre, mes pas résonnant faiblement sur le plancher de bois. Chaque mouvement semble maladroit, étranger. Mon cœur se serre à l'idée de devoir affronter cette nouvelle vie. Dans le couloir, je perçois une douce odeur de nourriture. Mon ventre grogne, rappelant à quel point je me sens physiquement affamé, même si mon esprit est trop bouleversé pour s'en préoccuper.



Je me dirige vers la cuisine, où Bakina, la mère d'Usopp, prépare le petit déjeuner. Elle est assise à la table, le visage marqué par la fatigue et la maladie. Je m'arrête sur le seuil, ne sachant pas comment aborder cette situation. Elle lève les yeux vers moi, un sourire chaleureux mais affaibli illuminant son visage.



« Usopp, tu es réveillé. Viens manger, mon chéri. » Sa voix est douce, pleine de cette tendresse maternelle que je n'ai pas ressentie depuis longtemps. Elle ne sait pas. Elle ne peut pas savoir. Pour elle, je suis juste Usopp, son fils.



Je m'assois à table, essayant de masquer mon malaise. Bakina me sert une assiette de riz et de poisson. Je prends une bouchée, la nourriture semblant fade dans ma bouche, écrasée par le poids de mes pensées. Comment pourrais-je lui dire ce que je ressens ? Comment expliquer que je ne suis pas son fils, mais une femme d'un autre monde, d'une autre vie ?



Je lève les yeux vers elle. « Merci, maman. » Les mots me semblent étrangers sur la langue. Un silence pesant s'installe. Bakina m'observe, l'inquiétude voilée dans ses yeux fatigués.



« Tu sembles troublé, Usopp. Quelque chose ne va pas ? » Elle tend la main pour toucher la mienne, un geste réconfortant qui me fait presque pleurer.



Je secoue la tête, me forçant à sourire. « Non, rien. Juste... fatigué, je suppose. » Comment pourrais-je lui expliquer la vérité ? Comment pourrais-je lui dire que je suis une intruse dans la vie de son fils, que je me sens comme une étrangère dans ce corps, dans cette maison ?



Après le petit déjeuner, je me réfugie dans la chambre d'Usopp. Je m'assois sur le lit, regardant fixement le sol. Mes pensées tournent en boucle, un tourbillon de confusion et de peur. La dysphorie est omniprésente, chaque sensation dans ce corps étant un rappel cruel de ce que j'ai perdu. J'avais l'habitude de me sentir à l'aise dans ma peau, de savoir qui j'étais. Maintenant, je suis perdue, coincée dans un rôle que je ne sais pas jouer.



Je pense à mon frère. Il serait fou de joie s'il savait où je me trouve. Il avait toujours rêvé de vivre des aventures comme celles de "One Piece", d'être un pirate dans un monde fantastique. Mais pour moi, c'est une malédiction. J'avais une vie stable, une carrière que j'aimais, des amis et des clients qui comptaient sur moi. J'étais Nadeshiko, une femme avec ses propres rêves et ambitions, pas un enfant dans un village fictif.



« Pourquoi moi ? » murmuré-je, les larmes brûlant mes yeux. « Pourquoi ici ? »



Les journées passent, et je lutte pour m'adapter à cette nouvelle réalité. Chaque matin, je me réveille dans ce corps étranger, dans cette maison avec une mère malade qui ne comprend pas pourquoi son fils semble si distant. J'essaie de jouer le rôle d'Usopp, de m'intégrer, mais c'est une lutte constante. La culpabilité me ronge. Je me sens comme une imposteur, volée d'une vie qui n'est pas la mienne.



Le poids de cette crise existentielle devient presque insupportable. Je suis déchirée entre l'envie de crier ma vérité et la nécessité de protéger ceux qui m'entourent de cette réalité choquante. Comment pourrais-je leur dire que je ne suis pas vraiment Usopp, que je suis une femme d'un autre monde qui a pris sa place ?



Assise seule dans la chambre, je regarde par la fenêtre le village de Sirop, si paisible et pourtant si oppressant. Chaque détail de ce monde me rappelle ce que j'ai perdu. Je suis une étrangère ici, une âme déplacée, essayant de survivre dans un monde qui ne m'appartient pas. Et dans cette lutte pour trouver un sens, je ne peux m'empêcher de me demander si je trouverai jamais ma place, si je pourrai jamais accepter ce que je suis devenue.


UsoppOù les histoires vivent. Découvrez maintenant