Anna-Lilas

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- Un mois, une semaine et quatre jours en arrière –

Le désordre c'est sale, et fatigant. Et comme je l'avais constaté plus tôt dans la journée, l'endurance est inexistante dans mon organisme. Je pisse sur le Mariage. Je pisse sur les dieux. Damné soit le monde et tous les microbes qui y vivent en respirant leur propre haleine. Ils ne me méritent pas. Et surtout pas le débile de mari qu'on m'a alloué et qui ne ressemble ABSOLUMENT PAS à Andel. Et puis merde.

Je viens de marcher sur un bout de verre. Un parmi les milliers d'éclats qui sont éparpillés autour de moi. Les rideaux sont déchirés, amassés sur le sol comme du vulgaire papier froissé. Le verre se mélange à la porcelaine et aux bouts de bois, en morceaux, partout dans la pièce. Chaque meuble est renversé, troué, déchiré, vomissant le contenu des coussins comme les boyaux d'un mort. Les tables, les chaises, même le lustre, tout est cassé. Le contenu des vases repeint les murs avec des morceaux d'aliments qui ont eu le malheur de tomber entre les mains du coupable. A la fin, tout ce qui reste, c'est le chaos, et moi... au milieu de la pièce. Au milieu de tout. Il y a beaucoup de pouvoir dans le chaos, dans le fait d'en être la source. On se sent puissant. Invincible. Et terriblement, terriblement sale.

Mon souffle fait écho dans toute la pièce, j'ai l'impression de respirer comme un animal en surpoids qui s'apprête à rendre l'âme. Mon corps devient de plus en plus lourd, et difficile à manœuvrer. Putain d'endurance. Si tout s'était passé comme prévu, j'aurais été à bout de souffle mais dans un tout autre contexte. Et très bien accompagnée. Au lieu de cela je me retrouve dans une robe en lambeau, plus noire que grise, plus serpillère que robe, dans le salon dévasté de mes anciens parents, avec des orteils et des doigts en sang. EN SANG. C'est indigne de moi. Tout ceci l'est. Je n'ose même pas imaginer l'état de mes cheveux.

J'entends un cri d'effroi. Ça y est, ils sont rentrés – « Par les dieux ! Mais qu'est-ce qui s'est passé ? Anna-Lilas ! Mon ange tu n'as rien ? » - c'est deddy. Zara apparaît vite à ses côtés, le visage inexpressif. Comme d'habitude. Les cheveux retenus dans un chignon sophistiqué pour mettre en avant ses gros seins qui débordent de sa robe moulante.

Ce sont des faux.

- « Chéri. Tu devrais aller te coucher. » - dit-elle à deddy sans me quitter du regard.

- « Mais- »

- « Elle va bien. Ce n'est rien, je m'en occupe. » - elle lui caresse doucement le dos – « Tu es fatigué, vas plutôt te reposer, je te rejoins plus tard. » - puis elle lui offre un de ses sourires alléchants qui mettent les hommes à genoux. Deddy l'offre un baiser sur le dos de la main en guise de réponse, et m'adresse un sourire vaincu avant de disparaître dans ses quartiers. Quel idiot.

- « Bien. Que me vaut cette horreur ? »

- « HA. Une horreur. » - je lui fait une révérence maladroite – « C'était un réel plaiiisir. Mais... Vous ne rentrez qu'à cette heure maadame Diamond ? »

- « Anna-Lilas. »

- « Votre plan... Maaachiavélique. Géniaal. Et bien il a échoué. » - je ne parviens plus à soulever ma langue – « J'ai eu le mauvais mari. Mon Mariaage est un ééchec. » - Je laisse échapper un gloussement, qui se transforme graduellement en rire fou et hystérique ponctué de larmes. Mon corps est vraiment bizarre.

- « Je vois. Tu as bu. »

- « Et bien... J'ai lancé quelques bouteilles ici et lààà et puis... puis... queelques gouuttes ont atterri par mégaarde sur ma langue. » - m'entends-je dire tout en riant. J'étais tellement prise dans mon délire que j'ai raté le moment où malla s'était avancée vers moi. C'est le son d'une gifle qui me ramène à mes esprits. Ça m'a pris cinq bonnes secondes pour faire le lien entre le son que je viens d'entendre et la douleur sur ma joue gauche. – « Comment oses-t- » - une deuxième fois, au même endroit. C'est illégal ! C'est un blasphème ! C'est douloureux... L'impact a failli tordre mon cou. Au même endroit ? Franchement ?

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