Andel

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- Un mois et trois jours en arrière –


Ça y est, j'y suis.

Stone Valley.

Etage 15.

Porte 15.

C'est le moment de rendre visite à une certaine créature peu recommandable.

La connaissant, elle est sûrement aussi enthousiaste que moi à l'idée de se débarrasser de son mari. Vu la taille démesurée de son égo, elle va même aller jusqu'à penser que je fais ça pour elle. Désolé de te décevoir Anna-Lilas. Je ne suis pas vraiment du type à aimer rendre service mais... En fait non, il n'y a pas de mais, je n'aime pas ça, c'est tout. Ce monde a besoin qu'on le débarrasse de Reigans, tout comme n'importe quelle habitation décente a besoin d'être désinfectée et vidée de vermines. Sa mort ne peut que faire du bien, rendre l'environnement plus agréable à vivre, plus hygiénique, plus de traîtres, plus d'Errandiens, plus de combattant Reigans qui zieute bizarrement ma femme et qui a envie de la porter dans ses bras à ma place. Oui. Comme je le disais, ce n'est que justice. Rien d'autre.

Alors, comme n'importe quel messager de la mort envoyé par les dieux, j'accomplis ma première tâche.

Je frappe à la porte.

Aucune réponse.

Je frappe une nouvelle fois.

Une minute passe, traînant les secondes derrière elle comme des boulets entrelacés entre eux jusqu'à former une autre minute, puis une autre. Il n'y a aucune réponse.

Rien.

Super.

Bon, je les aurais prévenus.

Je fouille les poches de mon pantalon militaire et en sort un petit kit pour forcer la serrure. Cette dernière ne résiste que le temps d'une seconde avant de céder. J'entre, puis je verrouille une nouvelle fois la porte en me servant du même mécanisme. Je range mon kit, puis dégaine une semi-automatique, les sens en alerte. A première vue, il n'y a personne. Le salon est vide, il y a un oreiller et une couverture soigneusement pliée sur le canapé. La cuisine, pareil, rien qu'une montagne de vaisselle sale et des éclats de verre sur le sol. Je vérifie la chambre du bébé, la chambre des mariés, la salle de bain, et j'étais à deux doigts d'entrer dans le dressing quand j'entends un cri aigu, étouffé par la porte close.

- « Ah ! Mais quelle plaie ! Bon on recommence... »

Anna-Lilas. Aucune autre voix n'est capable d'autant monter dans les aigues au point de me refiler instantanément une migraine. À qui elle parle ?

- « Je ne serai pas là ce soir. Je passe la nuit dehors, chez Patricia. Ce n'est ni la peine de m'attendre, ni la peine de m'écrire tes pathétiques petits mots incompréhensibles à la con... » - Il y a une pause, puis le bruit de plusieurs objets qui tombent – « Non, Patricia ça fait trop peste. Il ne peut pas y avoir deux pestes. Ha ! Il me faut un autre nom... Comment est-ce que j'appellerai mon amie si j'en avait une ? Ah merde alors... »

Putain.

Ça me dépasse.

Je savais qu'elle était folle mais là je commence à sincèrement m'inquiéter. Peut-on laisser une créature pareille circuler librement dans notre société ? Peut-on même lui confier un foyer ? Un enfant ? Si ça ne dépendait que de moi... Bon. Elle est visiblement seule. Je décide donc de la laisser à ses amies imaginaires.

La Main a dit qu'il nous fallait des preuves incriminantes. Donc je ne peux pas tuer sans motif. Je pourrais, et j'aimerais beaucoup. Mais je pense que ça ne serait pas très poli. Heureusement que j'ai pensé à prendre des mouchards au labo.

Le Monde Sans HistoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant