Astrid (Père)

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- Un mois, une semaine et trois jours en arrière -




- « Ça n'a toujours aucun sens. » - murmure Saber à côté de moi.

Nous sommes dans son laboratoire. Je n'avais pas compris au début pourquoi il a sollicité ma présence et celle d'Imèra pour un simple cas d'incendie. Sauf que maintenant, en visionnant les images des caméras de surveillance avec lui, je réalise qu'il n'y a rien de simple là-dedans.

Les images nous montrent des protecteurs et des femmes fraîchement mariées bougeant dans des mouvements synchronisés, comme s'ils dansaient sur une musique qu'ils sont les seuls à entendre dans un spectacle de marionnettes. Ils mettent le feu à leur appartement en pleurant, versant le contenu de bouteilles d'alcool, de bidons d'essence, ou encore en ouvrant des bouteilles de gaz en tournant en rond ... Comme s'ils devaient brûler quelque chose au milieu. C'est dérangeant. Mais ça ne s'arrête pas là. Les écrans nous montrent ensuite des séquences où ils courent dans le bâtiment comme s'ils avaient une horde de monstres à leurs trousses. Dans le bâtiment en feu. Mais ils ont l'air de ne pas avoir remarqué ce détail. Puis d'un coup, et au même moment, ils s'immobilisent tous. Sans aucun signe de douleur, aucun cri, aucun désir de sortir de là ou de s'échapper de ce fourneau. Le dos parfaitement droit, le corps dévoré lentement par les flammes. C'est d'une horreur. Certains n'ont plus qu'une masse bouillonnante de chair à la place de cheveux, d'autres sont complètement méconnaissables et ne sont plus que vêtements et chair fondus au-dessus de leurs os. Ils devraient déjà être morts là... mais ils tiennent debout. Bien droit. Comme s'ils attendaient quelque chose. C'est à ce moment que Saber pause.

- « Pourquoi tu pause ? » - demande Imèra qui était penchée sur un des écrans, les larmes aux yeux.

- « Regardez bien à partir de là. Leurs lèvres. Enfin... pour ceux qui en ont encore. »

Je me penche à mon tour sur l'un des écrans et j'observe. Saber relance les vidéos.

- « Recommence. » - dis-je, puis je me penche sur un autre écran, Imèra fait de même – « Encore. » - puis sur un autre – « Encore. » - puis sur un autre – « Bordel de merde. »

- « Qu'est-ce qui leur arrive ! » - crie Imèra en pleurs – « Qu'est-ce que c'est Saber ! C'est une maladie ? Qu'est-ce qui arrive à mes bébés ! »

- « Je n'ai jamais rien vu de tel en quatre cents ans. » - dis celui-ci, les bras croisés sur sa poitrine.

- « Diana... Rosie... Amida et merde putain qu'est-ce que ça veut dire » - murmurai-je

- « Diana. Rosie. Amanda. Ma petite Daisy. » - lâche Saber.

- « Quoi ? »

- « Ce sont les noms qu'il répètent en boucle. Avant de mourir. »

- « Pourquoi ? Qui sont ces gens ? Elles sont liées à cet incident ? »

- « Ce sont encore ces foutus Errandiens. » - grogne Imèra en agrippant son ventre.

- « Tu ne peux pas blâmer les Errandiens pour tout ce qui se passe sur cette putain de planète ! »

- « Ils sont l'ennemi Astrid ! Pourquoi est-ce que tu prends toujours leur défense ! »

- « Taisez-vous. » - tonne Saber. Il lâche un soupir et se laisse tomber sur un de ses fauteuils à roulettes. – « Il y a cent vingt-deux personnes à Jouvence qui s'appellent Diana, cent quatre-vingt Amanda, cinquante-cinq Rosie et trente-deux Daisy. J'ai déjà vérifié les registres. Et... Aucune de ces personnes qui se sont um... donné la mort ne porte ces noms. Les noms sont une mauvaise piste et rien dans ces séquences n'indique que c'est un acte des Errandiens. Au premier abord, ça ressemble à un étrange suicide collectif. »

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