Andel

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- Un mois, une semaine et deux jours en arrière -

On dit que le chemin qui mène vers le succès est jonché de sacrifices.

Hier, j'ai sacrifié mon lit.

Et ma malade mentale de suicidaire de femme a refusé de s'y allonger si je ne retirais pas le lustre qui pendait au-dessus. Alors je lui ai retiré son putain de lustre. Elle est vraiment paradoxale, elle s'en va dormir en plein incendie mais elle a peur qu'un petit lustre lui tombe dessus dans son sommeil. Bon, pas si petit que ça en réalité.

Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle s'en est sortie indemne. Le gros coup de bol. Elle est tellement irréfléchie et distraite que des fois j'ai vraiment VRAIMENT envie de la taper. Un bon coup de poing dans cette délicate petite gueule. Délicate petite gueule qui est en train de se reposer sur mon oreiller avec les paupières closes et les lèvres entrouvertes. Et je suis en train de l'observer comme si elle ne risquait pas de se réveiller à tout moment, me surprenant accroupi sur le sol, à la tête du lit... à quelques centimètres de son visage. J'ai vraiment envie de lui en mettre une là tout de suite.

Je ne sais même pas comment je suis arrivé là, ni depuis combien de temps d'ailleurs. J'ai eu un vilain torticolis, j'ai eu froid aux pieds parce qu'ils dépassaient du canapé, puis j'ai eu mal au ventre et je me suis retrouvé là. C'est tout ce qui me revient. Je ne survirai pas à une autre nuit sur le canapé. Mon dos, ma nuque, mes jambes n'y survivraient pas. Mais elle est malade, je ne peux pas la mettre dessus non plus. Techniquement je pourrai... oui... Mais moralement, ça serait vraiment mal vu. Mais mal vu par qui ? On est assignés à domicile donc on est coincé avec l'autre ici pendant une semaine entière.

Bordel de merde mais qu'est-ce que je suis en train de faire ?

Je me lève abruptement et sors de la chambre. J'ai besoin de me vider la tête. On est enfermés ici donc je ne peux pas aller nulle part. Moi j'ai juste envie de dormir, je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Puis l'horlogramme sur le mur indique qu'il est à peine quatre heures du matin.

Bon, tant pis.

Je reviens dans la chambre et m'allonge à côté d'une Harrey toujours endormie. Je tire la couverture d'un coup et laisse mes paupières engloutir le monde dans l'espoir de rattraper quelques heures de sommeil. Je sens un léger mouvement à côté de moi mais je n'ai plus assez de conscience pour y faire attention.

A mon réveil. Je découvre que le lit est plus grand que je le pensais. Je peux même écarter les jambes sans la heurter. Mais quand j'écarte les bras, je sens quelque chose de dur à côté de moi. A mon souvenir, Harrey n'avait rien de dur... Quand j'entrouvre mes paupières, je vois une fine mèche de fumée danser paresseusement dans l'air. Feu. Danger. Mes sens sont en alerte.

Je me redresse brusquement et manque de renverser le plateau repas qui était déposé à côté de moi en lieu et place de ma femme qui était supposée être en « convalescence » depuis l'incendie. Elle est passée où ? Mon regard fait le tour de la chambre, vide, et en bazar avec les sacs vides et le lustre posés n'importe comment un peu partout. Il faut que quelqu'un range. Mais où est-ce qu'elle est ? Je vous jure que si cette fois elle cherche encore un autre moyen de mettre fin à ses jours je la laisse faire. Je lui porterai assistance même vu ses précédents échecs.

- « Harrey ? »

Mes pieds nus se mettent à marcher vite sur le sol froid ? Où sont passés mes pantoufles ? Je n'en ai aucune putain d'idée, mais c'est sur ma liste des objets perdus en plus de ma femme. Je vérifie la salle de bain en premier, on ne sait jamais. Puis le dressing, le salon, la cuisine, la salle à manger puis la salle de bain à nouveau en vérifiant deux fois dans la baignoire. Il est huit heures et demie sur l'horlogramme. Mais où a-t-elle bien pu aller ? Je pensais qu'on était tous confinés dans nos appartements jusqu'à nouvel ordre ? Ah, il reste un endroit que je n'ai pas cherché.

Le Monde Sans HistoireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant