Chapitre 11 : Contre le prince

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Le Roi annonça le début du dernier combat. Il fallait que je fasse vite, que je gagne le plus rapidement possible. Je fonçai sur Tenebris et lui assénai un coup de poing accompagné d'un sort de glace. Les deux bras en bouclier devant lui, il avait paré mon coup. Il fut tout de même propulsé plusieurs mètres plus loin, les pieds toujours ancrés dans le sol. Après avoir doucement ralenti, il s'arrêta. Mais ma glace l'avait suivi et commença à geler entièrement son corps. Une fois qu'il fût totalement pris au piège, j'attendis plusieurs secondes dans un silence de plomb. J'avais gagné si facilement contre lui ? Lui qui était un chef de faction et le fils du Roi ? Déboussolé, je m'approchai du bloc de glace dans lequel il était enfermé mais, à deux pas de lui, mes ailes frémirent et je reculai. Contre toute attente, Tenebris venait de faire ce que jamais personne n'avait réussi : il avait fait fondre ma glace.

J'étais si fatigué ? Ou alors avais-je tant perdu de mes pouvoirs ? Je tentais réellement de me trouver une excuse. Pourtant la véritable raison était simple. La glace se brisa de l'intérieur dans une explosion de flammes alors que je n'avais reculé que d'un pas. Le terrain s'entoura de flammes. On ne voyait plus les spectateurs et ils ne nous voyaient plus non plus, on les entendait simplement crier de joie et de fierté. Les flammes baissèrent et la foule se calma. Ils nous voyaient mais les flammes restaient à un niveau que l'on ne pouvait pas franchir. La chaleur des flammes était, pensai-je, même trop forte pour la plupart des démons. Personne ne pouvait nous arrêter, c'est ainsi que je le compris.

— T'es nul, Chef !

Je crus d'abord à une hallucination. Qui oserait dire cela au prince de son royaume ? Mais, quand je tournai la tête vers le concerné, je compris qu'il ne risquait rien, car c'était son meilleur ami.

— Ferme-la, Elpis ! lui gueula Tenebris.

Il n'avait même pas tourné la tête vers Elpis pour le lui dire, il était concentré sur notre combat. Il n'avait pas éteint les flammes. Il voulait vraiment y aller à fond. Ce serait le premier à terre, le premier qui ne pourrait plus faire un pas, qui perdrait. Il n'y avait pas d'abandon avec lui. En combat réel, ça aurait été un combat à mort, j'en étais sûr. Il pensait comme moi, ça nous faisait un point commun, même si ce n'était pas forcément le meilleur.

— Viens, souffla-t-il.

Je me projetai à nouveau vers lui, et il fit de même. On se percuta dans les airs, poing contre poing, en se regardant dans les yeux. Il prit force sur notre contact pour revenir à sa place tandis que je battais des ailes pour rester dans les airs. Puis on revint tous les deux à l'attaque, il n'y avait pas de défenseur, on attaquait tous les deux. Mais j'étais à bout de force, je n'allais pas tenir longtemps encore. J'essayais de suivre ses coups, de tous les parer et d'en donner en passant à travers sa garde mais il était plus rapide que moi et je baissais mon rythme.

Il réussit à me toucher une fois, au ventre. Le coup m'envoya un peu plus loin dans les airs puis je retombai à la limite de l'arène, la tête à quelques centimètres des flammes. Je me relevai très vite, pour ne pas me faire enflammer par Tenebris ou sa barrière de flammes. Du sang coulait de ma bouche, il m'avait frappé plus fort que je ne le pensais. Je n'eus pas le temps de rêvasser, mes ailes frémissaient déjà. Il était au-dessus de moi, je n'avais plus le temps d'esquiver. Je parai son coup de pied avec mon avant-bras droit. Le choc de son coup m'enfonça dans le sol et forma un cratère de plusieurs centimètres de profondeur. Il se retira d'un coup d'aile.

Je n'allais plus tenir bien longtemps. Maintenant, ça se remarquait. J'étais essoufflé. Mes jambes ne me tenaient plus et mes genoux me lâchèrent. Je tombai à terre. Mais il fallait que je tienne encore un peu. J'essayai de me relever. Mes jambes tremblaient, mon cœur battait dans ma poitrine bien trop vite, bien trop fort. Mes bras pendaient comme de simples ficelles. Des voix se firent entendre du côté des spectateurs.

— Il ne tiendra pas le coup, disait l'un.

— Il va perdre lamentablement, se moquait son amie.

— Abandonne ! me criait un autre.

Je me mis à rire, un sourire fou collé aux lèvres. J'avais gardé cette habitude depuis longtemps, sourire comme un fou pour ne pas me décourager, pour me redonner un peu de force, un semblant d'espoir. Ils s'étaient tus, ils me regardaient comme si j'étais dingue. Peut-être que c'était vrai.

— Abandonner, c'est mourir.

Je tentai une dernière fois de me lever. Et enfin, je réussis. Alors j'essayai. Personne ne pouvait voir ce qu'il se passait avec ma magie. À l'intérieur de moi, chaque muscle apaisait sa souffrance de lui-même. Je me glaçais de l'intérieur. Mais serais-je encore capable de bouger après avoir désactivé mon pouvoir ? J'ignorai le futur et me concentrai sur mon adversaire. Que j'aie du mal à me lever, lui n'en n'avait rien à faire. S'il avait pour ordre de se battre, il se battait. C'était tout et déjà bien assez pour lui. La pitié ne faisait pas partie de ses principes. Tant mieux.

Il se jeta sur moi et me donna un coup de poing. Je m'effondrai sur le terre sèche, incapable de tenir debout, même encore un petit peu. J'étais plus que fatigué. Je n'imaginais pas que je le serais aussi rapidement. Aurais-je assez d'endurance pour la guerre ? Enfin... si j'y allais un jour. Je ne savais pas ce que les démons me réservaient.

La foule de démons commença à ricaner quand le roi annonça le vainqueur : Tenebris. Ce dernier ne me regarda même pas et regagna sa place au côté de son père et de ses amis. « Et voilà, il voulait faire le fier et il a perdu. » « Il sera juste inutile à la guerre. » « Ange un jour, Ange toujours, il ne se battra jamais de notre côté. » Les dires rentraient dans la tête et n'en ressortaient pas. Je ne devais pas laisser de simples paroles me blesser. Mais ils avaient peut-être bien raison. Je n'eus même pas la force de changer de position et restai au milieu de la horde de démons, à la merci de tous, sur le dos. Je regardais le ciel en écoutant, sans vraiment le vouloir, les quatre vérités que gueulait le public. Soudain, une main rentra dans mon champ de vision. C'était Vensis. Il était venu m'aider à me lever, accompagné d'Eleed.

— Bah alors Elyan, incapable de tenir debout ?

Je pris la main de Vensis avant de répondre à la provocation du cuistot de la faction trois, qui avait un grand sourire aux lèvres. Sa moquerie me fit rire.

— Vas-y toi, combats ces quatre monstres dans la foulée avec la moitié de ta puissance et on en reparle après.

Les moqueries s'étaient tues tour à tour jusqu'à ce qu'il n'y en ai plus une seule. Eleed et Vensis sourirent et on se dirigea tous les trois vers le Roi. Je me mis à stresser. Mon cœur battait rapidement et fort dans ma poitrine. Je ne pouvais même pas me tenir debout devant le roi, mais bizarrement, je ne trouvais pas cela honteux du tout. J'avais perdu parce qu'ils étaient forts, c'était épuisant. Je me demandais une chose, aurais-je gagné contre Tenebris si je m'étais battu contre lui en premier ? Il était fort, très fort, et je l'étais aussi. Mais qui de nous deux l'était le plus ? Je voulais me battre, je voulais un nouveau combat contre lui. Mais seulement après du repos, car j'étais terriblement fatigué.

— Bien, débuta haut et fort le souverain de l'Asgeit. A partir d'aujourd'hui et jusqu'à sa mort, Elyan fait officiellement partie de la faction 2. Il lui reste à présent trois semaines pour tout apprendre de ce pays avant de partir au combat. Van é iriga !

Les guerriers répondirent tous en criant, la main à plat sur le cœur. Qu'avait-il dit ? « Van é iriga », qu'est ce que cela signifiait ? Je l'ignorais encore. J'ignorais tout de cette partie du monde, l'Asgeit.


Le traître des AngesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant