Chapitre 12

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Dans le sud d'Alascar, perchée sur le mont Uton, trônait une forge. L'odeur de suie et de métal chaud était quotidienne, tout comme celle de la sueur.
Au milieu de la paille s'entraînait une jeune soldate, batant l'air de son arme. Ses bras n'étaient pas vraiment musclés, elle s'entraînait surtout au maniement de l'épée et à perfectionner sa souplesse et son agilité. Elle avait une silhouette élancée, de longs cheveux brillants et un petit nez bossu.
Elle rigolait beaucoup, la solitude ne lui avait pas fait perdre la tête malgré le départ de ses parents, elle s'amusait à parler à ses adversaires fait de bois et de tissus. 
Elle les narguait, les frappait et recommençait jusqu'à l'épuisement.
Cela faisait presque cent jours qu'elle était seule.
Ce fut toute surprise qu'elle alla ouvrir à l'étranger qui avait frappé à sa porte.

Bien moins étranger lorsqu'elle vit son visage.

- Armand ?

***

Elio découvrait les montagnes qui s'étendaient par-delà la ville. Ils étaient parti tôt dans la mâtinée pour profiter de la fraîcheur de la rosée, il n'y avait pour l'instant que brouillard et pénombre.
Lio avait finalement accepté de les accompagner, bien que Elio la soupçonnait d'être venue juste pour garder un œil sur lui.

Ils allaient voir une certaine Mira. Une amie d'enfance des jumeaux qui, selon les dires du professeur, serait en capacité de lui apprendre à maîtriser son pouvoir.
Mira habitait loin de la ville au milieu des forêts et des lacs.

En dehors du village, le paysage était beaucoup plus aéré. Les nombreuses montagnes imitaient de grandes vagues bleues et le vent qui soufflait dans les herbes chantait à la manière des serpents.
La mer verte se montrait capricieuse, laissant des bouts d'elle-même flotter dans les airs.
Des morceaux de terre planaient à quelques mètres du sol, pareil à d'immenses montgolfières.
Certains entraient en collision ou se décidaient subitement à retourner sur terre.
C'était pour cela qu'il était considéré comme dangereux de vivre dans les montagnes.

Même après qu'Edam lui a assuré qu'il était rare que la terre se décroche du sol, Elio n'était pas rassuré.

Ils s'arrêtèrent plusieurs fois pour reprendre des forces et manger un bout avant de repartir.
Au bout de presque deux jours de marche, ils arrivèrent devant la grande forge. 
Mira ouvrit la porte, encore munie de son épée d'entraînement.

- Armand ? S'étonna-t-elle.
- Je t'amène de la compagnie.

Il poussa la porte d'une main.
Mira écarquilla les yeux en voyant le visage de ses anciens amis.

- Edim et Edam ! Toujours aussi jumeaux ?
- Malheureusement ! Ajouta Edim en rigolant. Et, je vois que, toi, tu as bien changé.

Mira s'approcha d'Edam et plaqua le flan de sa main sur son front.

- Merde ! T'es plus grand que moi maintenant !
- Content de te voir en forme, Mira, déclara Edam amusé en voyant que, finalement, elle n'avait pas tant changé que cela.

Elle tourna ses yeux vers le professeur.

- Je sais que tu ne les a pas amené seulement pour me tenir compagnie. Qu'est-ce que tu veux ?

Les petites rides autour de ses yeux marron se creusairent quand il sourit.

- On a besoin d'entraînement.

Il cligna de son œil droit et montra toutes ses dents.

Mira pointa les jumeaux avec le bout de son arme.

- Eux, je vais me débrouiller pour leur trouver des points forts.

Elle passa à Lio,

- Toi, tu as des jambes musclées. Je dois pouvoir travailler sur ça.

...puis à Rico,

- Belle carrure et très beau jeune homme. Je pense devoir travailler sur l'agilité avec celui-ci.

et, pour finir, à Elio.

- Toi, tu es faible et blessé. De plus, tu as l'air totalement perdu. C'est lui ?

Elle se tourna une nouvelle fois vers le professeur.

- Toujours aussi maligne...
- Armand, continua-t-elle. Tu es venu depuis la ville pour m'amener un vagabond avec un pouvoir ?

Elio se demanda si elle n'allait pas leur fermer la porte devant leur nez et les laisser sur le pallier.

- Exactement, répondit Armand.
- J'accepte ! S'exclama-t-elle aussi rapidement qu'elle fut rentré à l'intérieur suivie par ses invités.

La grange était entourée de deux grands bâtiments. La maison comportait cinq chambres et plusieurs mètres de couloirs.
Bien que le bâtiment paraissait grand de l'extérieur, ce n'était rien comparé aux innombrables pièces vides censé accueillir le bétail.

- ... et il a fait apparaître une hache pour l'abattre, expliqua le professeur qui détaillait toute la course poursuite à Mira.
- Si je comprends bien, tu n'avais jamais manifesté une quelconque trace de ce qui pourrait ressembler à un pouvoir auparavant, demanda-t-elle à Elio.
- Je ne suis même pas sûr que ce soit de moi. Je veux dire... Et si quelqu'un avait juste eu pitié de moi et avait voulu m'aider ?
- On n'a qu'à te tester, lança Mira. Pas aujourd'hui bien-sûr, vous avez eu un long voyage et je sais que vous êtes épuisés. Je vous montre vos chambres et demain matin on commence !

Le point positif avec le fait qu'Elio ne venait pas de cette dimension était qu'il pouvait dormir comme il le souhaitait.
Comme rêver était interdit sur Alascar, chacun avait adopté une technique pour dormir sereinement.

Le professeur était dans la chambre la plus éloignée des autres, il avait besoin qu'un disque de musique classique tourne en boucle toute la nuit.
Les jumeaux, Edim et Edam, devaient dormir près du feu, imprégnés de l'odeur de bois brûlé.
Rico devait boire un grande tasse d'une boisson verte qu'il obtenait en broyant des plantes.
Lio, quand à elle, était restée très secrète sur cela. Elle avait seulement insisté pour avoir une chambre bien précise qui se situait entre celle de Rico et les écuries.

Mira insista pour qu'Elio ai la chambre juste à côté de la sienne.
Bien qu'il ne dormaient pas dans la même pièce, cela rassurait Elio de savoir qu'elle n'était pas loin.

La nuit, le vent battait dans les volets en bois.
La bâtisse était plantée devant une grande forêt traversée par un ruisseau qui diffusait sa fraîcheur jusque dans la chambre d'Elio.

Il s'endormit dans ses draps en lin qui sentaient encore la paille où ils étaient entreposés.

Le réveil fut très brutal.
Mira se leva à l'aube et sautilla dans toute la maison en tambourinant sur une casserole avec une cuillère en fer.

Rico était très matinal, ce qui n'était pas le cas d'Edim.
Edam dû l'empêcher de sauter au cou de Mira.

Le petit déjeuner fût simple mais rassasiant. Il était composé de verres de lait et d'une purée obtenue à partir des tubercules que l'on trouvait dans les terres argileuses des montagnes.
Après plusieurs bouchées, le goût cartonné de ces racines avait envahi la bouche d'Elio.

Mira les guida dans la forge.
L'espace était suffisant pour accueillir un troupeau de bêtes.
Plusieurs armes étaient accrochées sur les murs en pierre ou entreposées dans des seaux en attendant d'être utilisées.
Le sol était recouvert de paille. Au milieu de la pièce, on rond s'était formé, les pieds de Mira poussant la saleté sur les côtés au fil de ses entraînements.
Plusieurs mannequins étaient adossés aux murs, le ventre ou la tête ouvert par les coups d'épées.

Mira attrapa un long bâton en fer et poussa Elio du bout de celui-ci jusqu'au milieu de la pièce.

Elio était prêt à s'entraîner mais pas vraiment à recevoir un coup violent dans le dos.
Assez violent pour le mettre à terre.

La guerre des rêvesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant