La guerre des rêves

Chapitre 17

Elio commençait à s'habituer à cette nouvelle vie.
La nuit, il s'entraînait avec Mira et ses amis. Il apprenait différentes techniques de combat et semblait s'améliorer petit à petit.
Le jour, il traînait son carnet partout. Il dessinait en cours ce qu'il apprenait, les différentes armes, les positions de combat, la stratégie. Il écrivait aussi beaucoup et avait rapidement rempli la moitié des pages blanches du carnet.

Il ne pensait presque plus à Lio ni à sa trahison selon lui plus que prévisible.
Rico ne le prenait pas aussi bien. Bien qu'il faisait tout pour le cacher, Elio voyait bien que son regard avait changé. Il était devenu terne et sans vie. Il ne parlait presque plus et se contentait d'effectuer les tâches du programme du jour sans sa bonne humeur habituelle.

- Ça va lui passer, disait Mira quand Edam s'inquiétait.

Son amie était partie et les avait trahis alors qu'il l'avait défendu corps et âme, il était normal qu'il mette du temps à se remettre.
La vérité, c'était qu'il s'en voulait. Il était en colère contre lui-même de ne pas avoir vu que Lio agissait bizarrement. Il se tenait pour responsable des blessures d'Elio.

Le soir, tard, Rico buvait son jus anti-rêves devant la cheminée.
Elio traina une chaise le long de la pièce et s'installa à côté de lui.
Rico ne tourna pas la tête. Elio se demandait si il lui en voulait.

- Je suis désolé, lança-t-il.

Rico eut un rictus incontrôlé et caressa son verre de jus.

- C'est pas de ta faute. J'aurais dû t'écouter. J'avais vu qu'elle avait changé depuis que tu es arrivé, mais je n'ai rien fait.
- Des fois, je me demande où elle est.
- Elle est retournée chez elle, assura Rico.
- Ou alors, elle campe à la belle étoile à la bordure de la ville. Ça doit être dur pour elle de rentrer en sachant que vous n'êtes plus là.

Rico se leva de sa chaise et avala le reste de son verre d'une traite.

- Elle est chez elle, assura-t-il une nouvelle fois.
- Comment le sais-tu ?
- Quelqu'un l'attend chez elle.

Il n'ajouta rien de plus et partit se coucher.

« Il ne reste que deux jours avant la fin du temps d'asile pour les anges. Nous ne savons encore rien de ce qu'il se passe en ville. Peut-être que les anges sont déjà partis depuis longtemps. »

Elio continuait d'écrire frénétiquement sur son carnet lorsque Ben le coupa dans son élan d'un coup de coude dans les côtes.

- Ça à sonné !
- Ho. Pardon Ben, j'arrive.

Ils sortaient de la classe en même temps que Méline, qui se décida à les suivre.
La cour de récré était toujours bondée à la fin des cours. Elio n'aimait pas tout ces élèves qui se bousculaient, se chamaillaient, criaient, chahutaient, rigolaient. Il était tout à fait heureux que peu d'élèves ne possèdent de vélo. Ainsi, il était souvent seul avec Ben pour récupérer son vélo sous le porche.

Quelques soirs comme celui-ci, Méline se joignait à eux. Ils montaient sur le vélo et avançaient doucement tandis qu'elle les suivait à pieds. Elle passait la plupart de son temps à se disputer avec Ben mais le trajet était plutôt plaisant.

Elio fouillait dans son sac, il cherchait les clés de l'antivol de son vélo. Elles étaient tout au fond, cachées sous son gros livre de maths. Avant qu'il n'ait pu les récupérer, une grosse main s'empara de son carnet.
Elio essaya tant bien que mal de le reprendre mais il déversa le contenu de son sac sur le sol.

- Que ce que c'est au juste, demanda Ben en feuilletant les pages.
- Rends-moi ça tout de suite !

Méline prit à son tour le livre.

- Un rêve, se demanda-t-elle en lisant la première page.
- Arrête Méline c'est privé.

Elio essayait de récupérer son bien mais il passait de mains en mains si rapidement qu'il en avait la tête qui tournait. De plus, la montagne de livre qui recouvrait ses pieds entravait ses mouvements.

- C'est moi qui te l'ai offert, continua Ben. Alors j'ai le droit de savoir ce que tu met dedans.

Méline leva un regard plein de compassion sur Elio. Il remarqua qu'elle était en train de regarder le dessin qu'il avait fait de son bras déchiqueté par le Croque.

- Es-ce que ça va Elio, s'inquiéta-t-elle.
Je vais bien !

Il profita de ce moment d'inattention pour récupérer son carnet.
Il le fourra dans son sac avec toutes ses affaires qui étaient tombées.

- Elio, c'est vraiment bizarre ce genre de dessins, insista Méline. Tu fais des cauchemars ? Tu sais on peut en parler si tu veux.
- T'as beaucoup changé mon gas ces derniers temps. En bien ou en mal, ça je sais pas encore, mais ce que je sais c'est que ce carnet, c'est pas normal.

Elio comprenait l'inquiétude de ses amis mais il ne pouvait pas leur dire. Ils ne comprendraient pas.

Pourtant il en avait tellement envie. Il était si bien entouré sur Alascar mais il ne pouvait en parler à personne sur Terre.
Même si Méline et Ben ne pouvaient pas comprendre, ils sauraient au moins écouter.

- J'ai, commença-t-il. J'ai fait un rêve il y à longtemps. Un rêve bien trop réel.
- Comme une sorte de rêve lucide, demanda Ben.
- Non, c'était bien plus fort que ça. Je refais ce même rêve presque toutes les nuits. C'est comme une sorte d'univers parallèle. Là bas les jours passent comme chez nous, ils ont des villes et des habitants, ils ont même une reine.

Ben et Méline échangèrent un regard perplexe.

- Je sais pas si je suis fou ou si je voyage vraiment toutes les nuits. Tout ce qu'il y a dans ce carnet, c'est toute ma vie là-bas.

Elio baissa la tête.

- Je sais, c'est complètement idiot.
- Nan, assura Ben. C'est pas idiot. C'est complètement dément ! T'es genre une sorte de super héros !
- Attendez, vous me croyez ?
- Je sais pas, répondit Méline. Mais tu peux peut-être nous convaincre sur le chemin.
- Raconte- nous tout depuis le début ! Cria Ben perché à l'arrière du vélo.

Elio leur raconta toute son histoire dans les moindres détails. Les anges, la reine, le bébé, les jumeaux, Rico, Lio, les entraînements avec Mira, Lumon et le conseil.
Ses amis n'arrêtaient pas de lui poser mille et une questions.
Elio se demanda pourquoi il ne leur en avait pas parlé plus tôt.
C'était ses amis après tout.