Le Conseil terminé, Maxence s'engagea dans les rues pavées de Valmont, ses pensées encore engluées dans les débats et les décisions qui avaient agité la salle de réunion. Pourtant, il savait qu'il devait se libérer de ces préoccupations, ne serait-ce que pour un bref instant de répit. L'après-midi lui offrait une échappatoire bienvenue : un rendez-vous avec ses amis dans leur refuge habituel, un lieu où les préoccupations du monde extérieur semblaient toujours s'évanouir, dissoutes dans les rires et les discussions passionnées.
Le Bistrot des Arts, niché au coin d'une rue ombragée, exhalait un charme intemporel. Ses murs, habillés de boiseries sombres et de vieilles affiches fanées, chuchotaient des histoires d'époques révolues. C'était un sanctuaire de camaraderie, où jeunes et anciens se retrouvaient pour partager une boisson, une idée, ou simplement le réconfort d'un après-midi paisible. L'atmosphère y était à la fois chaleureuse et rassurante, enveloppant les visiteurs d'une douce sensation de familiarité.
En poussant la porte, Maxence fut immédiatement saisi par le parfum enivrant de la Berdane, cette boisson emblématique de Valmont, née de la nécessité de remplacer le café, devenu un luxe introuvable dans cette cité isolée. Produite à partir des grains d'une plante locale cultivée avec soin dans les serres et jardins de la ville, la Berdane se distinguait par son goût amer et corsé, évoquant le café, mais enrichi de notes terreuses et épicées qui lui conféraient un caractère unique. Les effluves de Berdane flottaient dans l'air, se mêlant aux bruits familiers des conversations animées et des verres qui s'entrechoquaient, créant une symphonie discrète mais réconfortante.
Le bistrot, jamais bondé à cette heure, accueillait ses habitués dans un calme serein. Certains levaient la tête pour saluer Maxence d'un signe respectueux, reconnaissant en lui l'un des fils de la classe dirigeante de Valmont. Son regard se posa rapidement sur une table reculée, baignée par une lumière douce et dorée, où Élise d'Aubigny était déjà installée. Elle sirotait tranquillement un verre, perdue dans ses pensées, son visage délicatement éclairé par les rayons du début d'après-midi.
Élise portait une robe victorienne d'un vert profond, ornée de dentelle, qui soulignait son élégance innée. Ses cheveux roux, relevés en un chignon soigné, laissaient échapper quelques mèches folles, adoucissant son allure et encadrant son visage de manière gracieuse. Lorsqu'elle aperçut Maxence, un sourire accueillant illumina son visage, chassant les ombres de la réflexion.
« Maxence, » dit-elle en se levant légèrement pour l'accueillir, sa voix teintée de cette chaleur tranquille qui lui était propre. « Je t'attendais. Prends place. »
Maxence s'installa en face d'Élise, tâchant de laisser derrière lui les lourds fardeaux de la matinée. « Bonjour, Élise. J'espère que je ne t'ai pas trop fait attendre. »
« Pas du tout, » répondit-elle en souriant, son regard pétillant de bienveillance. « Je suis arrivée un peu plus tôt pour me détendre après les cours. Alors, comment vas-tu ? Tu as l'air préoccupé. »
Maxence hésita un instant, se demandant s'il devait confier à Élise les tourments qui agitaient son esprit. Avant qu'il ne puisse trouver les mots, la porte du bistrot s'ouvrit à nouveau, émettant un léger tintement qui résonna dans l'air comme une douce mélodie, et laissa entrer deux silhouettes familières : Hugo Leclerc et Clémence Rousseau. Ils franchirent le seuil côte à côte, comme s'ils avaient synchronisé leurs pas, leur complicité évidente, témoin de nombreuses années d'amitié inébranlable.
Hugo, grand et solidement bâti, incarnait la force tranquille. Sa redingote sombre, impeccablement ajustée, soulignait sa carrure imposante et semblait taillée pour un héros de roman d'aventure. Ses cheveux bruns, courts et soigneusement coiffés, affichaient une légère touche de rébellion, un écho discret à son esprit libre. Sa barbe, finement taillée, renforçait l'aura d'assurance et de détermination qui émanait de lui, tel un chêne enraciné dans la terre, stable et indomptable.
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Lacuna Sensus : Les Errants Silencieux
Science FictionDans la ville isolée de Valmont, une cité fondée sur les idéaux du XIXe siècle, où la tradition règne en maître et où chaque détail semble immuable, Maxence de Villeroy a grandi en croyant à l'harmonie parfaite de cette société utopique. Descendant...