Chapitre 17 Escouade Suicide

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Adélaïde se tenait toujours immobile, fixant les vastes étendues de Valmont par la grande fenêtre de son bureau, ses pensées en ébullition. La lumière du matin, douce et dorée, se répandait sur la ville, mais elle ne trouvait aucun réconfort dans cette beauté familière. Le départ de son fils, Maxence, la hantait. Derrière elle, son conseiller, Alphonse, attendait patiemment. Il se tenait près de la porte, observant cette femme en proie à des tourments qu'il n'avait que rarement perçus chez elle.

Alphonse avait assisté à la confrontation entre Adélaïde et Maxence. Il avait vu la froideur implacable de la dirigeante face à son propre enfant, et il savait qu'elle était capable de la plus grande cruauté si elle estimait cela nécessaire pour la sécurité de Valmont. Mais aujourd'hui, en la voyant silencieuse, il percevait quelque chose de différent, comme si, pour la première fois, elle doutait de ses propres choix.

Sans se détourner de la fenêtre, Adélaïde rompit finalement le silence, sa voix basse et grave, chargée d'une rare vulnérabilité : « Comment est-ce possible, Alphonse ? Tout ce que je lui ai appris, tout ce que j'ai construit pour lui, et il me tourne le dos ? Comment peut-il voir dans tout cela une trahison plutôt que le fondement de notre avenir ? »

Alphonse hésita un instant. Il savait que ses mots devaient être pesés avec soin. « Madame... Maxence a été exposé à des vérités qu'il n'a pas su comprendre comme vous l'auriez souhaité. Il a vu nos actions sous un prisme déformé, sans saisir la nécessité de chaque décision. »

Adélaïde serra les poings dans son dos, ses ongles s'enfonçant dans la peau de ses paumes, ses yeux toujours rivés sur la ville en contrebas. « Justement. Ce n'est pas ce qu'il a appris qui pose problème, mais la manière dont il l'a perçu. Tout cela... » Elle marqua une pause, cherchant ses mots. « Tout cela lui a paru cruel, tyrannique. Il n'a pas vu la grandeur, la vision. Il n'a vu que la main de fer, jamais le but ultime. »

Alphonse, toujours derrière elle, hocha lentement la tête, même si elle ne le regardait pas. « Les jeunes sont souvent aveuglés par leurs idéaux, madame. Ils ne comprennent pas les sacrifices nécessaires à la protection d'un ordre, surtout un ordre aussi délicat que celui de Valmont. »

Adélaïde se détourna enfin de la fenêtre, ses yeux froids perçant ceux d'Alphonse. « Ce qui m'effraie, ce n'est pas qu'il ait fui. Ce qui m'effraie, c'est qu'il puisse révéler l'existence de Valmont au monde extérieur. Tu imagines, Alphonse, ce que cela provoquerait ? » Elle fit quelques pas, son visage crispé par l'angoisse à peine dissimulée. « Une invasion de misérables, de pillards, de ceux qui ne comprennent rien à notre civilisation. Ils viendraient détruire tout ce que nous avons bâti, tout ce que j'ai protégé. »

Alphonse avala difficilement, sentant le poids des paroles de sa dirigeante. « Vous craignez que sa fuite n'attire sur nous des regards indésirables, des ambitions étrangères... »

« Exactement, » répliqua Adélaïde, coupant court à ses paroles. « Si Maxence et ses amis laissent échapper ne serait-ce qu'un mot sur Valmont... cela pourrait attirer sur nous des hordes d'envieux et de malheureux. Des êtres avides de profiter de notre prospérité sans jamais comprendre les sacrifices qu'elle exige. »

Elle s'arrêta un instant, ses pensées s'accélérant. « Et Eugène... » Elle laissa échapper un soupir, comme si ce nom réveillait en elle une nouvelle vague de frustration. « S'il échoue à les ramener... »

Alphonse baissa les yeux, conscient de l'importance de la mission confiée à Eugène. « Il fera tout pour ramener votre fils, madame. Il sait ce qui est en jeu. »

Adélaïde lui lança un regard perçant, presque glacial. « Il a intérêt à réussir. Si Maxence n'est pas de retour bientôt, nous serons confrontés à bien pire que quelques révoltes internes. »

Lacuna Sensus : Les Errants SilencieuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant