La libération du cri

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La lumière de la lune glissait à travers les rideaux, caressant la chambre d'une lueur douce et argentée. Tout était calme. Trop calme, en fait. Mon cœur battait fort, résonnant dans ma poitrine comme un tambour, mais je me répétais que tout allait bien. Que c'était normal d'être nerveuse. Que c'était normal de ressentir cette légère tension dans l'air. Aiden était là, juste à côté de moi, et ça, c'était réel.

Il me regarda avec ces yeux pleins de tendresse, presque inquiets, comme s'il attendait un signe. Ses doigts effleurèrent ma joue, leur chaleur me rassurant un instant. Pourtant, au fond de moi, une légère angoisse flottait, mais je l'ignorais. Ce moment était le nôtre. Nous l'avions choisi.

— Emma, murmura-t-il doucement, tu es sûre ?

Sa voix, douce et pleine d'attention, semblait suspendue dans l'air.

Je pris une respiration profonde, sentant mes côtes se soulever et se baisser lentement. Oui, j'étais prête. Peut-être un peu nerveuse, mais prête. Je lui souris légèrement, comme pour me convaincre moi-même.

— Oui, Aiden. Je suis prête, répondis-je, ma voix presque un murmure.

Il hocha doucement la tête, son regard plongé dans le mien. Il m'embrassa, et ses lèvres étaient chaudes, rassurantes. Mon corps se détendit un peu, mes mains se posèrent sur sa peau. Je pouvais sentir la chaleur de son torse sous mes doigts, chaque battement de son cœur contre ma paume.

Lentement, nos corps se rapprochèrent, se mêlant sous les draps. Sa main glissa doucement le long de ma hanche, envoyant des frissons dans tout mon corps. Je me laissai guider par la tendresse de ses gestes, me concentrant sur la sensation de sa peau contre la mienne, le poids de son corps contre le mien. Il était si proche. Chaque souffle, chaque mouvement était une promesse partagée. Pourtant, quelque chose, au fond de moi, restait tendu.

Puis, il se glissa en moi.

D'abord, une gêne. Rien de plus que ce que j'avais imaginé. Mon corps se tendit légèrement, et je tentai de me détendre. Je savais que la première fois pouvait faire mal, que c'était normal. Je pouvais le sentir avancer doucement en moi, et mes doigts se crispèrent légèrement sur les draps. C'était étrange, à la fois intime et inconfortable, mais je m'efforçais de rester calme, de me concentrer sur la douceur de ses gestes, sur sa chaleur.

Mais ensuite, la douleur arriva. Plus vive que je ne l'avais anticipée. Mon souffle se coupa un instant. C'était comme si quelque chose se déchirait à l'intérieur de moi. Une douleur sourde, brutale. Mon corps se raidit immédiatement.

Aiden s'arrêta, son regard inondé d'inquiétude.

— Emma... tu es sûre que ça va ?

Je ne voulais pas l'inquiéter. C'était normal, non ? La douleur faisait partie du processus. Mais une partie de moi commençait à douter. Je pris une profonde inspiration, essayant de calmer les battements frénétiques de mon cœur.

— Oui, ça va... c'est juste... un peu plus que ce que je pensais, dis-je, tentant de sourire malgré la douleur qui continuait de croître.

Il hocha la tête, mais je sentais qu'il restait attentif à chaque mouvement de mon corps, à chaque crispation de mes muscles. Pourtant, alors qu'il avançait un peu plus, la douleur devint insoutenable. Une vague brûlante se propagea en moi, comme si quelque chose de bien plus profond était en train de se briser.

C'était là que tout changea.

Une chaleur étrange envahit mon bas-ventre, une chaleur qui n'avait rien de normal. Elle se répandait en moi comme une onde, une pulsation rythmée. C'était comme si mon corps réagissait à quelque chose que je ne comprenais pas. Je baissai les yeux, et là... je vis le sang.

Il y avait du sang. Beaucoup de sang. Il s'étalait sous moi, imbibant les draps. Ce n'était pas quelques gouttes. C'était une marée rouge sombre, dense, qui ne cessait de s'étendre. Mon cœur s'accéléra, une panique sourde montant en moi. Mon corps tremblait légèrement, et pourtant, je ne pouvais pas bouger. Mon souffle se fit plus rapide, plus court.

— Aiden... murmurai-je, incapable de détacher mes yeux de cette flaque qui continuait de grandir.

Le sang ne s'arrêtait pas. Il coulait, encore et encore, sans fin. Et alors, je remarquai quelque chose de terrifiant. Ce n'était pas juste du sang. Il bougeait. Il s'étendait en motifs complexes, formant des lignes sinueuses, des cercles parfaits. Des glyphes. Des symboles inconnus qui semblaient se dessiner d'eux-mêmes, comme s'ils obéissaient à une force invisible.

— Emma, qu'est-ce qui... commença Aiden, sa voix chargée d'inquiétude.

Mais à cet instant, tout éclata.

Un cri déchira ma gorge, un cri que je ne contrôlais pas. Ce n'était pas un simple cri de douleur. C'était quelque chose de plus profond, de plus ancien. Ce cri résonna à travers la pièce, et je sentis une vague d'énergie pure exploser autour de moi.

Les murs tremblèrent, les fenêtres volèrent en éclats dans une pluie de verre, et le lit trembla sous l'effet de la puissance de mon cri. Tout autour de nous semblait se fissurer, se briser sous l'impact de cette onde sonore inhumaine.

— Emma ! cria Aiden, mais sa voix fut engloutie par mon propre hurlement.

Mon corps se cambrait sous l'effet de cette énergie incontrôlable, et je pouvais sentir ma peau brûler, mes muscles se tordre, comme si quelque chose d'invisible essayait de s'échapper de moi. Le sang continuait de couler, inondant la pièce, formant des glyphes plus complexes, plus terrifiants. Je ne pouvais pas m'arrêter. Ce cri... ce cri, c'était plus qu'un simple cri. C'était une libération. Un hurlement né des profondeurs de mon être.

Je sentis mes yeux brûler, une douleur vive qui me poussa à les fermer. Mais quand je les rouvris, je ne reconnaissais plus mon propre reflet dans les morceaux de verre brisés. Mes yeux... ils avaient changé. Ils étaient devenus argentés, lumineux, comme des miroirs reflétant quelque chose de monstrueux, quelque chose qui n'était plus moi.

— Aiden... non... soufflai-je, ma voix tremblante, presque inaudible.

Le sang... il se glissait vers Aiden. Lentement, inexorablement. Il rampait sur le sol, s'approchant de lui comme une ombre vivante. Je vis son regard, écarquillé, rempli de peur. Et alors que le sang toucha sa peau, il se figea. Son corps se tendit, pris de spasmes violents.

— Non ! criai-je, mais je ne pouvais rien faire.

Son corps se tordait, ses veines devenaient noires sous sa peau. Son visage, déformé par la douleur, était méconnaissable. Quelque chose en moi l'avait changé. Quelque chose d'incontrôlable. Je pouvais sentir cette puissance sombre s'éveiller dans la pièce, envahir chaque recoin de mon être.

Puis, tout s'arrêta brusquement.

Le cri mourut dans ma gorge, et le silence revint, lourd, oppressant. La pièce était en ruines. Les murs fissurés, les vitres brisées, tout semblait avoir été soufflé par une tempête invisible. Le sang avait cessé de couler, mais il formait des motifs effrayants sur le sol, des glyphes qui pulsaient encore d'une énergie sombre.

Je me tournai vers Aiden. Il était allongé là, à mes côtés, mais ses yeux... ils n'étaient plus les siens. Ils étaient noirs, comme deux gouffres sans fin.

Ce n'était plus Aiden. Et ce n'était plus moi.

Je venais de libérer quelque chose de bien plus terrible que je ne l'avais imaginé.

L'Académie des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant