Le murmure des ombres

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Les murs de la cellule étaient imprégnés d'une obscurité lourde, presque tangible. Je pouvais sentir les ombres s'étendre, m'envelopper, et chaque seconde passée dans cette noirceur pesait sur ma poitrine comme une pierre. Les souvenirs du combat et de la transformation d'Aiden se mêlaient en une cacophonie de peur et de désespoir.

Un léger bruissement me fit sursauter. Je levai les yeux, cherchant l'origine du son. Une forme indistincte glissait hors des ombres, comme un mirage flottant dans l'air épais. Lentement, elle prit la forme d'un grand chat noir, ses mouvements empreints d'une fluidité surnaturelle.

C'était un Songepatte. Sa fourrure semblait absorber toute lumière, transformant l'espace autour de lui en une obscurité encore plus profonde. Des murmures incompréhensibles flottaient dans l'air, comme des soupirs de vent à travers des feuilles mortes. Ses yeux, deux trous d'ombre, fixaient les miens avec une intensité qui fit trembler mon âme. Ils n'avaient ni iris ni pupilles, juste des abysses sans fin.

Il s'avança sans un bruit, sa présence silencieuse pourtant écrasante. À chaque pas, ses griffes fines traçaient des lignes lumineuses dans l'air, disparaissant aussi vite qu'elles apparaissaient. Sa queue longue et sinueuse se balançait derrière lui, projetant des éclats de lumière fantomatique.

« Qui être ici ? » chuchota le Songepatte, sa voix une brise froide caressant ma peau. « Qui il dans la noirceur, qui il dans la lumière ? »

Je restai figée, mes pensées figées par la peur. « Qui es-tu ? » parvins-je à articuler, ma voix à peine plus qu'un souffle. « Que veux-tu de moi ? »

Le Songepatte inclina la tête, et un sourire étira sa bouche bien trop large. « Moi est Songepatte, marcheur des ombres, veilleur des songes... toi être ici, moi être ici... il doit être prêt, prêt pour maître... »

Je frissonnai, tentant de comprendre ses mots étranges. « Pourquoi tu dis "il" ? Je suis une fille, je suis... elle. »

Les yeux du Songepatte semblèrent s'élargir, comme s'ils absorbaient tout autour de moi. « Elle, il... tout pareil, tout différent... pas de nom, pas de forme, tout est songe, tout est ombre... il être toi, toi être il... lumière dans noirceur, noirceur dans lumière... »

Je soupirai, sentant le besoin de clarifier. « Je suis une fille parce que je me sens comme une fille. C'est ce que je suis. Je suis Emma, et je suis une fille, c'est comme ça que je me vois. »

Songepatte inclina la tête d'un air curieux, ses yeux d'ombre me fixant avec une intensité nouvelle. « Toi... expliquer à moi... pourquoi il être il, pourquoi il être elle... personne parler à Songepatte... personne jamais... »

Je tendis une main tremblante vers lui, cherchant à toucher cette créature étrange, à vérifier si elle était réelle. Mes doigts effleurèrent sa fourrure sombre, mais ils ne rencontrèrent rien de solide. Ils traversèrent son corps comme s'il était fait de brume.Une sensation de froid intense s'empara de moi, se répandant dans tout mon bras. Je retirai ma main brusquement, les yeux écarquillés de stupeur. 

« Qu'est-ce que tu es... ? » murmurai-je, mon souffle se transformant en une buée légère dans l'air glacial.Le Songepatte me regarda, ses yeux d'ombre remplis de quelque chose qui ressemblait à de la pitié. « Ombre, lumière, tout se mêle... moi est reflet, moi est songe... il ne toucher pas l'ombre, l'ombre ne toucher pas il... » 

 Je sentis les larmes me monter aux yeux, la panique me prenant à la gorge. « Aide-moi, » suppliai-je, ma voix brisée par le désespoir. 

« S'il te plaît, aide-moi à m'enfuir d'ici. Je ne veux pas voir ce... ce Bélial. »Le Songepatte émit un ronronnement profond, sa queue frémissant doucement dans l'air. 

« Partir ? Où aller, où fuir... noirceur est ici, lumière aussi... pourquoi fuir ce que toi doit devenir, ce que toi est déjà ? Peut-être partir, peut-être rester... mais pourquoi fuir le chant des ombres, le murmure des rêves ? »Ses mots étaient des énigmes, des promesses voilées de mystères sombres.

 « S'il te plaît, » implorai-je, sentant les larmes couler librement sur mes joues. 

« Aide-moi... »Le Songepatte se redressa, ses yeux fixes sur moi, des gouffres d'ombre insondables. 

« Bélial... Bélial veut savoir, veut voir... lumière et noirceur, tout se cache, tout se chante... peut-être lumière peut briller ailleurs, peut-être noirceur peut se retirer... mais qui sait, qui sait... »

Il sembla se perdre dans ses pensées, ses yeux abyssaux vacillant comme s'il contemplait quelque chose de nouveau et d'étrange. Je restai silencieuse, ne sachant quoi ajouter, mais ressentant une étrange connexion se former.

« Toi... différent, » murmura-t-il enfin, sa voix résonnant comme un souffle de vent. « Toi parler à Songepatte... toi voir Songepatte... moi donner ceci, pour quand il vouloir parler encore... »

Songepatte se redressa, et dans un mouvement fluide, il leva une de ses pattes avant. Lentement, une forme se matérialisa dans l'air devant lui, comme si elle était tissée des ombres mêmes qui l'entouraient. C'était un anneau, fin et élégant, fait d'un métal noir qui semblait absorber la lumière tout comme Songepatte.

« Ceci... moi dans ombre, ombre dans ceci, » murmura-t-il, sa voix résonnant avec un écho étrange. « Quand il appeler, moi entendre... quand il besoin, moi venir... »

Je tendis la main, et l'anneau sembla glisser à travers l'air pour venir se poser doucement dans ma paume. À l'instant où je le touchai, une sensation étrange m'envahit, comme un frisson de froid qui parcourait mon être, mais aussi une chaleur rassurante, une promesse d'assistance.

Le songepatte fit un pause, presque pensif.  « Souvent, humains parlent à Songepatte... puis, perdre âme... ou mourir... mais pourquoi, pourquoi ? Cela n'a pas d'importance... »

Il sembla réfléchir un instant, comme si la gravité de ses paroles ne l'atteignait pas vraiment. « Démons parlent à Songepatte aussi... mais eux, jamais conversation agréable... toi, peut-être, changer ? Parler sans perdre ? Peut-être... peut-être pas... »

Avant que je ne puisse réagir ou poser d'autres questions, Songepatte se fondit dans les ombres, sa silhouette disparaissant comme une fumée chassée par le vent, ses murmures résonnant encore autour de moi, comme les soupirs d'une nuit sans fin. « Patience, patience... tout est possible, tout est songe... »

Je clignai des yeux, tentant de comprendre ce qu'il voulait dire. « Comment ça, perdre son âme ? » demandai-je, mais avant que je ne puisse obtenir une réponse, Songepatte commença à se dissoudre.

Il se fondit dans les ombres, sa silhouette disparaissant comme une fumée chassée par le vent, ses murmures résonnant encore autour de moi, comme les soupirs d'une nuit sans fin. « Patience, patience... peut-être lumière trouvera son chemin, peut-être noirceur se dissipera... tout est possible, tout est songe... »

Et il n'était plus là. Je restai seule, l'anneau noir dans ma main, les mots de Songepatte résonnant dans mon esprit comme des échos d'une mélodie ancienne. Perdre son âme ? Que voulait-il dire par là ? 

L'Académie des ombresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant