𝙲𝚑𝚊𝚙𝚒𝚝𝚛𝚎 𝟺 | 𝙻'𝚊𝚍𝚘𝚙𝚝𝚒𝚘𝚗.

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Sota

L'orphelinat de Los Angeles

Je regarde Bianca quitter la pièce un peu trop rapidement. 

Ses yeux... 

D’un bleu à couper le souffle, ni trop clair, ni trop foncé, mais qui renferment une douleur intense... si vive. 

Elle est brisée.

— Monsieur ? résonne une voix qui me semble lointaine.

Mon esprit est encore perdu dans le couloir où elle a disparu. 

— Monsieur ? répète Sandra. 

Pourquoi ai-je l’impression d’être obligé de faire cela ? Pourquoi est-ce que je tiens tant à la voir heureuse ?

— Oh, excusez-moi, j’étais... ailleurs. 

— Ne vous en faites pas... Euh, de quoi souhaitez-vous parler ?

— Bianca est-elle encore en âge de se faire adopter ?

La directrice me lance un regard surpris, puis se décide à répondre :

— Qu'elle soit majeure ou mineure, tant qu'elle n'a pas atteint une autonomie suffisante, elle peut toujours être adoptée, oui.

— Je vois... 

Va au bout de ta connerie, Sota !

— J’aimerais l’adopter.

Sandra reste sans voix, mais ne semble ni surprise ni choquée. Elle paraît plutôt inquiète, mais aussi soulagée. 

Drôle de mélange.

— Vous savez, adopter quelqu’un n’est pas une décision à prendre à la légère, surtout en ce qui concerne Bianca.

— Que voulez-vous dire ?

— Monsieur Suzuki, il n’y a aucun obstacle qui me permettrait de vous refuser cette adoption, et le don que vous avez fait à cet orphelinat ne fait que confirmer mes propos, et je suis convaincue que Bianca sera entre de bonnes mains. Mais le seul problème, c’est Bianca elle-même.

— Elle ne veut pas être adoptée ? demandé-je, confus.

— Oh, c’est son rêve depuis neuf ans, vous savez. Mais quand on est incapable de parler, qu’on est enfermé dans son passé et harcelé à cause de cela, on finit par se refermer sur soi-même. Bianca n’a pas facilité son adoption en devenant aussi renfermée.

Je l’imagine, petite et sans défense, arrivant dans cet orphelinat, incapable de communiquer avec les autres et insultée pour cela. Je me demande quel genre de traumatisme elle a subi pour en arriver à ce mutisme.

J’aimerais poser la question à Sandra, mais plus encore, j’aimerais l’entendre de la bouche de Bianca.

Oui, l’entendre, et non le lire.

Car je sais que ce mutisme ne durera pas éternellement, et je souhaite entendre sa voix.

Comment était sa voix avant cette tragédie ?

— De l’espoir naît l’acceptation, continue Madame Brown. On espère quelque chose, et quand cela n’arrive pas… on finit par accepter. Bianca a accepté son sort il y a bien longtemps. Elle préfère désormais le bonheur des autres orphelins au sien.

— Je compte sur vous, alors.

Elle hausse les sourcils, attendant que je complète ma phrase.

— Pour lui faire comprendre qu’il ne faut jamais perdre espoir… Je ne sais pas si elle acceptera d’être adoptée, mais j’espère que vous lui ferez comprendre que je veux simplement son bonheur et que je lui laisse le temps d’y réfléchir.

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