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Mayrie, Thulmar, Restaurant « Le néon rose, J-(-90), soirée

Encore un soir où elle devrait se laisser porter par la musique.

Pas une musique agréable, calme, qui embrasse le tympan de ses douces vibrations.

Non, ce soir Mayrie allait encore devoir se laisser secouer par un son pénétrant par le crâne et ressortant par les entrailles jusque-là nausée.

Un son tellement intense et violent qu'il décroche votre âme et la fait rouler entre ses doigts sombres.

Du moins, c'est ce qu'elle pensait en dansant mi-nue, un soir encore, devant des centaines d'hommes gras et bruyants. Peut-être aurait-elle apprécié se faire secouer ainsi avec des amies, ou des gens de son âge du moins.

Des amies, elle en a pourtant. Du moins elle en avait. Après que son lycée ait fermé avec la guerre, que nombre de parents soient parties au front et que les jeunes soient maintenant à la rue ou en famille d'accueil pour les plus chanceux.

Elle ne pensait plus vraiment à ses amies. Nourrir sa mère mourante et ses frères était plus important.

Ainsi, tous les soirs, elle se retrouvait, avec d'autres filles comme elle, sur une scène, admirées ou plutôt observées sous tous les angles par des hommes riches, des membres de l'armée, des mafieux...

Quand bien même aurait-elle choisi ce métier, elle ne s'y ferait jamais. Elle ne l'avait en fait pas réellement choisi. Son engagement avait été étrange et malsain.

En effet c'est un soir, rentrant chez elle dans ce minuscule appartement de la capitale, après une énième journée de manche, au plein cœur d'un des quartiers les plus mal famés possible de la région, que son futur « manager », le Gérant - comme il aimait à se faire appeler -, l'avait repérée pour sa beauté malgré la crasse qui la ternissait. Il était grand et gros comme un bœuf.

Exténuée de sa journée, qui ce jour-là avait durée plus de 18h -mais ne lui avait pas rapportée plus que de quoi manger-, elle ne fit pas attention au colosse trainant sa carcasse noire parmi les ombres de la ruelle. La pauvre Mayrie était maintenant à quelques mètres du perron menant à son immeuble quand il l'avait interpellée de sa voix rauque caractérisant un certain intérêt pour la cigarette.

Elle lui avait jeté un regard de proie pourchassée mais elle écouta quand même ce qu'il lui racontait d'une voix posée, juste assez forte pour être entendu :

- Tu as quelque chose que mes autres filles n'ont pas. Tu as des formes malgré ta maigreur, dit-il en s'approchant d'elle dangereusement, ça m'intéresse.

Elle ne réagit pas, la peur et le dégout la tétanisait, elle avait déjà été approchée par des fous, des ivrognes, mais jamais de personnes bien habillées et semblant lucides.

- Oui, c'est rare chez les jeunes filles de nos jours d'avoir autant d'atouts, reprit-il en essayant de lui attraper un sein.

Prise de panique elle recula. Il était vrai qu'a 19 ans elle avait une poitrine développée et une taille creusée par la faim. Ses cuisses étaient aussi formées par les kilomètres qu'elle se résignait à faire chaque jour pour trouver les rares passants qui peut-être lui donnerai un sou. Mais jamais personne n'avait tenté quoique ce soit d'aussi... spontané, intime.

- N'ai pas peur ma grande, je ne touche pas par plaisir, je teste la marchandise.

Marchandise ? Qui est encore ce malade ? se dit-elle.

IRON FAT BOYOù les histoires vivent. Découvrez maintenant