Treekson, Thulmar, Centre-ville, J-(-89), nuit
La nuit était entamée depuis longtemps, seul éclairaient les rues de pales lanternes s'apparentant à des réverbères accolés aux enseignes alentours.
La soirée de Treekson lui semblait durer une éternité. Jamais il ne s'était sentit à sa place dans ces bars remplis d'alcool et de femmes de charme. Non pas qu'elles ne lui eurent pas fait de l'effet, mais il trouvait effroyable de les exploiter de la sorte.
C'est en connaissance de cause qu'il raisonnait, sa sœur avait été l'une d'elles dans les jours les plus durs. Livrée aux sales mains grasses des hommes fortunés ou hauts gradés militaires.
Soudain tiré de sa rêverie par ses collègues ivres morts et abrutis pas le spectacle :
- Bass ! Vient te détendre avec une jolie dame par ici !
- Sans façon, répondit-il sans grand engouement, faisant tourner un verre lourd de rhum brun .
- T'es vraiment une prude toi ahah, se moqua le grand benêt lui ayant adressé la parole.
Tout à coup, écœuré par cet endroit, Treekson finit d'une traite son verre et en récupérant sa veste de commandant, partit de la salle bondée du fameux bar intitulé le « Néon Rose ». Un lieu entre crasse et musique frappante. Où les jeunes femmes se succédaient comme des bêtes de foires sur scène. Se déhanchant à en désarticuler leurs fémurs. Il était temps pour lui de partir de ce monde auquel il n'appartenait pas.
L'air froid de la soirée déjà largement entamée s'engouffrait dans ses cheveux ras bruns. Il en frémit pendant qu'il enfila sa veste à la hâte. Pour une fois, la nuit ne lui procurait pas de sentiments négatifs mais bien un certain réconfort. Même saturée de pollution, l'air semblait plus pure que celle du bar.
Inspirant, il fermait les yeux. Ivre de ce sentiment de liberté prochaine qu'allait paradoxalement lui donner la Traversée. Même enfermé dans les dernier étages d'un bateau, il serait moins contraint qu'aujourd'hui. Son passé et son présent s'entremêlant et le rendant plus faible chaque jours. Alors en partant, peut être qu'il pourrait leur échapper.
Puis, des larmes, un soupir. Était-ce encore lui qui rêvait ou y avait-il vraiment quelqu'un ?
De nouveau arraché à ses pensées, Treekson ouvrit les yeux intrigué.
Là, dans le reflet des néons, apparaissait une ombre recroquevillée.
Il s'approchait en douceur pour ne pas brusquer l'inconnu :
- Bonsoir, je peux vous aider ?
- ...
S'approchant, il découvrit une jeune femme à demi nue, les yeux larmoyants et plusieurs gouttes de mascara ayant coulée le long de ses joues creuses. Il reconnut là une des femme qui avait dansé ce soir.
Sachant la condition difficile de ces prestataires, il enlevait sa veste et la passait atour des épaules de la jeune femme qui semblait avoir entre 17 et 20 ans. S'accroupissant à ses côtés il lui demandait bienveillant :
- Qu'avez-vous mademoiselle ? Comment puis-je vous être utile ?
- Personne ne peux m'aider, je suis finie, on est tous finis, répondit-elle fixant le vide devant-elle.
- Finis ? De qui parlez-vous ?
- Je viens de me faire virer, je dois subvenir aux besoins de mes 3 frères et de mon amie enceinte. On est fichus.
S'en repris un sanglot gêné et quelques reniflements timides.
- Je vois, votre situation est... complexe ...
Il pris le temps de la dévisager, malgré sa maigreur et son maquillage fondu, sa beauté était telle qu'elle reluisait malgré ça. Il fut gêné de ne pas savoir la réconforter. Ca n'avait jamais été son fort.
- Je vous ais vu, reprit-elle coupant court le silence embarrassé.
- Comment ?
- Vous êtes de l'armée ? Avec les militaires qui se la donne toutes les semaines ici. Si vous voulez une prestation gratuite en vous faisant passer pour un bon Samaritain, vous vous mettez le doigt dans l'œil Monsieur.
Piqué au vif, Treekson reculait, il inspirait à cette femme tout ce qu'il haïssait. Inspire, Expire. Se ressaisissant, il se penchait de nouveau vers l'inconnue.
- Jamais je ne me permettrait, et pour vous prouver ma bonne foi, je vais vous aider. Quel est votre nom ?
- Mayrie. Comment voulez-vous m'aider ? C'est peine perdue.
- Seulement si vous admettez qu'il n'y a plus d'espoir. Mais il y en a Mayrie. J'ai vu la fougue avec laquelle vous dansez sur scène. Vous êtes une battante et je l'ai senti.
Il le savait mais il mentait, il avait à peine porté attention aux danseuses.
- Alors comment faire, s'enquit Mayrie à bout de nerf.
- Connaissez-vous la Traversée ?
- Oui mais je n'y ait pas le droit, je... nous somme trop pauvres et pas vaccinés.
- Attendez, je peux vous permettre d'y accéder et ainsi de trouver un emploi sur un autre continent pour subvenir aux besoins de votre famille.
- Comment ?
- Je suis en charge de l'escouade X, la dernière, réservée aux sans-papiers et autres étrangers ou non identifiés.
- Mais comment peuvent-ils accéder aux bateau sans papiers ?
- Le bateau est si grand que certains entrerons mais ne seront pas retrouvés facilement, ceux n'appartenant à aucune escouade seront transférés dans la mienne.
Mayrie semblait pensive mais au minimum, ses larmes avaient séchées.
- Comment vous faire confiance ?
- A vous de voir, tenter ou périr.
Mayrie restait amer de la proposition mais déclarait :
- Comment je dois m'y prendre ?
Treekson était soulagé de voir la jeune femme accepter son aide.
- Introduisez vous quelques jours avant dans le bateau, par le tunnel construit sur la côte, les soldats n'y sont jamais affairés, tous des bons à rien.
Cette dernière affirmation, il l'avait chuchotée comme pour extérioriser son agacement.
- J'y réfléchirai alors
- Je ne veux pas que ça s'ébruite compris ?
- Oui Monsieur...
- Treekson, appelez-moi Treek.
- Alors appelez-moi May
- Bien, bonne soirée May, en espérant vous revoir à bord.
Sur cette phrase, il tourna les talons, laissant sa veste à la jeune femme, maintenant seulement vêtu de sa chemise et de son harnais porte révolver.
Il s'en voulais d'une part d'avoir dévoilé ces secrets à une inconnue mais elle avait quelque chose de familier. Quelque chose de réconfortant, encore une âme égarée, perdue dans la masse de misère.
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IRON FAT BOY
RomanceCette guerre tuait plus que des Hommes, elle tuait des âmes. De par sa longueur, sa cruauté, son étendue, sa mortalité, mais surtout son absurdité. Comment une question morale avait pu engendrer la mort de nos frères, de nos sœurs, de nos pères ? C...