IRON FAT BOY

8

Legan, Thulmar, Siège Gouvernemental J-(-90), soir.

Depuis l'immense baie vitrée de son bureau perché au dernier étage du bâtiment de plus prisé du continent, Legan observait pensive la brumeuse atmosphère planant sur la capitale. Le soleil en train de se coucher était incapable de percer le brouillard, mélange de vapeur et de pollution ambiante. Si la guerre et la misère n'avait pas été les majeures responsables de ce paysage désolant, on aurait pu croire à un banal soir d'hiver. De cette hauteur, aucun cri ou alarme n'était perceptible. Ce fut le seul endroit paisible qu'elle connaissait dorénavant. Ce silence lui permettait de remettre son esprit en ordre. Apaiser ses pensées et les apprivoiser.

Car en effet, comme elle l'avait compris, il lui serait impossible même avec un miracle de faire changer l'avis de son père sur son départ imminent. L'imprévisibilité de celui-ci et les raisons sombres de son départ précipité la laissait dans une lourde incompréhension. Qu'est ce qui aurait pu autant changer ces derniers temps pour que la situation s'envenime autant ? Il lui restait très peu de temps pour le découvrir.

La veille, après son altercation avec le Commandant Bass, Legan s'était pressée de retourner voir son père pour lui extirper un maximum d'informations. Cela n'avait mené à rien.
Le Dirigeant était resté vague et malgré ce qui paraissait être un début de sénilité, il avait maintenu son habilité de politicien à contourner les questions à son avantage. Il n'y avait rien à tirer de lui.

Divaguant, elle replaça ses pensées sur ce qui allait changer dans sa vie. Elle aspirant à un si brillant avenir, se voyait maintenant presque orpheline de sa nation. Déportée comme tant d'autres comme du bétail. Elle-même qui souhaitait se marier et fonder une famille après avoir redresser son pays et mis un terme à la guerre.

Cet avenir radieux de vieillir aux côtés de son amant, mais carriériste dans l'âme, se serait battue pour sa renommée. Sa vie lui glissait entre les doigts comme un filet d'huile. Soudain impuissante, elle se sentit prise par l'émotion. Une larme timide se formait au coin de son grand œil sombre. Puis celle-ci roula silencieusement le long de sa pommette rosée, battue par un battement de cil. Rapidement une autre suivie, puis une autre, jusqu'à ce qu'elle ne puit plus se contenir.

Sa gorge la brulait, ses joues étaient en feu. C'est le souffle entrecoupé de sanglots qu'elle tentait de se canaliser en regardant fixement le décor extérieur. Cela n'y fit rien si ce ne fut l'anéantir encore plus. Ainsi, en pareil condition, elle se résolut à se tourner dos à la baie vitrée et y appuyer son dos tremblant avant de se laisser glisser le long de celle-ci. Le contact gelé du verre contre ses vêtements fins la fit frissonnée mais l'apaisait en même temps.

Soudainement, c'est à la lourde porte de bois donnant accès à son bureau qu'elle entendit frapper. Prise de panique, elle n'osait pas répondre de peur d'être vue dans cette rare position de faiblesse. Il s'écoulait donc quelques secondes silencieuses où, gênée, Legan ne fit pas un geste de peur de trahir sa présence. Puis du silence, une voix faible se fit entendre à travers la porte. Une voix familière qu'elle n'eut aucun mal à reconnaitre :

- Gan ? C'est moi, tout va bien ?

Il n'y en avait qu'un capable de lui donner un diminutif aussi familier.

- Liston, rentre.

L'épaisse porte s'ouvrit et découvrit le grand brun cette fois ci habillé en civil - simple chemise blanche, jean beige assuré par une ceinture large et des derbys cirées- à la différence de son uniforme universitaire. Il s'avançait et refermait la porte avant de s'avancer dans la pièce. Malgré les nouvelles qu'il avait reçues plus tôt ce jour-ci , il tentait de garder un air détaché et confiant, pourtant, lorsqu'il vit Legan frêlement posée contre la baie vitrée, le visage marqué par la peine, son air insouciant laissait place à l'inquiétude. Il se précipita à ses côtés en ayant pris soin de verrouiller la porte.