Azriel, Thulmar, Port de Brumesgard, H(-2), matinée
Le vent sciait son visage et faisait valser ses cheveux mi-longs chatains. Auburn, son fidèle cheval bai galopait à fendre l'air. Allait-il être en retard ? Allait-il louper la plus grande chance de sa vie ? Il ne pouvait pas se permettre de rater la Traversée.
Le froid matinal englobait son corps et seule l'adrénaline lui faisait conserver un peu de sa chaleure. Son estomac se nouait en rythme avec le son des sabots fendant le béton de la route menant au grand port de Brumesgard.
Les chevaux étaient essoufflés à force de courir depuis des heures. Il faut dire que le jeune Azriel habitait une région reculée de la Frontyde. Le compté de Willowbrook.
Ainsi torturé par les élément il repensait à la vie qu'il devait abandonner. Les terres verdoyantes, les champs à perte de vue, les chevaux en liberté... Tout ça paraissait déjà loin...
Il aimait à s'imaginer le pain que sa mère et ses petits frères avaient préparé pendant que lui, sa sœur et son père travaillaient au chantier agricole. Le fumet du levain cuit lui redonnait espoir en cette vie difficile d'ouvrier de ferme dans une société brisée par la guerre.
Car oui c'était dure de vivre des récoltes, entre les résidus de pollution apporté par les villes même lointaine qui appauvrissait les plantations et le manque de demande. Leurs voisins étaient leurs principaux acheteurs, car, plus personne dans les usines ne se dérangeait à acheter aux petits producteurs, tout était apporté par cargos depuis le Steamland pour garder de bons termes. Azriel en était bien attristé.
Soudain, un cri déchiré par le vent le ramenait à lui :
- On va arriver ! Laisse moi Auburn et fini à pied !
C'était Nova, sa sœur jumelle, sa copie conforme qui l'appelait.
- Pourquoi ? On est encore loin, s'étonnait-il.
De là elle pointait la rue bondée de monde.
- Ces gens font la queue depuis le port ? Mais on est au moins à 3 km ! s'exclamait Azriel
- J'en ai bien peur, répondit Nova.
Sur ce, tout deux remirent leurs montures au pas et avancèrent droit vers la queue monstrueuse.
- Je ne serais jamais à l'heure, je vais louper le bateau.
- Ne nous attire pas de malheur imbécile, tais toi.
Piqué par la remarque de sa sœur qu'il savait pourtant superstitieuse, Azriel se reprit et descendit de sa monture. Flattant l'encolure du cheval, il fit passer les rênes au-dessus de sa tête et les donnait à sa sœur.
- C'est donc là qu'on se quitte... commençait-il en récupérant son maigre sac de voyage accroché au flanc d'Auburn.
- Oh Azriel, tu vas tellement me manquer ! sur ces paroles, Nova sauta à terre et pris son frère dans ses bras.
Leur accolade durait depuis quelques secondes entrecoupée de sanglots profonds, quand soudainement, une sorte de corne de brume assourdissante résonnait. L'Iron Fat Boy était en marche. L'embarquement débutait.
- Fait attention à toi surtout ! s'écria Nova en enfourchant sa monture.
- Toi aussi...
Azriel flattait une dernière fois son cheval et celui de sa sœur, puis il partit vers la foule de jeunes gens, comme lui, sac en main.
Il se retournait pour observer sa sœur s'en aller au galop vers l'horizon bitumé de la route qu'il eut emprunté quelques minutes au part avant.
Restait plus qu'à attendre et prier pour que la file ne soit pas trop longue et qu'il puisse entrer.
Le départ était annoncé pour 8h, pas un seconde de plus.
.........
Une heure avait passée et la file avait peu avancé. Azriel commençait à vraiment angoisser. Alors il repensait à son père, robuste fermier qui, sans lui, finirait ses jours dans la misère à force d'être boycotté par l'industrie.
Puis il pensait à sa mère, déjà ternie par l'âge et le labeur de maison que lui fournissait ses 5 enfants. Il eut pitié d'eux, c'est ce qui lui permis de tenir, la tête haute dans le froid glacial et le début de pluie.
...........
Presque 2 heures s'étaient écoulées, Azriel n'avait plus la notion du temps. Il était maintenant à 500m du tunnel immergé qui menait au bateau. Pourtant, il voyait les soldats s'agiter au poste de surveillance. L'heure approchait.
Au loin, se dessinait le gigantesque bateau relié au port par le tunnel immergé. Monstre parmi la brume du matin, géant de fer et d'acier.
Soudainement, une autre corne de brume retentit. Le bateau allait partir.
«Non, non, non ! » pensait Azriel.
Alors, sur un coup de sang, il courut. Il courut comme jamais il ne l'avait fait depuis son enfance où il fuyait les monstres imaginaires dans les champs de maïs avec sa sœur.
Trop distraits, les soldats ne le virent pas passer. Pourtant, la foule restante, elle, le vit.
« eh toi ! où tu penses aller là comme ça ! »
« et nous alors ? »
Sur ce, ce fut l'hécatombe. Tous se passaient les uns au dessus des autres pour accéder au tunnel. Malheureusement, alertés par le mouvement de foule,, les soldats tirèrent en l'air pour calmer le monde.
Puis un cri, un autre, encore un...
« Il est mort ! Mon frère, on l'a tué ! »
Dans le vacarme, les plaintes étaient presque inaudibles, mais il y avait effectivement un immense gaillard bien malencontreusement touché à la tête par une des balles des soldats. Gisant dans les bras de son plus jeune frère, son crane était perforé de façon grossière. Le sang coulait, noire comme la suie.
Choquées, la foule courrait dans tout les sens, affolée comme un troupeau de mouton à l'abattoir.
......
Azriel, courant à en perde son souffle, vidant et gonflant ses poumons à une vitesse inouïe, avait entendu les détonations et les cris. Il en restait d'autant plus fixé sur son objectif.
Le tunnel était presque vide et seul quelque personnes entraient encore par l'immense porte en acier menant à l'intérieur du bateau.
Il s'arretait ainsi au niveau des derniers passagers acceptés.
Tous se pressaient, pour entrer dans une frénésie proche du dernier souffle, comme si le fait d'entrer était une question de vie ou de mort.
« Bon, on a plus le temps, maintenant c'est accès aux combles » hurlait un militaire, froid.
Qu'est-ce que cela signifiait ? Azriel était sensé se trouver au 86eme étage. Les combles ?
« C'est quoi les combles ? » demandait un petite fille seule et semblant perdue.
« Nous n'avons plus le temps d'être dispersés dans nos étages, nous allons donc dans une escouade réservée aux retardataires » lui informait une jeune femme capuchée.
Cette femme disait quelque chose à Azriel, du moins sa voix. Mais il n'y prêtais pas grande attention.
« Oh c'est pas vrai, pourquoi ça m'arrive toujours ce genre de merde ! » s'enquit un jeune métisse avec des dreadlocks fines et un air abattu.
Après cette déclaration se fut le silence, puis tous entrèrent d'un coup et se dirigèrent vers l'intérieur du bateau.
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IRON FAT BOY
RomanceCette guerre tuait plus que des Hommes, elle tuait des âmes. De par sa longueur, sa cruauté, son étendue, sa mortalité, mais surtout son absurdité. Comment une question morale avait pu engendrer la mort de nos frères, de nos sœurs, de nos pères ? C...