Episode 1

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Épisode 1 : Jours Spécial


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La chaleur écrasante d'El Paso enveloppe chaque rue, chaque bâtiment de la ville. Mais le soleil, encore plus impitoyable sur ce chemin en pente qui me ramène chez moi, fait fondre le peu d'énergie qui me reste. Impossible de trouver de l'ombre, le paysage aride et sec des terres rurales s'étend, aveuglant sous cette lumière crue. Je plisse les yeux pour avancer tant bien que mal à travers cette fournaise, mes pas crissant sur les gravillons jaunes. Mon corps est alourdi par la moiteur oppressante, mais je continue d'avancer, un gâteau entre les mains. Ce n'est pas parce que je suis en train de cramer que je vais m'effondrer, pas comme ça. Pourtant, je suis pressée de rentrer.

C'est mon anniversaire, mon dix-septième depuis... que tout a changé. Un dessert bourré de calories, une forêt-noire couverte de cerises sucrées, que je me suis offert en guise de réconfort. Je sens déjà la chaleur faire fondre la crème, ramollir les fruits, mais peu importe. Tout ce que je veux, c'est rentrer avant que tout ne s'effondre – le gâteau, et peut-être moi aussi.

Mon père, John, oublie toujours ma date d'anniversaire. Non pas parce qu'il ne m'aime pas, bien au contraire, mais parce que cela fait resurgir des souvenirs trop douloureux de ma mère. C'est un sujet tabou, un territoire interdit, dont il est absolument hors de question de parler. Je me souviendrai toujours de la fois où, à mes 12 ans, j'ai osé briser ce silence en lui demandant de me parler d'elle. J'avais insisté, encore et encore. Il a fini par me gifler. Des gifles, des coups, j'en reçois souvent. Pas par colère, mais dans le cadre de cet entraînement quotidien, presque militaire, auquel il me soumet. Je ne comprends toujours pas pourquoi il me fait subir ça, mais chaque fois que je lui demande des explications, il me répond invariablement : "Tu me remercieras le jour où tu devras te battre pour ta vie." Parfois, j'ai l'impression qu'il regarde trop de films d'action.

J'accélère, comme si échapper à cette chaleur étouffante pouvait aussi me libérer de cette réalité qui pèse de plus en plus. Après un peu plus de dix minutes, j'arrive enfin devant la longue allée de gravillons, où m'attend, au bout, "le manoir". C'est ainsi que la plupart des habitants des quartiers en contrebas l'ont surnommé. Ce n'est pas un château de vampire comme ceux qu'on voit dans les films, mais il n'en est pas moins impressionnant. La maison est immense, bien trop grande pour seulement deux résidents. De l'extérieur, ses parois lisses et blanches, ainsi que ses vastes baies vitrées, lui confèrent un certain charme, dominant la colline tout en marquant son isolement.

Je me dépêche de prendre mes clés avec ma main libre et d'insérer le badge dans le portail de sécurité, dont les reflets des UV tapent sur ma peau olive. À peine s'ouvre-t-il que je fonce en direction des quelques mètres qui me séparent de la grande porte en inox de la maison. Mes clés pendent encore sur la serrure quand je la pousse, me précipitant à l'intérieur pour mettre le gâteau au frigo. Je n'ose même pas jeter un coup d'œil au carnage qu'il est sûrement devenu. Il est cinq heure tapante en jetant un coup d'œil sur l'horloge de mon téléphone. Mon père est censé rentrer ce soir, avant l'heure du dîner. J'ai donc largement le temps devant moi, et commencer à préparer mon plat préféré : des burritos.

Simple, mais tellement délicieux.


2


Les poivrons crépitent dans la poêle, sautillant dans l'huile chaude, pendant que je fais revenir la viande hachée dans une sauce pimentée. Mon corps se balance au rythme effréné de Post Malone, dont les paroles de Chemical résonnent à travers les colonnes de la cuisine et du salon, juste en face. Je remue rapidement les légumes coupés en lamelles, puis pivote sur mes pieds, levant les yeux des plaques chauffantes. Depuis l'ouverture du bar, derrière la grande baie vitrée, s'alignent les immenses canapés en cuir blanc, le tapis moelleux, les statues "artistiques" et l'écran plat. Au-delà, la vue s'étend sur mon vaste jardin verdoyant, la terrasse, la piscine, et le jacuzzi, tous laissés à l'abandon pendant les trois quarts de l'année.

Not After Us, Only You - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant