Épisode 12, partie II

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Épisode 12, partie II : Et puis merde...


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Je longe la rue sombre, et rien ne se passe. Mon cœur bat à tout rompre, non pas par peur, mais parce que l'excitation grandit à mesure que les notes des Bee Gees se rapprochent. Mais tout se change, en atteignant la grande rue principale qu'une nouvelle anxiété s'installe en moi. Je suis entourée de passants qui me surplombent et m'oppresse dans un mélange de touristes et de jeunes adultes qui rient et flânent, de marchands tentant de vendre leurs babioles en me sautant presque dessus, et de danseurs de rue qui s'agitent dans tous les sens. Cette effervescence me frappe de plein fouet et m'engendre comme un besoin urgent de faire demi-tour.

L'impression d'être observée me noue le ventre et cette oppression constante me rend vulnérable, au point de risquer de me faire bousculer à plusieurs reprises. J'ai l'impression d'être un extraterrestre, n'ayant connu que les sorties avec mon meilleur ami ou mon père, perdue au milieu de ces gens qui semblent vivre dans un monde à part. Ma poitrine tambourine alors que ma respiration s'accélère ; tout semble s'emballer autour de moi. Et ces cris... Pourquoi parler si fort alors que la fête est juste de l'autre côté de la route, sur la plage ? Je manque à nouveau de me faire bousculer par un groupe de jeune quand, sans le vouloir, je pénètre dans une boutique qui attire mon attention, comme si le destin lui-même me poussait à découvrir autre chose que cette vie en cavale.

Les lumières LED blanches m'éblouissent, créant une ambiance qui donne l'illusion d'être en pleine journée. Je plisse d'abord les yeux, puis, une fois habituée, je comprends que je suis tombée exactement sur ce que je cherchais. Une boutique chinoise en vrac, l'endroit idéal pour dénicher des merveilles à petit prix, assez solide pour tenir l'usage d'une soirée. Ne souhaitant pas perdre trop de temps dans cet endroit, je me dépêche de prendre tout ce qui me passe sous la main sans être trop moche. Je choisis un petit short bleu clair, un t-shirt blanc, et une chemisette de plage immaculée.

En flânant dans le rayon des chaussures, mes yeux se posent sur un joli petit sac à main noir et blanc avec comme inscription écrite en capitale "I ♥ San Diego". Je l'attrape pour y glisser mes affaires une fois que j'aurai changé de tenue (hors de question de rentrer au Summer's Beach et de risquer de me faire pincer pour une banalité). Je prends ensuite la première paire de tongs bon marché qui me tombe sous la main.

Alors que je m'apprête à régler mes achats à la caisse, une pulsion compulsive me saisit lorsque je tombe sur le rayon papeterie.

Mes yeux s'illuminent alors que je parcours les carnets de toutes sortes : brillants, ornés de fausse fourrure, en simili cuir ou décorés de personnages de la culture populaire. Bien que l'apparence de l'extérieure m'importe peu, tant qu'elle est suffisamment solide pour que je puisse écrire dans toutes les circonstances, je sais que la véritable valeur d'un bon carnet réside dans son intérieur. Le premier que je saisis est celui juste devant moi. Sa couverture est rose, avec une tête de chat blanc — qui ressemble plutôt à une souris à mon humble avis — ornée d'une inscription calligraphiée avec des paillettes juste en dessous. La couverture est assez rigide pour ne pas nécessiter de bureau comme support, et le prix est bien plus qu'abordable pour mon budget. En l'ouvrant, je découvre que les pages sont lignées, ce qui est un bon point mais seul le test ultime pourra déterminer ma décision finale. Je ferme les yeux un instant et passe ma main sur la surface. La matière est lisse, presque trop glissante ; je la claque d'un geste rapide, comme un roman à l'eau de rose dont je veux me débarrasser, et le repose sur l'étagère pour en prendre un autre. Il ne me faut pas plus de deux essais pour tomber sur celui qui pourrait parfaitement me convenir. La douceur du papier effleure mes doigts dans un frémissement, légèrement granuleux, permettant à l'encre d'être magnifiquement aspiré au passage de ma plume. En ouvrant les yeux, je m'assure que le prix est raisonnable : dix dollars et septante-cinq cents.

Not After Us, Only You - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant