Not After Us, Only You - Tome 1

Episode 5

Épisode 5 : Ravitaillement à la façon Maja

1

Les images défilent encore et encore dans mon esprit, assommé par tout ce que j'ai vécu ces dernières heures. Mais cette fois, ce n'est pas un gamin de vingt ans que je vois. C'est un visage taillé comme un diamant, avec un menton bien dessiné, relié à une mâchoire carrée, parfaitement alignée avec ses oreilles. Ses lèvres pulpeuses, son nez en trompette et ses yeux en amande me fixent, figés dans une expression de peur. L'image s'élargit, comme si une caméra faisait un zoom arrière, dévoilant ses cheveux bouclés, ou du moins ce qu'il en reste. La moitié de son crâne est partie, et malgré moi, je distingue les détails macabres des sillons du cerveau de mon meilleur ami, encore intacts dans la partie visible.

Je comprends maintenant pourquoi on appelle ça la "matière grise". Les décorations d'Halloween sont vraiment à côté de la réalité... Spirit Halloween devrait se mettre à jour s'ils veulent rendre leurs statues encore plus sensationnelles. Vous savez, celles qui surgissent en "jumpscare" quand vous marchez sur la plateforme piégée. Le cerveau n'est pas ce rose vif qu'on nous montre partout. Non, il est plutôt gris, presque blanc, avec seulement des touches de rose là où le sang s'infiltre.

C'est bien plus proche de la couleur de la mort que de la peau d'un cochon tel que la plupart des gens se l'imaginent. Finalement, n'est-ce pas plus mal de ne pas connaître cette vérité ?

Peut-être...

Rod' et moi adorions ce magasin. Dès que les décorations de notre saison préférée - Spooky Season - faisaient leur apparition. On pouvait passer des après-midi entiers (parfois même des soirées quand mon père partait pour voyage d'affaires), on restait des heures à errer entre les étagères, comme deux vieux amis inséparables, ayant survécu aux mêmes épreuves, explorant un musée avec les mains dans le dos. On observait les mêmes objets, souvent fabriqués à Taïwan, encore et encore, fascinés par les nouveaux personnages d'horreur animatroniques, les masques de Jason ou Michael Myers ainsi que tous les autres qui, pour la plupart, appartenaient désormais à l'univers tentaculaire de la Wagner Sisters Company. Puis, une fois qu'on avait fait le tour au point de connaître chaque recoin par cœur, on clôturait toujours en beauté. Inévitablement, on enfilait des masques avant de s'engager dans des duels épiques de sabres laser en plastique, se battant au milieu des rayons. Et, comme à chaque fois, on finissait par se faire expulser du magasin, tels des gamins un peu trop turbulents, à deux doigts de chaparder des bonbons au tabac d'à côté.

Mais... de quoi je parle, là ? Rodrigo Dominguez est encore en vie ! Ce n'était pas lui qui a essayé de me kidnapper, juste un malfaiteur, rien de plus. Et d'ailleurs, je vais bientôt le revoir, mon meilleur ami, pas vrai ?

2

Je suis brusquement réveillée par l'odeur âcre du café que mon père sirote en conduisant. Je ne sais pas si c'est ce parfum entêtant, les souvenirs de la veille ou le rêve étrange qui me trotte encore dans la tête, mais une vague de nausée me submerge. Mes paupières sont lourdes, refusant de rester ouvertes plus de quelques secondes. Encore à moitié endormie sur le siège, je me tourne légèrement sur le côté et jette un coup d'œil furtif à travers la fenêtre.

Impossible de savoir l'heure exacte, mais le soleil brûlant tape déjà fort, rendant les cactus et les figuiers de Barbarie tremblants sous l'effet de la chaleur. Les joies du désert : on pourrait avoir l'impression d'être dans les environs de 11 heures du matin alors qu'en réalité il pourrait être à peine 6h30. L'été touche à sa fin, mais ici, le temps semble suspendu. El Paso est à côté, mais la différence est flagrante si on venait à faire une comparaison.