III

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21/02/2024

La fête foraine s'étendait devant moi, une mer de lumières colorées et de rires joyeux. Les manèges tournaient à toute vitesse, projetant des ombres mouvantes sur le sol. Des odeurs sucrées flottaient dans l'air : pommes d'amour, pop-corn caramélisé, barbe à papa rose pâle. Tout semblait bruyant, vibrant, presque trop vivant.

J'étais fatiguée. C'était une fatigue lourde, celle qui ne vient pas du corps, mais de l'esprit. Les journées de travail s'enchaînaient depuis des mois, et l'éclat excitant du monde adulte s'était estompé depuis longtemps. J'avais imaginé autre chose. Une vie plus... pleine, peut-être. Mais en réalité, c'était juste des heures passées dans un bureau, derrière un écran, à fixer l'horloge qui avançait trop lentement.

Je me suis assise sur un banc en bois, un peu en retrait des éclats de rire et des cris des enfants. Mes jambes étaient lourdes, et mon dos me faisait mal après une autre journée interminable. Je regardais les gens autour de moi, des familles, des couples, des adolescents bruyants qui se bousculaient en passant. Tout le monde semblait si vivant. Moi, j'étais là, assise, spectatrice de leur bonheur.

Une légère brise portait avec elle les échos des chansons d'une attraction lointaine. Je fermai les yeux un instant, essayant de me perdre dans ce flot de sons et d'oublier, ne serait-ce qu'un moment, ce sentiment de vide qui me collait à la peau.

Quand je me suis levée, un peu par réflexe, peut-être pour m'échapper de cette sensation oppressante, je n'ai pas vu le jeune homme qui passait devant moi. Nos épaules se sont heurtées brutalement.

— Pardon, ai-je murmuré, plus pour moi-même que pour lui.

Je n'ai pas levé les yeux. Mes cheveux tombaient devant mon visage, un rideau protecteur. J'ai continué de marcher, rapide, presque fuyante. Mon cœur battait plus fort, mais ce n'était pas de la peur. C'était cette sensation familière de vouloir disparaître, devenir invisible, glisser entre les ombres des autres sans jamais être vue.

Derrière moi, je l'entendais dire quelque chose, mais je n'ai pas écouté. Je ne voulais pas écouter. Ma démarche s'est accélérée, je serrais mon manteau contre moi, essayant de contenir cette énergie nerveuse qui vibrait dans mes mains.

Je m'arrêtai enfin devant un stand de barbe à papa. Les volutes de sucre se formaient en silence, tournoyant sous les néons colorés. La douceur vaporeuse semblait irréelle, comme un rêve d'enfance figé dans le temps. Je regardais la machine tourner, fascinée par la simplicité du geste. Le sucre qui se changeait en fil léger, fragile, prêt à s'effondrer au moindre souffle.

Et pendant un instant, je me demandais si c'était ça, la vie adulte. Un tourbillon, léger et éphémère, où l'on avance sans savoir pourquoi, juste pour ne pas s'effondrer.


L'odeur de la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant