XIX

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Du bleu. Partout. Une mer de bleu qui m'engloutit. Des points blancs flottent, comme des étoiles éparpillées, et pourtant... je ne suis pas dans le ciel. Pas dans ce foutu paradis que je me suis imaginé. Mes yeux papillonnent, et tout semble s'étirer, se déformer. Pourquoi je m'accroche encore à cette image, à ce visage d'ange qui n'a rien d'angélique ? Il ne viendra pas. Je le sais. Il ne viendra jamais.

Je sens des mouvements autour de moi. Des gens qui s'affairent, qui semblent paniqués. Pour une fois, ils s'occupent de moi. C'est étrange, comme une ironie amère. Je sens quelque chose me serrer les poignets. C'est douloureux, ça brûle presque. Pourquoi crient-ils ? Laissez-moi. Juste... laissez-moi.

On me soulève, je me retrouve portée vers quelque chose de moelleux, un lit peut-être ? J'ai l'impression de flotter, mais pas comme tout à l'heure, pas dans cette douceur. Cette fois, il y a de la douleur. Mon regard accroche une aiguille, une fine aiguille qu'on s'apprête à enfoncer dans ma peau. Mes paupières deviennent lourdes.

Noir.

Un pont, une nuit froide. Je me souviens. Le bruit de mes talons claquant contre le béton, mon souffle court. La sensation d'une présence derrière moi. J'accélérais, mais les pas derrière moi faisaient de même. Je me souviens encore de la peur, du vent qui s'engouffrait dans mes vêtements. Puis cette main sur mon épaule. Le choc. Le cri que je n'avais pas pu retenir.

Jeonghan. Sa tête d'ange, ce sourire arrogant. Il m'avait retrouvée, là, sur ce pont, dans la nuit. "Pourquoi tu me suis, alors que tu ne connais même pas mon nom ?", avais-je lancé avec colère. Mais lui, il s'était juste approché, trop proche, ses yeux rivés aux miens. Et ensuite... il était parti, aussi vite qu'il était venu.

Noir.

Cette étrange soirée devant la station-service. Il avait encore surgi, avec ses canettes. Le froid de l'air contraste avec la chaleur de son regard. Je me souviens de la cigarette qu'il avait allumée, l'offrant dans un geste nonchalant. Je l'avais refusée, comme d'habitude. Il m'avait fait parler, un grand dialogue sous les étoiles. Et moi, moi j'avais laissé échapper des bribes de vérité, des morceaux de mon passé que je n'avais jamais confiés à personne. Puis il remarque mon bleu. Celui qu'il m'a fait. Il ne dit rien, mais je sens son regard peser sur moi, lourd de culpabilité qu'il ne voudra jamais admettre. Et pourtant, il restait là, arrogant, insaisissable.

Noir.

Cet ange qui n'en est pas un. Jeonghan. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que je continue à me raccrocher à lui, à cette image qui n'a rien d'un sauveur ?

Je sens la pression de l'aiguille qui pénètre ma peau. Mon corps se tend. Et là, juste là, je décide. Juste pour ça, pour cette image déformée dans ma tête, pour cette foutue présence qui hante mes pensées, je vais accepter qu'ils me soignent.

Un soupir s'échappa de mes lèvres alors que le bleu m'emporta de nouveau.


L'odeur de la pluieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant