Destins croisés

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Julien Montclair, écrivain en pleine trentaine, marchait d'un pas lourd dans les rues pavées de Paris. Le vent froid de novembre balayait ses cheveux bruns épars, soulignant l'air fatigué qui se lisait sur son visage. Sa barbe de quelques jours lui donnait un air négligé, comme s'il avait cessé de prendre soin de lui depuis bien trop longtemps. Vêtu d'une veste en cuir vieillie et d'un jean noir, il paraissait détaché du monde qui l'entourait, dissimulant une douleur profonde derrière une allure volontairement modeste. Ses yeux, d'un marron sombre, reflétaient une mélancolie constante, écho d'une vie marquée par des conflits familiaux.

Autrefois promis à un brillant avenir littéraire, Julien s'était peu à peu écarté de ce chemin. Son talent indéniable, reconnu lors de ses débuts, s'était peu à peu effacé derrière les tensions croissantes avec sa famille, notamment son père, Paul Montclair, un célèbre éditeur parisien. Paul n'avait jamais caché son dédain pour le travail de son fils, le rabaissant constamment malgré ses efforts. Julien, épuisé par ce combat constant pour l'approbation paternelle, avait décidé de prendre ses distances, tant sur le plan personnel que professionnel.

Aujourd'hui, comme souvent, Julien se réfugiait dans l'anonymat des rues parisiennes, loin des regards critiques de ses parents et de leurs cercles littéraires. Sa vie, autrefois prometteuse, semblait maintenant dévier lentement, dans une dérive mélancolique dont il ne savait comment sortir. Mais en passant devant une petite librairie nichée dans une ruelle calme de la capitale, quelque chose attira son attention.

Ava,

À travers la vitrine poussiéreuse, ses yeux tombèrent sur une jeune femme, perdue dans la contemplation d'un recueil de poésie. Il resta figé un instant, captivé par sa beauté naturelle. Elle était différente des femmes qu'il croisait habituellement dans le monde superficiel de sa famille. Elle avait cette simplicité élégante, cette grâce discrète qui lui rappelait les paysages méditerranéens lointains.

Ses longs cheveux blonds, légèrement ondulés, retombaient en cascade sur ses épaules, captant la lumière du soleil qui perçait à travers la vitre. Les reflets dorés de sa chevelure semblaient presque iréels, et ses yeux d'un bleu clair, presque cristallin, contrastaient magnifiquement avec son teint hâlé, héritage de ses origines sardes. Elle avait grandi dans un petit village pittoresque du sud de la France, auprès de son grand-père, un pêcheur à la retraite, qui l'avait élevée après la mort de ses parents. Malgré sa douceur apparente, il y avait en elle une force tranquille, forgée par la mer Méditerranée et le travail ardu de sa famille.

Aujourd'hui, elle vivait à Paris pour poursuivre ses études d'infirmière. La ville-lumière, si loin des côtes ensoleillées de son enfance, représentait pour elle un défi, une nouvelle aventure. Ses journées étaient partagées entre l'université et ses stages à l'hôpital, mais dès qu'elle le pouvait, elle se plongeait dans les livres, trouvant dans la littérature une échappatoire à l'agitation de la capitale.

Julien, incapable de détacher son regard, ressentit une étrange connexion à cet instant précis. Elle semblait si éloignée de son propre univers, et pourtant, il y avait quelque chose en elle qui le fascinait. Il finit par entrer dans la librairie, prétextant de feuilleter un livre, mais en réalité, ses pensées étaient entièrement accaparées par cette jeune femme mystérieuse.

Il s'approcha doucement du rayon voisin, espérant attirer son attention sans paraître trop insistant. Et puis, comme si le destin l'avait voulu ainsi, leurs regards se croisèrent. Il sentit son cœur s'accélérer légèrement, tandis qu'Ava, surprise mais souriante, le dévisageait sans un mot.

« Vous cherchez quelque chose en particulier ? » demanda-t-elle d'une voix douce, teintée d'un léger accent du sud.

Julien, déstabilisé par la beauté naturelle d'Ava, répondit d'une voix hésitante. « Non, enfin... pas vraiment. J'aime juste flâner entre les rayons. »

Il se sentit ridicule sur le moment, mais Ava, loin de s'en formaliser, sourit. « Moi aussi, » répondit-elle simplement. « Il n'y a rien de mieux que de se perdre dans les livres, non ? »

Le ton de sa voix, mêlé à sa bienveillance naturelle, mit Julien à l'aise. Elle avait cette manière de parler, douce et apaisante, qui contrastait avec la dureté de sa propre vie. Julien se surprit à vouloir prolonger la conversation.

« Vous venez souvent ici ? » demanda-t-il timidement, essayant de ne pas paraître trop intrusif.

« Parfois, quand j'ai du temps libre entre mes cours. C'est un peu mon refuge dans la ville. » Elle marqua une pause, avant d'ajouter avec un sourire sincère : « Et vous ? Vous semblez bien connaître l'endroit. »

Julien haussa les épaules, souriant à son tour. « Disons que c'est l'un des rares endroits où je peux être moi-même, loin de tout... »

Il évita de mentionner sa famille et les raisons profondes de son isolement. Cependant, quelque chose dans la façon qu'avait Ava de le regarder, avec ces grands yeux bleus emplis de compréhension, lui donna envie de se confier davantage. Il n'était pas encore prêt à dévoiler toute son histoire, mais il savait qu'en elle, il trouverait quelqu'un qui écouterait sans juger.

Ils discutèrent encore un peu, partageant leurs goûts littéraires, et Julien découvrit qu'Ava, malgré ses études en soins infirmiers, nourrissait une véritable passion pour la poésie et la littérature classique. Cette découverte ne fit que renforcer son intérêt pour elle. Elle était à la fois simple et complexe, une énigme qu'il avait envie de percer.

Mais le temps passa rapidement, et bientôt, Ava dut partir pour rejoindre ses obligations à l'hôpital. Avant de quitter la librairie, elle lança un dernier regard à Julien, accompagné d'un sourire qui le fit frissonner.

« J'espère qu'on se recroisera ici, un jour, » dit-elle, presque comme une promesse.

Julien resta là, immobile, la regardant s'éloigner. Il n'était pas du genre à croire au destin, mais cette rencontre avait quelque chose de spécial. Ava n'était pas seulement une jeune femme parmi tant d'autres. Elle représentait une échappatoire, un espoir, une lueur dans l'obscurité qui enveloppait sa vie depuis trop longtemps.

Alors qu'il quittait la librairie, son esprit était envahi par cette vision : Ava, avec sa chevelure dorée et ses yeux azur, apportant avec elle un souffle d'air frais, une promesse de renouveau. Julien sentait qu'il venait de franchir une étape importante, bien qu'il ne sache pas encore jusqu'où cela le mènerait. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait vivant.

Les Échos du Destin Where stories live. Discover now