La Légende du Mage Frô - Tome 1

Chapitre 4 : La perle du passé

— Mais... bégaya Elhemèn Ó'Pet. Nous n'avons pas fixé de mot féminin pour...

— Inutile, le coupa l'Abbé Céheu d'un ton catégorique. Allons, mage Gandoulphe, vous n'avez pas perdu l'esprit au point de ramener une pauvre fille d'on ne sait où pour l'envoyer au casse-pipe ?

— Si vous me laissez vous expliquer qui elle est, peut-être changerez-vous d'avis. Elle...

— Gandoulphe, mon ami, intervint à son tour Levy'euh, cette quête que vous avez entreprise dans le Nord du royaume, à ma demande, vous honore, d'autant plus si vous avez trouvé quelqu'un qui soit digne de nous être présenté. Cependant, je suis au regret de vous annoncer que cet effort est inutile. Aujourd'hui même, je suis revenu avec Alhadyn, le véritable Élu de la Prophétie des Dragons.

Le susnommé Gandoulphe toisa Alhadyn d'un air tout à fait perplexe. Derrière lui, la fille ne disait rien, mais ses yeux étaient agités d'un orage intérieur qui assombrissait ses prunelles.

— Donc... commença l'Abbé Cédé d'un air hésitant, vous...

Il pointa successivement le doigt vers Alhadyn, puis Mary-Sue.

— Lequel est le véritable élu ?

— Moi, répondirent les deux en même temps.

Ils échangèrent un long regard et l'air autour d'eux d'électricité. Alhadyn la trouva superficielle et risible, cette espèce de poupée qui se donnait des airs de femme. Pas question qu'il se laisse voler la place.

— On en était aux critères, laissa-t-il tomber en carrant les épaules. Vous avez qu'à vérifier, je correspond à tout.

— Moi aussi, renchérit aussitôt la fille d'un ton hautain. Je suis venue spécialement du Comté des Vertes Plaines parce que la prophétie parlait de moi.

— Ne nous emballons pas, marmonna l'Abbé Cédé en se penchant sur son registre. Oui, donc, voyons voir, chaque chose en son temps...

— Comparons le respect des critères, proposa Elhemèn Ó'Pet. Rien ne triomphe jamais des règles établies par les anciens.

— Très juste, mon cher collègue, fit l'Abbé en se tournant vers les deux prétendants. Alors, commençons. Lequel de vous deux est un garçon ?

Alhadyn cligna des yeux, réfléchit, puis leva la main. Mary-Sue avait les bras croisés sur la poitrine avec une moue de gamine vexée. Le décrépi se concentra un long moment sur son registre avant de se retourner vers Alhadyn.

— Orphelin ?

— Oui.

— Orpheline, glissa Mary-Sue.

— Ah, vous voyez que le féminin en "-ine" est possible, souffla l'Abbé Céheu.

— Certes, mon ami, mais à cause de la plante...

— Taisez-vous, ordonna Elhemèn Ó'Pet.

— Seize ans ?

— Non, dix-huit.

— Ah ! s'exclama Gandoulphe en pointant Alhadyn du doigt. L'âge ne correspond pas !

— Pourquoi, il faut forcément avoir seize ans ? grogna le jeune homme.

— C'est la règle, répondit l'Abbé d'un air peu enthousiaste. Un vrai héros respecte ces critères. Tous les critères.

— J'ai seize ans, indiqua Mary-Sue en levant le doigt.

L'Abbé se frotta les yeux et adressa une vague grimace à Alhadyn :

— Magicien ?

Appréciant le choix du terme plutôt qu'un vulgaire "sorcier", celui-ci hocha la tête.