Chapitre 10

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PDV de Rama

Les jours ont commencé à défiler, ensuite les semaines, et maintenant les mois. Cela fait exactement cinq mois que j'habite sous le même toit que cet homme. Cela fait maintenant cinq mois que je me fais humilier, cinq mois que je me fais rabaisser, cinq mois que je souffre en silence, cinq mois que j'accepte la froideur incroyable de cet homme, son indifférence, son manque de respect, et bien évidemment ses tromperies.

Ça ne s'arrête pas, non, il ne se passe pas un jour sans qu'il ne me fasse comprendre qu'il ne veut pas de moi, il ne se passe pas un jour sans qu'il ne me balance à la figure à quel point il ne m'aime pas. Il me répète sans cesse que je ne suis pas à ma place ici, dans cette maison. Il a essayé par tous les moyens de me faire comprendre qu'il n'a jamais voulu de ce mariage.

Et vous savez comment je me sens après cinq mois ? Eh bien, rien. Je ne ressens rien du tout. Je crois que cinq mois, c'est largement suffisant pour accepter son sort et comprendre qu'il n'y a plus de porte de sortie.
Je suis enfermée dans ce mariage comme dans une prison. J'ai tout simplement décidé de tout accepter, de fermer les yeux sur tout ce que Hamari me fait subir, et surtout de garder le silence en attendant qu'il veuille bien, un jour, arrêter.

Je suis dans cette maison comme un fantôme. J'essaie de ne pas me faire remarquer et de vivre en toute tranquillité. Je prépare quand c'est mon tour, j'essaie de ne pas faire d'erreur, et tout se passe très bien avec le reste de la famille. Presque tout le monde m'apprécie, et quand je dis presque, je parle bien évidemment du fait que Fanta ne m'aime pas.
Elle ne se gêne pas du tout pour me lancer des piques à tout bout de champ. Elle invite très souvent Hadiza à la maison juste pour me narguer et surtout pour me rappeler à quel point je ne représente rien pour Hamari.

J'accepte de me faire humilier tout le temps, presque tous les jours, et je garde le silence. J'essaie simplement de ne pas entrer dans leur jeu. La meilleure façon de traiter les imbéciles, c'est de les ignorer, et cela marche à tous les coups.
J'ai appris à rester calme et impassible face aux situations. Il faut croire que vivre avec Hamari m'a permis d'acquérir des talents de froideur extrême.
J'ai l'impression que plus rien ne me fait mal, plus rien ne me surprend. Je crois qu'avec Hamari, j'ai déjà tout vécu.

L'autre jour, par exemple, j'ai mis de l'encens dans la chambre, et il s'est énervé parce qu'apparemment, monsieur ne supporte pas la fumée. Il n'arrêtait pas de tousser, il a ouvert toutes les fenêtres, et j'ai encore eu droit à de mauvaises paroles de sa part.
Non mais essayez tout simplement d'imaginer la situation. Hamari dit qu'il ne supporte pas la fumée de l'encens. Non mais c'est une blague ? Il ne supporte pas la fumée ? Mdr il se fout clairement de ma gueule.

Au Mali, un homme a le droit de dire qu'il ne supporte pas la fumée, et cela ne choque personne parce que c'est un homme.
Imaginez si c'était une femme qui disait cela ? Imaginez tout simplement. En tant que femme malienne, on passe plus de la moitié de la journée aux fourneaux, avec la fumée, la chaleur, l'odeur de nourriture, mais on n'a surtout pas le droit de se plaindre parce que c'est notre travail.
Oui, la société a décidé que c'était aux femmes de faire cela, et uniquement aux femmes. Elles n'ont surtout pas le droit de se plaindre, tu le fais, et puis c'est tout.
Avec de telles choses, comment voulez-vous qu'on s'en sorte ? Dites-le-moi, s'il vous plaît.

Je ne sais pas si Hamari fait tout cela pour m'énerver ou pour tester ma patience, mais croyez-moi, il semble avoir une phobie de tout ce que je fais. Il n'aime pas que je mette de l'encens, il n'aime pas que je touche à ci ou à ça, il ne veut pas que le savon soit posé de ce côté, il ne veut pas que ses chemises soient pliées, il ne supporte pas que ses chaussures noires soient placées à côté de chaussures blanches, et il refuse qu'on mélange baskets et mocassins.

Rama et Hamari : Il ne voulait pas de moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant