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La danse avec Jules touche à sa fin, et alors que nous faisons une dernière pirouette, je sens que la réalité des événements pèse de plus en plus lourd sur mes épaules.

Jules m'offre un sourire réconfortant avant de m'accompagner vers le bord de la piste de danse, où quelques jeune femmes nobles attendent déjà leur tour pour être sa prochaine partenaire, il est assez populaire à ce que je vois. Il dépose un baiser sur ma main, avec cette douceur qui le caractérise puis il s'excuse auprès des dames de leur faussé compagnie puis s'éloigne pour rejoindre Ren et l'empereur.

Je me sens un peu perdue au milieu de cette foule de visages inconnus. Mais alors que je m'apprête à quitter la piste, un murmure venimeux attire mon attention.

- Regarde-la, avec ses mèches blanches... Quel genre de fille ose afficher ça si ouvertement ? Une sorcière peut-être ? Ironise une voix féminine derrière moi.

Je me retourne et aperçois un petit groupe de jeunes filles nobles, aux robes impeccablement soignées et aux regards méprisants. L'une d'elles, rousse aux boucles couleur feu et au sourire faux, s'avance d'un pas.

- C'est drôle, je pensais que seuls ceux qui avaient un lien avec les dieux avaient des cheveux aussi étranges. Mais je suppose que certaines essaient d'attirer l'attention en imitant la Sainte. Dit-elle avec une faussement innocente.

Je sens mon visage s'empourprer. Mes mèches blanches ont toujours été un sujet de commérage dans le château malgré que mes parents avaient tenté de la masquer, mais jamais de manière aussi directe et méchante. Les autres filles rient doucement derrière elle, alimentant le malaise qui s'empare de moi.

- Peut-être qu'elle espère prendre la place de la Sainte, murmure l'une d'elles. Mais c'est ridicule... personne ne pourrait remplacer une vraie élue de Theeus.

Leurs mots me piquent comme des épines, et je sens la colère et l'humiliation monter en moi. Mais je refuse de profaner le nom des Duarte, c'est la cérémonie de mon frère, alors je serre les poings et m'éloigne rapidement, sans leur adresser un mot.

Je traverse la salle, les entendants ricaner au loin, mon cœur battant à tout rompre, et me dirige vers une porte qui mène à un balcon extérieur. Une fois à l'air libre, le vent frais me frappe le visage, et je m'appuie contre la balustrade, luttant contre les larmes qui menacent de couler de plus belle. J'avais pensé pouvoir me fondre dans ce monde, mais ces filles m'ont rappelé combien je suis différente.

Les larmes finissent par franchir mes paupières, coulant silencieusement. Mon frère va partir en mission, ces filles me harcèlent, tout ce que je voulais, c'était de trouver ma place. Pourquoi cela ne se passe t'il pas comme me l'avais suggérer ma nourrice, je pensais qu'il jugerais à ma juste valeur. Je haïssais l'envie et la curiosité dont j'avais pu méprendre plus tôt.

Je veux juste rentrer...chez moi, loin de tous ce monde mondain.

- Je savais que je te trouverais ici, dit une voix familière derrière moi.

Je me retourne brusquement et découvre l'archiduc, debout à l'entrée du balcon, brisant toutes mes pensées. Sa présence imposante contraste avec le calme de la nuit, et je me rends compte qu'il a sûrement assisté à une partie de la scène précédente au vu de sa tête.

Je me redresse immédiatement, essuyant précipitamment mes larmes. Mais Ren ne semble pas surpris, ni même mal à l'aise. Il s'approche doucement, s'arrêtant à une distance respectueuse.

- Qu'est-ce que tu veux ? Dis-je plus sèchement que je ne le voudrais.

Ren m'observe en silence pendant un instant, puis son regard s'adoucit.

- Ce n'est pas à cause d'elles que tu pleures, n'est-ce pas ?

Je reste silencieuse, incapable de trouver les mots justes pour décrire la tempête qui fait rage en moi. Mais alors que je détourne les yeux, je ne peux retenir l'explosion.

- C'est ta faute ! C'est toi qui emmènes Jules avec toi ! Si tu n'étais pas là, il serait en sécurité, à mes côtés. Il n'aurait pas à partir se battre pour toi !

Ma voix se brise sous l'émotion. Je suis consciente que mes mots sont injustes, mais la peur et l'inquiétude que j'ai pour mon frère prennent le dessus. J'ai toujours été plus ou moins impassible du sort de Jules, mais après ces neuf dernières années, je peux le dire, il m'a manqué. Et voilà qu'on me l'enlève de nouveau. Ren reste impassible, ses yeux sombres ancrés dans les miens.

- Ellie... ton frère a choisi de venir. Je ne lui ai rien imposé. Il se bat pour ce qu'il croit juste, et il sait que la situation est grave. Tout comme moi, il comprend ce qui est en jeu.

Je secoue la tête, refusant d'accepter cette vérité, mais Ren fait un pas en avant, réduisant la distance entre nous.

- Je te promets qu'il reviendra sain et sauf. Je veillerai sur lui personnellement.

Il prononce ces mots avec une telle conviction que, malgré moi, je commence à croire en cette promesse. Mais la peur reste là, tapie dans l'ombre de mon esprit.

- Et toi ? dis-je, ma voix à peine un murmure. Est-ce que tu reviendras aussi, Ren ? Est-ce que tu peux me promettre que toi aussi tu reviendras indemne ?

Ren me regarde longuement, son visage redevenant sérieux, presque solennel. Puis, il pose un genou à terre et attrape ma main.

- Je te le jure, Ellie Duarte. Je reviendrai.

Ses mots résonnent dans l'air, portés par la brise nocturne. Le vent se lève soudainement, et sous sa brise légère, le bas de mes cheveux, soigneusement attachés, emportant mes cheveux qui dansent autour de mon visage en même temps que ma rage et mes inquiétudes laissant place à mon coeur qui se met à battre la chamade. Alors que nous restons là, seuls sur le balcon, je sens que cette promesse scelle quelque chose entre nous, quelque chose de plus fort que les doutes et les craintes.Mon cœur bat à toute vitesse alors que je me détourne brusquement le regard de Ren.

Je sens mes joues s'enflammer, et la chaleur qui monte en moi devient insupportable. Sans un mot de plus, je m'incline maladroitement et murmure un « merci » à peine audible avant de m'éclipser.

Je quitte le balcon précipitamment, mon esprit en ébullition, et je traverse rapidement les grandes portes pour revenir dans la salle de bal. Le contraste est saisissant. La chaleur de la pièce et le bruit des conversations me frappent de plein fouet. Tout semble beaucoup trop intense, presque étouffant. Mon cœur continue de s'affoler, et je sens mes joues brûler.

D'un regard rapide, je repère ma famille, qui se tient un peu à l'écart, observant les festivités avec calme. Je m'approche d'eux, essayant de garder une allure normale, mais dès que je les rejoins, leurs regards inquiets se posent sur moi.

- Ellie, est-ce que tout va bien ? Me demande ma mère, les sourcils légèrement froncés. Tu as les joues toutes rouges.

Je hoche la tête frénétiquement, essayant de leur sourire pour les rassurer.

- Oui, tout va bien... vraiment, tout va bien. Je pense juste que j'ai besoin de prendre l'air. C'est... un peu trop pour moi.

Mon père me regarde d'un œil scrutateur, mais il ne dit rien. Jules, lui, semble comprendre qu'il se passe quelque chose, mais ne fait aucun commentaire. Je m'accroche à cette opportunité de fuir la situation et, avant qu'ils ne posent plus de questions, je me précipite vers la sortie.

Ils me suivent sans un mot, et nous quittons enfin la salle. Mon cœur reste agité, battant toujours contre ma poitrine, et je ne peux m'empêcher de repenser à ce qu'il vient de se passer sur ce balcon, à la promesse de Ren... et à la manière dont il m'a regardée.

Je monte dans la voiture avec eux, les pensées en vrac, prête à rentrer et à essayer de calmer cette tempête intérieure.

Les larmes du crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant