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La calèche avance doucement à travers les rues pavées, emportant ma famille et moi vers une destination inconnue. Le souvenir de cette soirée mouvementée flotte encore dans mon esprit, comme un rêve troublé. Ren, Jules, ces filles méprisantes... et cette promesse. Mes pensées sont agitées, tout comme mon cœur, alors que nous avançons en silence.

Alors que nous approchons des portes du palais, la calèche ralentit, et une voix essoufflée crie derrière nous :

- Attendez !

Je me retourne et aperçois Selly, courant vers nous, les joues légèrement rosies par l'effort. Elle s'arrête près de la calèche, son sourire radieux malgré sa respiration saccadée.

- Je suis tellement contente de vous avoir rattrapés ! lance-t-elle. Je viens de parler à mon père, et nous avons pensé qu'il serait merveilleux que vous restiez quelques jours de plus, près du Palais Royal. Nous avons une résidence annexe disponible, et j'aimerais tellement te faire découvrir la capitale, Ellie. Le roi a accepté, et il paraît que la reine Clarisse voudrait aussi vous parler Madame Duarte, ajoute-t-elle avec enthousiasme.

Je suis à la fois enjouée et surprise par cette invitation inattendue, tout comme mes parents qui échangent un regard perplexe. Mais finalement, mon père acquiesce poliment.

- C'est très généreux de votre part, princesse. Nous serions honorés de rester.

Selly sourit encore plus largement, visiblement ravie, et donne au cocher une nouvelle direction. Quelques instants plus tard, nous arrivons devant la demeure annexe de la famille royale. Dès que nous descendons de la calèche, nous sommes éblouis par la grandeur des lieux. Le palais est somptueux, ses jardins luxuriants s'étendent à perte de vue, remplis de fleurs exotiques, de fontaines scintillantes et de sculptures en marbre. C'est un véritable havre de paix, un contraste frappant avec la tension de la soirée.

Après avoir été installés dans des chambres luxueuses, nous sommes enfin laissés à nous-mêmes. Fatiguée par les événements, je me retire dans ma chambre. Je revêts une robe de chambre légère et m'allonge sur le lit.

Mais mes pensées sont bien trop agitées pour que je puisse trouver le sommeil. Tout me semble surréaliste : la rencontre avec Ren, les insultes des jeunes nobles, Jules que repart à la guerre. Tout cela tourbillonne dans mon esprit comme un vortex sans fin.Incertaine de ce que je ressens, je décide finalement de sortir prendre l'air. J'enfile mes chaussons et me glisse hors de la chambre, traversant les longs couloirs silencieux du palais jusqu'aux jardins. La nuit est fraîche et calme, et je me sens un peu plus apaisée en sentant l'air frais sur mon visage.

En me promenant, je découvre les pattes d'une petite créature qui se glisse sous un buisson. Intriguée, je m'approche doucement et découvre un chaton... enfin, du moins, c'est ce que je pense. Mais en m'approchant de plus près, je remarque qu'il ressemble plutôt à un bébé tigre. Ses rayures noires et son pelage blancs comme neige me semblent si familiers, mais l'idée d'un tigre dans un tel lieu est absurde. Les tigres ne vivent pas dans ce genre de climat.

Cependant, l'animal pousse un petit couinement plaintif, attirant immédiatement toute mon attention. Je m'accroupis, réalisant qu'il est blessé à la patte. Mon cœur se serre devant sa détresse, et sans réfléchir, je décide de le ramener avec moi au palais. Une fois de retour dans ma chambre, je rassemble quelques bouts de tissus et commence à soigner délicatement sa blessure. Le petit animal se blottit contre moi, trouvant apparemment un certain réconfort dans mes gestes. Épuisée, je m'allonge à ses côtés et finis par m'endormir en tenant l'animal contre moi.

Le lendemain matin, je me réveille au son des oiseaux chantant dans les jardins, le petit tigre toujours blotti contre moi. Je sonne afin qu'une servante m'aide à me prépare rapidement pour la journée, et peu après, Selly vient me chercher pour une balade dans la ville. Au contraire de la soirée dernière j'opte pour un pantalon, je ne veux pas m'embarrasser de corset ou autre fantaisie, j'en porte la plus part du temps mais j'étais obligé de me plier au règles de Mère pour la cérémonie de Jules. Avant de partir, je prends par précaution une petite épée que mon père m'a donnée plus jeune, juste au cas où. Je ne sors jamais sans être un minimum armée, heureusement, hier j'ai su me contenir et ne pas dégainer la dague cacher sous ma poupe.

Nous déambulons dans les rues pavées de la capitale, visitant quelques boutiques pittoresques et admirant l'artisanat local. Selly est enchantée par tout ce qu'elle voit, et je me sens plus légère à ses côtés. Alors que nous passons devant une petite bijouterie, je remarque un magnifique collier avec une pierre verte étincelante... Le collier semble fait sur mesure pour Selly, ses yeux verts émeraude y refléteraient parfaitement.

Une idée me vient à l'esprit, et je décide de lui faire une surprise, cela ne fait pas longtemps que l'on se côtoie mais j'ai l'impression que si elle n'avait pas été là, je n'aurais jamais survécu à ce monde mondain.

- Selly, attends-moi ici un instant, lui dis-je en m'arrêtant devant un banc à l'ombre d'un arbre. Assieds-toi et reste avec tes gardes, je ne serai pas longue, promis !

Selly me regarde, intriguée, mais sourit finalement en s'installant sur le banc.

- Très bien, je vais attendre ici alors, mais ne tarde pas trop !

Je lui fais un signe rapide et m'éloigne gaiement en direction de la bijouterie. Le vendeur, un vieil homme au visage bienveillant, m'accueille chaleureusement. Je choisis le collier sans hésitation, certaine qu'il conviendra parfaitement à Selly. Après l'avoir soigneusement emballé, je le glisse dans une petite pochette en soie, impatiente de voir sa réaction lorsqu'elle découvrira le cadeau.

En sortant de la bijouterie, mon cœur est léger. Je tiens la petite pochette contenant le collier contre moi, impatiente de voir le visage de Selly s'illuminer lorsqu'elle découvrira la surprise que j'ai préparée pour elle. Je me dirige rapidement vers le banc où je l'ai laissée, espérant qu'elle n'a pas trop attendu. Mais à mesure que je m'approche, une étrange sensation d'inquiétude commence à peser sur moi.

Je ralentis le pas. Quelque chose ne va pas.

Le banc est vide.

Je cligne des yeux, ne voulant d'abord pas y croire. Je regarde autour de moi, cherchant désespérément Selly ou ses gardes du regard. Mais il n'y a personne. La place est remplie de passants, de marchands ambulants, mais aucune trace d'elle ou de son escorte. Mon cœur se met à battre plus vite. Je m'approche du banc, scrutant les alentours.

Peut-être qu'elle a simplement changé de place, que ses gardes l'ont emmenée un peu plus loin pour éviter la foule...

Mais plus je cherche, plus l'angoisse monte en moi.

- Selly ?! appelai-je à voix haute, en espérant que ma voix la ferait surgir de quelque part.

Rien. Le bruit de la rue continue, implacable. Pas de réponse.

Je pivote sur mes talons, mon regard fouillant chaque recoin, chaque visage, mais Selly est introuvable. Elle n'aurait jamais quitté cet endroit sans prévenir. Et où sont ses gardes ? Mon estomac se tord. Quelque chose de terrible s'est passé. Je commence à paniquer, me frayant un chemin parmi les passants, ignorant les regards surpris.

- Selly ?! criai-je encore, plus fort cette fois.

C'est alors qu'un cri traverse la place, perçant le brouhaha.

- Deux gardes sont blessés ! hurle une voix masculine, paniquée.

Je me fige. Ce que je redoutais est en train de se réaliser. Je tourne la tête vers l'origine du cri et vois un petit attroupement près d'une ruelle, un peu plus loin. Mon cœur rate un battement.

Je cours dans leur direction, la peur me nouant la gorge. En arrivant, je découvre une scène qui me glace le sang : deux gardes gisent à terre. L'un d'eux est allongé, immobile, dans une mare de sang qui s'élargit sous lui. Ses yeux sont grands ouverts, sans vie. L'autre, à quelques mètres, est gravement blessé, son armure endommagée par ce qui semble être des coups violents. Il respire à peine, ses gémissements faibles me déchirent le cœur.

Je me précipite vers lui, mon esprit en plein tourment. Mon instinct prend le dessus, malgré la panique.

- Où... où est Selly ? murmuré-je en me penchant au-dessus de lui, mes mains tremblantes alors que je tente d'évaluer ses blessures.

Il essaye de parler, mais un râle lui échappe. Je me penche plus près, essayant de capter ses mots. Avec un effort douloureux, il murmure :

- Elle... elle a été... prise... dans... l'ombre...

Je m'effondre presque à ces mots. Selly a été enlevée.

Les larmes du crépusculeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant