Chapitre 8 - Studere studeo studes studet

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C'est la première fois que Marc et moi nous disputons avec une telle virulence. Lorsque je lui annonce que je veux rester à la maison et m'occuper de l'instruction d'Automn, il perd son sang-froid. Il me traite de folle, me dit que c'est moi qui ai un problème, que notre fille, elle, va très bien. Selon lui, dès que j'arrêterai de la surprotéger, elle apprendra à parler. L'école est faite pour cela, ajoute-t-il, et la scolarisation sera bénéfique autant pour elle que pour moi. Il ajoute que cette maison au milieu des bois m'a rendue sauvage, que je deviens associable depuis notre emménagement, qu'il faut que je recommence à travailler moi aussi.

Je reste figée, le fixant, éberluée, tandis qu'il déverse des flots de paroles. C'est à ce moment précis que je réalise à quel point nous nous sommes éloignés l'un de l'autre depuis des mois. Bien que j'ai renoncé à lui parler de mes inquiétudes, je sens qu'il les perçoit, mais il est totalement incapable de les comprendre. Face à sa véhémence, je cède et j'accepte de visiter l'école du secteur avec Automn.

Durant la visite, notre petite fille se comporte à merveille, elle suit sagement le groupe. Dans la classe, elle s'installe sur une chaise et ne bouge pas. Son père, satisfait, en profite pour me faire remarquer que tout se passe bien. Mais au fond de moi, je vois avec une clarté troublante que ma fille est différente des autres enfants.

Tout l'été, je tente de préparer Automn à la rentrée. Je multiplie les sorties regrettant parfois l'isolement de notre maison qui ne me facilite pas la tâche. Ainsi, nous enchaînons les visites à la médiathèque, les après midi au lac et, de loin l'expérience la plus dure, les sessions dans une plaine de jeux située à presque une heure de route. Avec ce programme chargé, j'espère voir Automn se lier avec d'autres enfants. Pour mon plus grand désespoir, le comportement de ma fille est toujours similaire : où que nous allions, elle s'assoit, au plus près des plus petits, sans jamais rien faire. Lorsque des gens viennent lui parler, elle les ignore ou elle les fixe de son regard glacial tout en restant silencieuse, et l'importun finit toujours par abandonner. Marc ne nous accompagne jamais et ne me sentant pas soutenue, je commence à ressentir de la rancœur à son encontre.

Je propose également à Automn des activités de peinture, gommettes, ou encore de la pâte à modeler, mais elle me regarde toujours comme si elle était lasse de mes efforts et refuse de toucher à quoi que ce soit. Elle continue, inlassablement, à bercer sa poupée. J'ai également remarqué qu'elle aime s'installer près de moi lorsque j'écoute des podcasts ou des livres audio. La seule activité que nous partageons vraiment, c'est la cuisine. Avec ses petits doigts maladroits, Automn adore malaxer des pâtes à tarte, façonner des cookies ou remuer des appareils à gâteaux.

Un jour, nous quittons tous les trois notre vallée pour nous rendre dans un centre commercial. Marc et moi emmenons Automn acheter un petit cartable et des chaussons pour l'école, elle ne montre aucun intérêt ni pour l'un ni pour l'autre. En revanche, elle est fascinée par le rayon des fournitures scolaires pour grands, et je suis presque sûre de la voir se tortiller pour tenter d'attraper un dictionnaire.

L'été s'achève bien trop vite à mes yeux et début septembre, Automn, les cheveux soigneusement tressés, vêtue d'un short en velours côtelé marron et d'une petite blouse verte, fait son entrée en maternelle. Au milieu des cris et des pleurs des autres enfants, elle semble parfaitement comprendre ce qu'on attend d'elle. Elle enfile docilement les chaussons que nous avons choisis pour elle. Je l'embrasse, elle se laisse faire. La maîtresse lui demande son prénom, Automn ne répond pas.

"Oh, une petite princesse timide", s'exclame-t-elle avec le sourire.

"Alors, Maman peut me donner son prénom ?", poursuit-elle.

"Automn...", dis-je. Je m'apprête à lui expliquer que ma fille ne parle pas encore, mais nous sommes interrompues par les hurlements d'un enfant qui s'accroche aux jambes de sa mère. Automn, quant à elle, est déjà entrée en classe.

Je fais demi-tour et rentre à la maison, où je tente par tous les moyens de me distraire jusqu'à la fin de la matinée, l'heure d'aller la chercher.

La nouvelle d'AutomnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant