Chapitre 5 : Esprit es-tu là ?

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Le 21 septembre, une fébrilité palpable m'accompagne toute la matinée en attendant l'arrivée de Claire. Lorsque je l'aperçois enfin, je suis frappée par son élégance discrète : une jupe droite parfaitement coupée, un carré blond au brushing parfait encadrant son visage, et des yeux bleus perçants maquillés avec soin. Son allure BCBG, presque classique, contraste avec le charme et l'aura de douceur chaleureuse qui émane d'elle naturellement.

Dès qu'elle franchit le seuil de la maison, Claire semble comme aimantée vers l'escalier et elle s'y dirige directement.

"Il n'y a aucun doute." S'exclame-t-elle en s'arrêtant devant les marches. "Votre âme égarée est bien là !"

Elle ferme les yeux quelques secondes, comme pour capter une vibration invisible, avant de murmurer d'une voix douce :

"Bonjour Solange." Sa voix change légèrement, empreinte de l'inflexion particulière pleine de tendresse qu'on utilise instinctivement lorsqu'on s'adresse à un petit enfant.

Je sursaute en l'entendant prononcer ce prénom, celui de "mon fantôme". Claire s'en aperçoit immédiatement et, d'un ton rassurant, m'explique qu'elle perçoit parfois des informations concernant les défunts. Bien que leurs messages soient parfois confus, le prénom de Solange lui est parvenu avec une grande facilité.

Je me fais discrète, me réfugiant dans un coin de la pièce, n'osant pas bouger, osant à peine respirer de peur de déranger Claire. Cette dernière chantonne en sortant méthodiquement son matériel de son sac. Elle dispose avec application cinq bougies sur la troisième marche en haut de l'escalier. Elle allume ensuite de l'encens, et la pièce se charge de volutes de fumées et d'un parfum de plantes sèches. Enfin, elle sort un bol tibétain qu'elle commence à faire résonner dans l'espace, chaque vibration semblant s'ancrer dans les murs de la maison. Tous ces éléments combinés plongent la pièce dans une ambiance à la fois mystique et apaisante.

Elle m'explique qu'elle va entamer le rituel et me donne quelques précisions sur sa teneur. Il s'agit d'expliquer à Solange ce qui lui est arrivé et de l'inviter à poursuivre son ascension. Pour la guider, elle récitera des prières pour confier son âme aux forces supérieures. Elle m'invite à m'asseoir près d'elle et à "envoyer de la bienveillance" à Solange, une tâche que je m'efforce de comprendre.

Je m'installe donc à ses côtés, peu sûre de mon rôle, mais déterminée à bien faire. J'essaie de penser à Solange, à sa douleur, à son histoire et surtout à la paix qui l'attend de l'autre côté. Pendant que je m'efforce de garder mes pensées claires, Claire s'adresse à voix haute à Solange, l'invitant à rejoindre le bébé qui l'attend. Les flammes des bougies vacillent, et je suis presque certaine de sentir une légère brise souffler sur ma peau, comme une caresse invisible. Mes cheveux se soulèvent subtilement, et mon tee-shirt se gonfle, portés par ce vent mystérieux.

Claire ferme les yeux, je l'imite, me concentrant sur chaque sensation. Je ne sais combien de temps nous restons ainsi ; les minutes s'étirent, presque élastiques. Peu habituée à ce genre de pratique, je peine à rester concentrée et me sens un peu mal à l'aise dans ce silence sacré. Une brise douce persiste, et l'odeur de lavande flotte avec insistance dans l'air, enveloppant mes pensées.

Puis soudainement, tout s'arrête. L'air redevient stable, même les bougies semblent brûler de façon régulière.

J'ouvre un œil avec prudence, Claire émerge lentement d'une sorte de transe.

"C'est fini", dit-elle avec assurance.

Je la crois. Je ressens une douce chaleur au creux de mon ventre, là où la peur résidait auparavant. L'escalier, autrefois source d'angoisse, m'apparaît maintenant comme une partie ordinaire de la maison. Je le regarde et ne ressens plus aucune crainte.

"Je peux ?" demandai-je à Claire en désignant l'escalier d'un hochement de tête.

"Bien sûr", répond-elle. "Solange n'est plus là, je ne la sens plus. Je dirais en revanche que votre maison déborde désormais d'une belle énergie positive. Laisse les bougies finir de se consumer, quand ça sera fait, balaie l'escalier, tu n'as plus rien à craindre"

Nous nous installons ensuite pour boire un thé et la conversation glisse naturellement vers des sujets plus légers. Claire me parle un peu de son métier, de ses expériences passées avec d'autres âmes errantes. Je la remercie chaleureusement avant qu'elle ne parte. En retrouvant mon canapé, une sérénité nouvelle m'envahit. Je me sens apaisée, détendue et heureuse.

La nouvelle d'AutomnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant