Chapitre 24 : L'appel au-delà

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Alice

Il faut que j'en ai le cœur net. Me souvenant des gestes de Claire, l'éclaireuse d'âmes qui était venue communiquer avec l'âme de Solange, j'ai acheté bougies blanches, encens et bol tibétain. J'ai attendu que Marc soit en déplacement, et me voilà installée au pied du lit de ma fille, Automn dort, j'imagine Solange éveillée, tapie dans l'ombre, alors, je tente ma chance :

"Solange... Solange, si tu es là, si tu m'entends, je t'en prie... écoute-moi.

C'est peut-être la chose la plus insensée que j'aie jamais faite, parler à un fantôme, à toi. Mais je n'ai plus d'autres choix. J'ai tout essayé, les médecins, les spécialistes, les prières, et même ces rituels étranges qui, maintenant, me paraissent si fous. Et pourtant, rien ne change. Automn souffre encore. Elle ne va pas bien, et je sais que tu es là. Je le sens. Alors je te supplie, Solange... laisse-la tranquille. Laisse ma fille vivre sa vie.

Tu ne comprends peut-être pas, ou peut-être que tu t'en fiches. Mais je suis sa mère, et je ne peux plus supporter de la voir comme ça. Chaque jour est une lutte pour elle, une bataille contre des choses qu'elle ne peut même pas expliquer, et je sais que c'est à cause de toi. Oh, je sais ce n'est pas une question de malveillance. Mais ta présence... Elle l'empêche de grandir, de devenir qui elle est censée être. Tu la bloques. Et je... je ne peux pas continuer comme ça.

Je me rappelle encore la première fois où j'ai senti que quelque chose clochait, elle était si petite. C'était avant le diagnostic, avant que tout devienne si compliqué. Elle regardait ses livres comme si elle cherchait quelque chose d'important, avec cette intensité... Mais ce n'était pas juste une fascination d'enfant. Il y avait quelque chose de plus, une maturité, bien au-delà de son âge. À l'époque, je pensais juste que c'était une phase, j'étais presque fière de voir ma fille le nez dans des livres, pensant qu'elle me ressemblerait. Ou même, qu'elle serait mieux... Qu'elle était différente, plus intelligente, plus concentrée. Mais maintenant, je sais que c'était toi. C'était ton regard à travers ses yeux, c'était toi qui cherchais quelque chose.

Mais ce corps, Solange... ce n'est pas le tien. Peut-être l'as tu cru ? Peut-être que tu as fait erreur toi aussi ? Est ce quand Claire était venue te parler ? Je n'ai plus jamais senti ta présence dans l'escalier après cette journée. Mais Automn était destinée à ce corps, ma fille, un bébé, pas toi. Tu es ici par erreur, et cette erreur détruit ma fille. Elle ne peut pas supporter deux âmes en elle. C'est trop pour elle, et je le vois. Ses crises, ses angoisses, ses blocages... tout ça, c'est parce qu'il y a cette lutte en elle. Entre toi et elle. Et elle n'est qu'une petite fille. Elle ne peut pas comprendre, elle ne peut pas te faire partir.

Je ne sais pas ce que tu veux, ou pourquoi tu es encore là. Peut-être que tu as peur, peut-être que tu ne sais pas comment partir. Mais tu dois comprendre que ton temps est terminé. Ce n'est plus ton corps, ce n'est plus ta vie. Automn doit pouvoir respirer, elle doit pouvoir être elle-même, sans toi. Elle mérite de découvrir qui elle est vraiment, sans cette ombre au-dessus d'elle.

Tu sais, je te plains. Vraiment. Perdre ton bébé dans un accident, décider d'en finir avec la vie si jeune, ne pas avoir eu la chance de tout vivre... c'est injuste. Mais ce n'est pas une raison pour prendre la vie d'une autre. Je sais ce que c'est que de vouloir protéger ses enfants, je sais ce que c'est que de vouloir une seconde chance, mais ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. Automn n'est pas toi, et elle ne doit pas devenir toi.

Je t'en prie, Solange, si tu m'entends... laisse-la partir. Laisse-la vivre. Il doit y avoir un autre moyen pour toi, un endroit où tu peux aller en paix, sans causer plus de douleur. Tu ne fais que la retenir, et elle a besoin de moi. Elle a besoin que je la soutienne, que je sois forte pour elle, mais je ne peux pas le faire si tu restes là, à la hanter, à me hanter.... Je suis fatiguée, épuisée de me battre contre quelque chose que je ne comprends pas, mais je te le demande, d'une mère à une autre : fais ce qu'il faut. Relâche-la. Laisse-moi ma fille.

J'ai peur, tu sais. Peur de te confronter, peur de ce que je vais découvrir, mais plus que tout, j'ai peur pour Automn. Je la vois progresser chaque jour, ou est-ce toi qui prend de la force ? Et si tu ne pars pas, si tu continues à t'accrocher à elle, si je la perds, ça, je ne pourrai jamais le supporter.

Alors, je te le demande une dernière fois... s'il te plaît. Dis-moi que tu comprends. Fais moi un signe. Dis-moi que tu vas partir."

J'observe Automn qui respire paisiblement, rien ne se passe. Je sors de sa chambre, la tête basse et les yeux brûlants de larmes.

La nouvelle d'AutomnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant