Depuis cette première rencontre, je m’étais enfermée dans un silence glacial, presque instinctif. C’était plus facile ainsi. Laisser les autres dans l’ignorance, m’enfermer derrière mes propres murs. Chaque jour, je croisais Lysandre Blackwood dans les couloirs, son regard cherchant parfois le mien, mais je faisais tout pour l’éviter. L’idée de devoir faire face à ce qu’il représentait... c’était plus que je ne pouvais supporter.
Je me persuadais que le silence et la distance étaient ma meilleure défense. Il n’avait pas le droit de me voir vulnérable. Pas lui, qui avait abrité sous son toit mon agresseur, même sans le savoir. Mais une petite voix en moi me disait autre chose. Que ce n’était pas aussi simple. Que ce n’était pas uniquement de la colère. Que quelque part, dans ma méfiance, il y avait une émotion que je ne voulais pas reconnaître.
Malgré tout, les jours passèrent, et la tension restait là, comme une corde tendue entre nous, invisible mais impossible à ignorer. Jusqu’à ce jour-là. Après un cours où son regard avait une fois de plus croisé le mien, il me demanda de rester.
Je savais que je n’aurais pas dû. Que c’était une mauvaise idée. Mais quelque chose en moi ne pouvait pas dire non.
C’est ainsi que je me retrouvai seule dans cette salle vide avec lui, les mots coincés dans ma gorge et mon cœur battant comme s’il allait exploser.
Je ramassai lentement mes affaires, essayant d’ignorer le regard insistant que je sentais peser sur moi. Chaque mouvement était calculé, précis, comme si je craignais que le moindre geste de travers ne me trahisse. Mon sac sur l'épaule, je me dirigeai vers la porte sans un mot. J’avais promis de rester après les cours, mais maintenant que l’instant était là, une panique sourde montait en moi.
-«Aria, attends.»
Sa voix m’atteignit comme un écho lointain, mais je n’arrêtais pas. Je n’avais pas l’intention de me retourner. Je savais que si je le faisais, tout ce que je m’efforçais de dissimuler éclaterait au grand jour. Mon cœur battait à tout rompre, chaque battement me rappelant la proximité de cet homme avec mon passé.
-«S’il te plaît», insista-t-il.
Je m’immobilisai à contrecœur, fixant la poignée de la porte avec une intensité ridicule. Je ne voulais pas le regarder, encore moins parler. Mais ses pas résonnèrent derrière moi, plus lourds, plus proches. Je sentis sa présence juste derrière moi, et cette chaleur étrange qu'il dégageait, si différente de la froideur à laquelle je m'étais habituée.
-«Je sais que ça doit être difficile,» murmura-t-il d’une voix douce, presque hésitante.
Je serrai la mâchoire, refusant de répondre. Ce n’était pas une question de difficulté. C’était une question de survie. Ouvrir la bouche, parler, c’était accepter d’être vulnérable, et je n’étais pas prête pour ça. Pas avec lui.
-«Aria…»
Sa voix avait cette façon de faire vibrer quelque chose en moi que je détestais. Elle était trop douce, trop proche, et je n’étais pas prête à l’affronter. Pas après tout ce qui s’était passé.
-«Qu’est-ce que tu veux que je dise ?» lâchai-je finalement, d’un ton sec, presque hostile. Mon regard était toujours fixé sur la porte.
Je ne lui laissai pas le temps de répondre.
-«Tu veux des excuses ?»Ma voix se brisa légèrement, et je serrai les poings, essayant de reprendre le contrôle. «Des explications ? Parce que je n’en ai pas.»
Il resta silencieux pendant un moment. Trop longtemps.
-«Je ne veux pas d’excuses», répondit-il enfin, plus calmement. «Je veux juste que tu saches que tu peux parler. Pas maintenant, mais... quand tu seras prête. Je ne suis pas ici pour te juger.»
Je ris, un rire froid et amer, sans joie.
-«Parler ? C’est tout ce que tu trouves à dire ?» Ma voix s’élevait malgré moi, trahissant la colère que je contenais. «Tu crois vraiment que ça changera quoi que ce soit ? Que ça effacera ce qui s’est passé ?»
Je regrettais énormément ce que je venais de dire. J'étais pitoyable de me défouler sur lui alors qu'il n'est pas responsable de ma vie merdique, mais j'arrive pas, j'arrive pas à me dire qu'il me veut du bien, je suis persuadée que les hommes ont un vuce qui leur pousse à faire ce que la plupart des femmes ne ferait pas, à faire souffrir nos proches juste pour le plaisir. Alors je crois que si je suis agressive avec Lysandre, je ne pourrais pas me rapprocher de lui et il ne pourra pas me faire de mal, je ne veux pas qu'il voit mes blessures aussi, qu'il me regarde avec ces yeux, ces yeux avec lesquels on regarde les chiens battus.
Je me retournai enfin, mes yeux brûlants croisant les siens. J’étais en colère, mais pas contre lui, pas seulement. Contre moi, contre cette situation. Contre tout.
Il resta impassible, mais je pouvais voir la culpabilité se refléter dans ses yeux. Ce même regard qui me dérangeait, qui me donnait envie de le détester et de l’apprécier à la fois. Un mélange déstabilisant que je ne savais pas comment gérer.
-«Je ne peux pas effacer le passé,» dit-il, sa voix calme, presque résignée. «Mais je peux être là maintenant.»
Ces mots me frappèrent plus fort que je ne l’aurais voulu. Ils étaient simples, peut-être trop simples, et pourtant... je les ressentis profondément. Il ne cherchait pas à se justifier, il ne me demandait rien. Il offrait juste une présence. Une présence que je ne savais pas comment accueillir.
Je détournai de nouveau le regard, incapable de supporter plus longtemps la chaleur qui montait en moi, cette sensation de... sécurité, qui contrastait trop violemment avec ce que j’avais toujours ressenti.
-«Je n’ai pas besoin que tu sois là», murmurais-je, plus pour me convaincre moi-même que pour lui.
Il ne répondit pas. Il se contenta de me fixer, ses yeux emplis d’une tristesse que je ne comprenais pas complètement. C'était comme s’il portait un fardeau, lui aussi, mais je refusais de le voir comme autre chose que le père de mon bourreau. Même si une partie de moi savait que c’était injuste.
-«D’accord», dit-il finalement. «Je ne te forcerai à rien. Mais si jamais tu veux parler, je suis là.»
Je restai silencieuse. Ce n’était pas une promesse, ni une obligation. Juste une porte entrebâillée, que je pouvais choisir de franchir ou non. Et pour la première fois depuis longtemps, cette simple idée de choix me fit peur
Sans un mot de plus, je tournai la poignée et sortis de la salle. Mon cœur battait encore à toute vitesse, mais cette fois, ce n'était pas seulement à cause de la peur.
---
VOUS LISEZ
Born to run away
Любовные романы« Fuir, ce que je sais faire le mieux au final » je dois tenir ça de mon père sans doute qui partait de la maison après nous avoir détruit. J'ai toujours su que fuir mes problèmes allait me retomber dessus mais pour l'instant ça me convient. On peut...