Pendant les deux semaines qui ont suivi, tout est devenu flou, presque irréel. Après ce jour où j'ai repoussé Lysandre, un fossé s'est creusé entre nous. Une distance volontaire, mais lourde de sens, comme un silence trop bruyant. Je l'évitais autant que possible, mes yeux toujours baissés lorsqu'il passait près de moi. Et lui, de son côté, faisait de même. Il n'y avait plus de ces regards furtifs ou de tension palpable lorsque je pénétrais dans la salle de classe. Juste une froide indifférence, une barrière infranchissable qu'on s'était tous deux imposée.
Chaque fois que je l'apercevais, j'avais cette boule au ventre, ce mélange de frustration et de confusion. Je savais son secret maintenant, et cette connaissance me pesait. La vérité de son passé, ce que son fils était devenu... C'était comme un poison qui s'était infiltré entre nous, changeant tout sans un mot.
Je me disais que c'était mieux ainsi, que cette distance était nécessaire. Après tout, qu'aurais-je pu lui dire ? Que je savais ce qu'il ignorait ? Que son fils m'avait brisée, et que malgré cela, quelque chose en moi continuait d'être inexplicablement attirée par lui ? Non. Ce serait cruel, pour lui, pour moi. Alors je restais silencieuse, comme toujours.
Les cours étaient devenus presque mécaniques. Je faisais acte de présence, répondais brièvement lorsque c'était nécessaire, mais mon esprit était ailleurs. Les autres élèves ne remarquaient rien, eux, ils ne voyaient qu'un professeur et son élève, distants et professionnels. Mais moi, je savais. Il y avait cette tension sous-jacente, ce non-dit qui flottait entre nous chaque fois qu'il parlait, chaque fois qu'il évitait mon regard.
J'aurais voulu que tout redevienne comme avant, quand les choses étaient plus simples. Quand je ne connaissais pas son secret, et que tout n'était pas aussi... compliqué. Mais ce n'était plus possible. Chaque jour qui passait, cette distance devenait plus insupportable. Pourtant, je ne faisais rien pour y remédier, et lui non plus.
Jusqu'au jour ou la classe d'histoire était silencieuse, seulement rythmée par le grattement des stylos sur le papier. Lysandre, debout près du tableau, énonçait calmement les détails d'une bataille historique, mais mon esprit n'était pas sur le sujet. Mon regard restait fixé sur mes notes, pourtant vides, alors que je sentais sa présence comme une ombre oppressante.
Il y avait quelque chose de différent aujourd'hui. Une tension sourde flottait dans l'air, quelque chose qui rendait chaque mot échangé plus lourd, chaque mouvement plus calculé. Depuis la mort de Keyl, tout était devenu plus compliqué. Chaque regard de Lysandre semblait avoir une nouvelle profondeur, une nouvelle gravité, comme s'il sentait que quelque chose clochait, mais n'arrivait pas à comprendre quoi. Je sentais son regard se poser sur moi de temps en temps, furtif, mais pesant.
-« Miss Sinclair », sa voix m'arracha brutalement à mes pensées.
Tous les regards de la classe se tournèrent vers moi. Mon cœur s'accéléra, je relevai à peine la tête, mes yeux évitant les siens.
-« Pouvez-vous nous rappeler ce que cette bataille a changé dans le contexte de l'époque ? » demanda-t-il, sa voix calme mais autoritaire.
Je cherchai désespérément dans mes notes, mais mon esprit restait embrouillé. Je savais la réponse, je connaissais le programme par cœur, mais ce matin-là, sous la pression de son regard et de cette tension entre nous, tout s'effaça.
-« Je... » ma voix s'éteignit.
Lysandre me fixa un instant, un froncement léger sur son front. Je pouvais sentir l'attention de la classe sur moi, chaque étudiant me dévisageant comme si j'étais une bête de foire. Il y avait un silence gêné dans la pièce, et la pression monta encore d'un cran.
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Born to run away
Romance« Fuir, ce que je sais faire le mieux au final » je dois tenir ça de mon père sans doute qui partait de la maison après nous avoir détruit. J'ai toujours su que fuir mes problèmes allait me retomber dessus mais pour l'instant ça me convient. On peut...