Je restais là, immobile, sur une chaise inconfortable du commissariat. La salle était froide et silencieuse, sauf pour les bruits étouffés de la circulation à l'extérieur et les murmures lointains des policiers discutant derrière leur comptoir. Mes pensées tournaient en boucle, une spirale d'angoisse sans fin. Ilora était assise à côté de moi, la tête appuyée contre mon épaule, somnolente, inconsciente de ce qui se passait. Elle avait quelques bleus, légers mais visibles, sur ses bras. J'avais essayé de lui caresser doucement les cheveux pour la rassurer, mais mes mains tremblaient tellement que j'avais arrêté.
Lysandre avait été arrêté. Je ne comprenais toujours pas comment ça avait pu arriver aussi vite. Un instant, il essayait de nous protéger, et l'instant d'après, les policiers l'avaient emmené, croyant qu'il était une menace. Les mots qu'il avait criés, « Dis-leur ! », résonnaient encore dans ma tête. Mais je n'avais pas réussi à parler. Ma voix s'était éteinte, étouffée par la peur.
Un agent finit par s'approcher de nous. Son regard était dur, suspicieux.
— « Aria, c'est ça ? » demanda-t-il, sans vraiment attendre ma réponse. « On a regardé ta sœur, elle a quelques bleus, mais rien de grave. » Il soupira en passant la main sur son visage, visiblement fatigué. « Ce genre de choses arrive souvent entre frères et sœurs, tu sais. Une petite bagarre, et les choses dégénèrent. On a tous eu des disputes dans notre enfance. »
Je clignai des yeux, stupéfaite. Il pensait que c'était moi qui avais fait ça ? Que je l'avais frappée ? Une vague de panique me submergea, mais encore une fois, les mots restaient bloqués dans ma gorge.
— « Je... ce n'est pas... » tentai-je de dire, mais ma voix s'étrangla.
L'agent ne me laissa pas finir.
— « Ton père est en route. Il va venir vous chercher. Ce Lysandre, c'est un type louche. Un gars qui a voulu t'embrouiller, c'est tout. Ton père va s'occuper de ça. »
Je sentis mon cœur s'emballer encore plus fort. Non. Non, non, non. Ils ne comprenaient pas. Ils allaient remettre Ilora et moi entre les mains de celui qui nous faisait le plus de mal. Mon père. Et personne ici ne semblait s'en rendre compte.
Quelques minutes plus tard, je vis mon père entrer dans le commissariat. Il portait son costume, comme toujours, impeccablement ajusté. Ses cheveux étaient soigneusement coiffés, et son visage affichait une expression de calme autorité. Pour n'importe qui d'autre, il aurait semblé être un père aimant, inquiet pour ses filles. Mais moi, je savais ce qu'il était vraiment. Et la peur me paralysait encore plus.
Il s'approcha des policiers, leur serrant la main comme s'ils étaient de vieux amis.
— « Bonsoir, messieurs, » dit-il d'une voix douce et rassurante. « Merci de m'avoir prévenu. Je ne comprends pas comment une telle situation a pu dégénérer à ce point. »
Le policier hocha la tête, visiblement impressionné par l'attitude polie et posée de mon père. Il avait toujours su charmer les gens avec son apparence parfaite et ses manières. Personne ne voyait le monstre qui se cachait derrière.
— « Monsieur, » commença l'agent, « votre fille aînée était en compagnie d'un certain Lysandre. Il nous a dit qu'il était leur tuteur, mais... tout ça semble un peu suspect. Il semblerait qu'il ait convaincu Aria de faire des choses insensées. Elle ne semblait pas dans son état normal. »
Je relevai les yeux, incrédule. Il assurait que j'étais... ivre ? Que Lysandre m'avait manipulée ?
Mon père hocha la tête avec un air grave.
— « Je le crains. Aria est encore une adolescente, elle fait des erreurs, et je pense que ce Lysandre l'a embobinée. Vous savez, je lui avais demandé de veiller sur sa petite sœur ce soir, mais... » Il poussa un soupir. « Il semble qu'elle ait bu, et les choses ont dégénéré. »
Je sentis mon estomac se tordre en entendant ses mensonges se dérouler si facilement. Mais les policiers le regardaient avec sérieux, hochant la tête à chaque phrase qu'il prononçait.
— « Ne vous inquiétez pas, monsieur. On s'occupe de Lysandre. Ce type ne sera plus un problème pour votre famille. Vous pouvez ramener vos filles chez vous. »
— « Merci, » répondit mon père avec un sourire reconnaissant. « Je vais les ramener à la maison et veiller à ce qu'Aria prenne ses responsabilités. »
Les policiers semblèrent satisfaits de cette réponse. Ils nous laissèrent partir sans poser plus de questions, sans se douter de ce qui nous attendait une fois les portes du commissariat franchies. Mon père nous prit par les épaules, souriant chaleureusement aux policiers avant de nous conduire vers la voiture. Mais dès que nous fûmes hors de vue, je sentis la pression de ses doigts sur mon épaule se resserrer violemment.
Le trajet de retour se fit dans un silence lourd, oppressant. Ilora somnolait à l'arrière, épuisée, mais je ne pouvais penser à autre chose qu'à ce qui allait se passer une fois que nous serions de retour à la maison.
Nous arrivâmes enfin. La porte de la maison claqua derrière nous, et aussitôt, mon père se tourna vers moi, ses yeux brûlants de colère. Le masque du père attentionné était tombé.
— « Qu'est-ce que tu croyais faire, Aria ? » sa voix était glaciale, tranchante. « Tu pensais vraiment que tu pouvais t'enfuir avec ce fou de Lysandre ? Que tu pouvais me ridiculiser, moi, ton père ? »
Je restais figée, incapable de répondre. Puis, sans prévenir, il attrapa un bâton qui traînait dans l'entrée, un vieux morceau de bois qu'il gardait toujours à portée de main, et se dirigea vers moi, ses pas lourds et menaçants.
— « Tu vas apprendre, » gronda-t-il en levant le bâton au-dessus de sa tête. « Tu vas comprendre ce qu'il en coûte de me défier. »
Je reculai instinctivement, mais il me rattrapa en un instant. Le premier coup tomba sur mon dos, un choc violent qui me coupa le souffle. J'entendis Ilora crier derrière moi, mais elle était trop petite, trop loin pour m'aider.
— « Non ! Arrête ! » hurlai-je, mais il ne s'arrêta pas. Il frappa encore, encore, chaque coup me coupant un peu plus la respiration. Je sentis une douleur sourde envahir mon côté, comme si quelque chose s'était cassé.
— « Tu crois que tu peux me ridiculiser ?! » rugit-il, sa voix déformée par la rage. « Tu crois que tu peux t'enfuir avec ce salaud de Lysandre ? Je vais le retrouver, et je vais lui faire regretter de t'avoir approchée. Je vais détruire sa vie. »
Les mots résonnaient dans mon esprit, mais la douleur était trop forte pour que je réponde. Je m'effondrai sur le sol, tremblante, mes côtes me brûlant à chaque respiration.
Ilora pleurait à côté de moi, mais je ne pouvais plus bouger. Je voulais la protéger, lui dire que tout irait bien. Mais c'était un mensonge. Rien n'allait bien. Et Lysandre n'était plus là pour nous sauver.
Je fermai les yeux, la peur et la douleur me submergeant. Mon père avait gagné, encore une fois.
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Born to run away
Romance« Fuir, ce que je sais faire le mieux au final » je dois tenir ça de mon père sans doute qui partait de la maison après nous avoir détruit. J'ai toujours su que fuir mes problèmes allait me retomber dessus mais pour l'instant ça me convient. On peut...