Parlons peu, parlons alliance

616 57 14
                                    

ℝ𝕠𝕓

Les portières claquent dans le silence de la nuit texane. Le vent chaud balaie doucement la poussière autour de nous, mais aucun de mes gars n'ose encore parler. Nous sommes tous enfermés dans une réflexion solitaire. 

La mort nous rappelle nos passés chaotiques.

Il est rare que je pointe un flingue sur quelqu'un. Il est encore plus rare que j'ôte la vie. Tout le monde le vie cette soirée de merde comme un défaite. Nous volons, mais nous évitons de tuer. Si ça arrive, c'est un innocent qui rejoint les cieux. Dans ce genre de moment nous nous enfermons dans le mutisme de nos actions. 

Pas ce soir. 

Non. 

Cette fois on nous a provoqué. 

Pour la première fois de ma vie j'ai ressentie l'appel de la mort. J'avais envie d'enterrer moi-même ces enflures qui s'en prenaient à mes coéquipiers. Cette putain de situation à tout remis en cause dans mon crâne abîmé. Je sors du véhicule la rage au ventre. 

Au loin, la silhouette de Sole se détache dans l'obscurité. Elle rentre à l'intérieur du ranch sans se retourner. Ses épaules sont voûtées comme si elle portait le poids du monde sur son dos. Elle s'en veut. Je le vois dans sa démarche et dans sa façon d'éviter nos regards.

Mais ce n'est pas sa faute. 

Pas complètement.

C'est nous qui l'avons sortie de ce putain de coffre. On a décidé de la libérer de son enfer, et maintenant, il faut en assumer les conséquences. Pas le choix.

Alors que mes coéquipiers traînent leurs pieds en direction de la maison, je les rappelle.

- Les gars ! On se réunit dans la grange, dis-je d'une voix ferme.

Je les vois se figer, surpris. Leurs visages trahissent la fatigue. Je m'en veux presque de leur imposer une réunion d'urgence. Presque car nous n'avons pas le temps de nous laisser aller. Pas tant que certains sujets restent en suspens. Darwin soupire bruyamment et se retourne.

- Quoi, maintenant ? Tu rigoles, j'espère ? Il est 4h du matin, Rob... On peut pas faire ça demain ? grogne-t-il, en se frottant les yeux.

Je pince les lèvres. Ça m'agace qu'il ne comprenne pas l'urgence. Que personne ne comprenne vraiment les risques qu'on encoure. Les gars qui nous ont attaqué peuvent revenir à tout moment. Ils ne vont pas attendre que tout le monde ait passé une bonne nuit de sommeil pour nous buter. 

- Non, ça ne peut pas attendre, répliqué-je, serrant les dents.

Jarek lève un sourcil, mais ne dit rien. Cameron, appuyé contre la carcasse du pick up à côté, reste silencieux. Son regard est dur et résigné. Il sait que, quand je réagis comme ça, il y a une raison. Quant à Liam, il ne proteste pas. Il tapote sur son téléphone, probablement déjà à l'œuvre pour trouver des infos supplémentaires sur Sole.

- Très bien, lâche Cameron, sa voix grave brisant le silence. On y va.

Je fais volte-face et me dirige vers la grange sans attendre de voir s'ils me suivent. Je sais qu'ils le feront.

C'est nous. 

Nos pas résonnent ensemble. 

Nous ne formons qu'une seule est même personne. 

À l'intérieur, l'odeur de foin et d'huile mécanique me frappe. Le vent siffle entre les planches de bois jaunis. Je m'assois sur une vieille chaise à bascule en bois. Les coudes posés sur mes genoux, je me laisse happer par l'odeur de foin battu. 

ROB A BANKOù les histoires vivent. Découvrez maintenant