Chapitre 14

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Le lendemain, lorsque Charlotte dépose William à la librairie, l'atmosphère devient froide et pesante. William reste accroché à sa mère, à la regarder comme si elle était Merlin. Elle s'accroupit devant lui, son regard dur, et lui explique qu'il va devoir rester avec moi toute la journée. Visiblement, cela ne lui fait pas plaisir... Le voir mécontent me brise le cœur, mais je garde bonne figure. Charlotte se relève et entraîne William vers moi, me lançant un regard plein de dédain, le visage fermé. Suis-je une menace ? Pourquoi me le confie-t-elle alors ? Je reste silencieuse, attendant qu'elle prenne la parole.

Elle me réexplique rapidement les règles à suivre, puis m'annonce une nouveauté : plus de sieste.

— « Plus de sieste ? », répété-je, hébétée.
— « Oui, plus de sieste ! Il est grand maintenant », insiste-t-elle en se tournant vivement vers William. « Tiens, n'oublie pas ta potion à midi ! », dit-elle à son fils en lui tendant son sac à dos.
— « William est malade ? », m'inquiété-je aussitôt..
— « Rien de grave », répond-elle sèchement, évasive.

Je n'insiste pas, et acquiesce. Mon petit monstre prendra sa potion à midi. Lorsqu'elle se retourne pour partir, elle ne prend pas la peine de faire un dernier bisous ou câlin à son fils. William la regarde avec des yeux de chien battu, espérant un dernier geste d'affection.

Après quelques pas vers la porte, elle se tourne légèrement vers nous, il a encore un éclat d'espoir dans les yeux, mais tout ce qu'elle fait, c'est le regarder avant de demander d'une voix mielleuse :

— « William, tu veux que ce soit Maman ou Papa qui vienne te chercher ? »

Je prie silencieusement pour qu'il choisisse son père, mais William murmure :

— « Maman. »
— « J'essayerai d'être là pour te chercher », lui répond-elle avant de partir pour de bon.

Je reste abasourdie. Comment peut-elle être si détachée alors qu'il l'adore autant ?

Je secoue la tête alors que Wendy entre dans la librairie. Elle est ravie de revoir William, mais lui semble contrarié. D'un geste autoritaire, il me tend son sac et me demande de le garder. J'hésite un instant, puis je le récupère. Sans un mot, William grimpe les escaliers à toute vitesse pour aller chez moi.

— « C'était William, ça ? », me demande Wendy, perplexe.
— « Non, c'était le fils de Charlotte », réponds-je d'un ton amer.

Wendy acquiesce, puis s'approche pour me demander des détails de son arrivée.

— « Une potion, tu dis ? Montre voir ! », dit-elle, visiblement préoccupée. Son inquiétude me contamine, et je tremble légèrement en ouvrant le sac.

Lorsque je trouve la fiole, je la lui tends. Elle observe le liquide à l'intérieur attentivement.

— « Ma chérie, je parierais mes enfants que ça, c'est la clé du mystère... », m'annonce-t-elle avec une lueur de méfiance dans les yeux.

William serait sous l'effet d'une potion ?

Durant la matinée, je monte régulièrement voir comment va William, mais à chaque fois, je le trouve simplement assis devant la télévision, immobile, comme figé. Wendy finit par rentrer chez elle, me laissant seule avec cet enfant si méconnaissable...

Je prépare le repas et l'invite à venir manger. Lorsqu'il me dit que c'est bon, je sens mon cœur s'alléger un peu. Peut-être que sa mauvaise humeur s'atténue enfin, et j'ai l'impression qu'il commence à profiter de sa journée avec moi.

La Libraire du chemin de TraverseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant