Chapitre 14 Au gynécée

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Chapitre 14

Au gynécée

10 mai 2024

Jour 2

En arrivant dans la salle de sport, Adam me fait remarquer d'un air sévère mon retard et me prévient qu'il le tolère aujourd'hui mais que je n'ai pas intérêt à recommencer. Puis, adoucissant son ton, il m'invite à prendre un tapis et à rejoindre le groupe. Inquiète de le voir donner ses instructions une cravache à la main, je fais ce qu'il demande sans broncher.

Étonnamment, Adam nous fait passer un moment plutôt sympathique. Il plaisante, se laisse taquiner, et provoque même des rires chez mes codétenues. Simple spectatrice, je ne prends pas part à leurs échanges. Je me contente d'effectuer les mouvements qu'il nous montre. Sa cravache lui sert à nous indiquer quelle partie du corps cambrer ou au contraire maintenir bien droite. Il ne cherche pas à nous faire du mal. Paradoxalement, compte tenu du contexte, je me détends.

À la fin de la séance, alors que nous rangeons les tapis, les filles m'expliquent que tous les jours, sauf cas exceptionnel, sont planifiés de la même manière. Sport, cuisine et ménage avant de se rendre au gynécée.

- Le gynécée ?

- Oui, me répond Clémence. C'est une sorte de harem. Je ne sais pas pourquoi ils l'ont appelé comme ça. C'est une pièce seulement pour les femmes où nous devons nous laver, nous épiler, nous coiffer, nous maquiller...

- On doit se faire belle avant l'apéro et le repas du soir, la coupe Mélanie.

Une main sur la hanche, rejetant de l'autre ses cheveux en arrière, elle mime une pose de mannequin, la bouche en cul de poule.

- Et sexy pour la nuit, renchérit Clémence en imitant Mélanie.

Elles partent en fou-rire, provoquant les sourires de Stacey, Lydia et Adam. Pantoise, je les lorgne, le regard chargé d'incompréhension. Ce qui me surprend dans leur manière de me révéler leur quotidien, c'est qu'elles ne semblent pas malheureuses d'être ici. Est-ce une façade, pour mieux préparer un plan d'évasion en toute discrétion ? Ou bien le fameux syndrome de Stockholm ?

D'après Bastien, elles vivent, ou plutôt survivent, dans cette prison depuis trois mois. Je suppose que c'est bien assez long pour s'attacher à leurs ravisseurs. J'ai du mal à imaginer qu'on puisse apprécier ou ne serait-ce que supporter quelqu'un qui nous prive de liberté et nous torture dans le but de nous dominer.

- Tu viens ? Lucas doit nous attendre en cuisine, me dit Clémence en se dirigeant vers la porte d'un air guilleret.

Je suis mes concubines, perdue dans mes réflexions. Ce qui est certain, c'est que je ne me laisserai pas manipuler par cette bande d'affreuses créatures testiculées. Peut-être que je ferai semblant d'être soumise mais ce sera uniquement pour mieux les détruire. Je dois analyser tout ce qui m'entoure. Les habitudes de chacun, les armes potentielles, et surtout le fonctionnement de cette foutue porte en fer. Rien ne doit m'échapper. Et quand j'aurai un plan solide, qu'ils me feront stupidement confiance, je frapperai.

Dans la cuisine, Lucas donne à chacune de nous une tâche à effectuer. Je suis servilement ses directives en rinçant et essorant la salade. Le tintement des verres, le grésillement de la viande qui cuit dans la poêle, les claquements de portes des tiroirs et placards viennent rapidement s'ajouter aux bavardages insipides des filles. Des senteurs agréables me chatouillent les narines et m'ouvrent l'appétit.

Je remarque que seul Lucas dispose d'un couteau pour trancher les aliments. C'est déjà en soi une information intéressante. Où le cache-t-il quand il ne cuisine pas ? Et si je m'alliais aux filles pour lui prendre de force et faire un carnage ? Armées de casseroles d'eau bouillante, d'huile brûlante et de lames tranchantes, un massacre sanglant est envisageable. Je ne peux empêcher un sourire cruel de s'afficher sur mon visage à cette idée.

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