Chapitre 2

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8 h 00, Alain ouvrit les yeux et découvrit soudain que son bras droit ne lui répondait plus. Il regarda ce qui le gênait : c'était une jeune femme aux cheveux longs et châtains, s'étalant sur son avant-bras, toute blottie contre lui, le visage paisible et la respiration douce et chaudecontre son torse. Cette jeune femme c'était Martine. 

Quelques couvertures et un pull-over à même le sol, auraient pu signifier autre chose mais Alain avait bonne mémoire et une nuit avec Martine, il s'en serait souvenu. 

Elle se réveilla presque comme une princesse heureuse d'être mariée depuis peu à son prince mais Alain portait chemise et pantalon et elle-même était habillée. Un instant, elle regretta mais elle se força à accepter et à croire cette solution comme étant la meilleure. 

Lorsqu'ils se retrouvèrent tous les deux face à face, sirotant un café fumant, Martine commença :

_  Pourquoi es-tu resté devant la fac, dans le froid, hier ?— Je voulais te voir. Je devais te voir !— Pourquoi ?— Parce que je n'aurai jamais vu la lettre que tu as reçue.— Qui te dis que je vais te la montrer ?— J'ai failli mourir gelé, hier, pour la voir. Tu me dois bien ça, jecrois.— Je ne te dois rien du tout. Si ce n'est le fait d'avoir compliquéma vie...— Ah, bon et en quoi est-ce que j'ai compliqué ta vie ?— Ce casting ? ! Est-ce que c'est moi qui voulais le faire ? Est-ce que c'est moi qui t'ai demandé : 

« Oh, s'il te plaît Alain, je veux être actrice, aide-moi, aide-moi, je t'en prie ! » ? Non, ce n'est pas moi ! Moi, je ne t'ai rien demandé, Alain. Voilà ce qui te dérange. C'est que moi, j'n'ai pas besoin de ta pitié, j'n'ai pas besoin que SuperAlain vienne me sauver des abominables personnes qui nous entourent. Moi, je me débrouille très bien toute seule ! 

Martine était à présent, debout, ponctuant la dernière phrase d'un coup de poing sur le rebord de la table, elle avait renversé le café. Le liquide noir se répandit d'abord sur la table, puis se mit à couler sur le sol en un fin filet qui claquait parfois à la rencontre des chaussures de Martine. Alain n'avait pas bougé, il regardait calmement son bol et murmura :

_  Tu as peur ? Tu as peur du refus ?— Non, voyons qu'est-ce que tu me chantes là ?— Alors pourquoi faire toute une histoire pour une lettre ? Si c'est non, tu continues tes études et cet été tu organiseras comme tu veux tes vacances. Si c'est oui, tu continues tes études et cet été tu pars à Paris finir le concours. Voilà, tout simplement ! 


Martine ne lâcha pas prise, reconnaître ses torts ne faisait pas parti de ses qualités et Alain aimait ça. Il sentait la victoire en lui mais le fait de la contenir, la rendait plus grande. Quand soudain, elle se leva, partit avec ses clés de voiture. 

Quelques minutes plus tard, Alain, toujours assis, contemplait l'objet de sa victoire, qu'elle lui avait violemment lancé au visage. Il l'ouvrit. Martine s'assit, se sentant plus capable d'accepter un refus sur une chaise. Il lut :

_ Mlle Bardier, j'ai l'immense plaisir de vous annoncer que votre candidature a été retenue pour le casting final, qui aura lieu cette année, à Paris, le 10 juillet. 


Martine ne comprenait pas bien le sens des mots, mais le sourire du lecteur portait à croire que la nouvelle était bonne.

_ Tu vois, j't'l'avais bien dit que tu réussirais. Tu étais très bonne au théâtre, au lycée.— Oui... Au fait, comment savais-tu que j'étais aussi bonne au théâtre ? Alors que j'en ai fait qu'un an pendant lequel on n'a pas fait de représentation et que surtout tu n'étais pas dans la troupe. 


Surpris par la vérité du propos, Alain chercha une explication plausible :

_ Luc m'a toujours vanté tes talents. Je crois qu'il avait un petit béguin pour toi. 

Un vol pour la gloireOù les histoires vivent. Découvrez maintenant