3-le palais

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Le palais des elfes était encore plus grandiose que ce que j'avais imaginé. Taillé dans un arbre millénaire, son tronc imposant s'élevait jusqu'aux cieux, ses branches massives formant des salles, des passerelles, et des galeries couvertes de feuilles dorées. L'air était empli d'un parfum boisé et d'une magie palpable. Malgré la beauté du lieu, une certaine gravité pesait sur l'atmosphère, comme si chaque fibre de cet endroit recelait des secrets et des tensions invisibles.

C'était mon premier jour comme garde. Durant tout un moi, je m'étais fondu dans la société elfique avec une facilité presque effrayante, jouant parfaitement mon rôle d'étranger venu d'une région éloignée. J'avais appris leur langue, leurs coutumes, leurs manières. Et aujourd'hui, me tenir là, dans ce palais, en face du roi des elfes, était à la fois une victoire et un défi.

Kerna se tenait devant moi, une figure d'autorité qui imposait le respect par sa seule présence. Il était jeune pour un roi, probablement à peine plus âgé que moi, mais il dégageait une aura qui ne laissait aucune place au doute. Ses cheveux noirs, coupés courts, contrastaient avec ses yeux gris acier, perçants et froids. Chaque mot qu'il prononçait, chaque mouvement qu'il faisait, était empreint de contrôle et de puissance.

« Tu te tiendras principalement dans les galeries nord, » expliqua-t-il d'une voix grave. « Ce poste est essentiel. Tu surveilleras les invités, tu escorteras les messagers et tu veilleras à ce que la sécurité soit irréprochable. Si une infraction survient dans ta section, tu en seras tenu responsable. »

J'hochai la tête, attentif à chaque mot. J'étais bien conscient que mon rôle ici allait bien au-delà de la simple garde : être si près du roi et de son entourage me donnait une opportunité unique d'observer, de comprendre, et de naviguer dans ce monde complexe.

Mais alors que Kerna continuait ses instructions, mon regard fut attiré par un mouvement discret sur ma gauche. Un jeune elfe se tenait à l'écart, presque caché dans l'ombre d'une colonne. Il était maigre, ses vêtements en lambeaux, et son visage portait des marques de coups récents. Ses cheveux noirs encadraient des traits fins, mais c'était surtout ses yeux, ces yeux bleus familiers, qui me coupèrent le souffle.

Rûn.

Je faillis laisser échapper son nom. Mille souvenirs s'entrechoquèrent dans mon esprit en une fraction de seconde. Rûn, mon vieil ami, celui qui avait partagé mes jeux d'enfant, celui avec qui j'avais rêvé d'un monde où Némérys et elfes pourraient vivre en paix. Que lui était-il arrivé pour qu'il se retrouve dans cet état ?

Kerna, remarquant mon regard, se retourna vers Rûn. Un silence tendu s'installa. Rûn sembla se figer, comme un animal pris au piège.

« Approche, » ordonna Kerna d'un ton tranchant.

Rûn hésita. Il jeta un regard furtif autour de lui, comme s'il cherchait une échappatoire, puis baissa la tête et s'approcha lentement. Ses pas étaient légers, presque silencieux, mais son corps tout entier trahissait la peur.

« Ton nom, » dit Kerna en le fixant d'un regard glacial.

« R... Rûn, » murmura-t-il, si bas que j'eus du mal à l'entendre.

« Suffit. »

Rûn tressaillit, comme s'il s'attendait à recevoir un coup, mais Kerna ne bougea pas. Il se contenta de le regarder avec une froideur qui me glaça le sang.

« Pars, » ordonna-t-il finalement.

Rûn ne demanda pas son reste. Il fit demi-tour et s'éloigna précipitamment, disparaissant presque aussitôt dans les couloirs ombragés du palais.

Le silence revint, mais il était lourd de tension. Kerna se tourna vers moi, ses yeux gris plongeant dans les miens.

« Tout ce que tu dois savoir sur cet elfe, c'est qu'il s'appelle Rûn, » dit-il avec une lenteur calculée. « Il t'est interdit de lui parler. Il t'est interdit de le toucher. »

Je ne répondis pas tout de suite, décontenancé par l'intensité de son regard.

« Suis-je clair ? » insista Kerna.

« Oui, Votre Majesté, » répondis-je finalement, baissant légèrement la tête pour cacher l'orage qui grondait en moi.

Kerna tourna les talons, me laissant seul dans l'immense galerie. Mais mon esprit restait fixé sur Rûn. Que lui était-il arrivé ? Pourquoi vivait-il dans une telle peur, couvert de blessures ? Et pourquoi Kerna, si imposant et sûr de lui, semblait-il nourrir une telle animosité envers lui ?

Les souvenirs de mon amitié avec Rûn me hantaient. L'interdiction de Kerna résonnait comme un défi dans mon esprit. Une partie de moi savait que je ne pourrais pas obéir. Pas cette fois.

le voyage de VilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant