5-le couloir

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Les nuits au palais étaient longues et froides. La lumière tamisée des lanternes accrochées aux murs projetait des ombres dansantes, et le silence n'était troublé que par le bruit régulier de nos pas sur le sol lisse. Ce soir-là, je patrouillais avec Samsha, le capitaine des gardes.

Samsha était un elfe imposant, bien plus âgé que moi, avec une carrure qui trahissait des années d'entraînement et de combat. Son regard perçant semblait ne rien laisser échapper, et sa voix, toujours ferme, commandait le respect.

« La discipline est ce qui maintient cet endroit en ordre, » disait-il souvent, comme pour me rappeler que tout écart, aussi insignifiant soit-il, pouvait avoir des conséquences.

Nous avancions dans un couloir glacial, et c'est alors que je l'aperçus.

Rûn.

Il était recroquevillé contre le mur, sa frêle silhouette presque perdue dans l'ombre. Il dormait à même le sol, vêtu des mêmes vêtements déchirés que la dernière fois. Sa respiration était lente, presque imperceptible, et je pouvais voir ses épaules se soulever à intervalles irréguliers.

Samsha s'arrêta en le voyant, croisant les bras avec un soupir agacé.

« Il dort encore ici, ce gamin, » grommela-t-il. « Il n'a pas de chambre, alors il se débrouille comme il peut. »

Ses yeux tombèrent sur des restes de pommes près de Rûn, et son expression se durcit.

« Et il continue de voler. Voilà pourquoi il est si maigre, il préfère chaparder dans les cuisines plutôt que de travailler pour obtenir une ration correcte. Ça ne peut pas durer. Je vais devoir en parler au roi. »

Chaque mot me donna envie de serrer les poings, mais je me retins. Je ne pouvais pas risquer de trahir mes pensées. Samsha n'était pas cruel, mais il appliquait les règles avec une rigueur implacable, sans tenir compte des faiblesses ou des désespoirs des autres.

Il se détourna, son attention déjà ailleurs. « Allons-y, nous avons encore d'autres galeries à vérifier. »

Je jetai un dernier regard à Rûn, son visage détendu dans le sommeil malgré le froid évident qui imprégnait ce couloir.

Dès que Samsha s'éloigna, je me penchai sur lui.

Il ne se réveilla pas, plongé dans un sommeil lourd qui trahissait son épuisement. Je retirai ma cape, large et épaisse, et la déposai sur lui, veillant à recouvrir son corps frêle. Elle masquerait aussi les restes de pommes, si quelqu'un d'autre passait avant qu'il ne se réveille.

« Tiens bon, Rûn, » murmurai-je presque inaudiblement.

Puis, sans perdre de temps, je rejoignis Samsha d'un pas rapide. Il ne sembla pas remarquer mon absence momentanée, continuant de parler des mesures de sécurité à renforcer.

Mais moi, mon esprit restait auprès de Rûn.

Chaque jour, je voyais un peu plus clairement à quel point il était laissé pour compte dans ce palais, une ombre parmi les lumières, une vie ignorée par ceux qui auraient dû le protéger. Et chaque jour, ma détermination à l'aider, discrètement, s'enracinait un peu plus.

le voyage de VilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant