Alors que Rûn baissait la tête, son corps tout entier sembla se détendre, comme si toute l’énergie qu’il avait mobilisée pour parler s’évanouissait d’un coup. Puis, sans prévenir, il s’effondra.
« Rûn ! » appelai-je en me précipitant pour le rattraper avant qu’il ne tombe complètement du lit.
Son corps était étrangement léger dans mes bras, presque fragile. Je le redressai doucement et cherchai des signes de blessures ou de fièvre qui aurait pu s’aggraver. Mais sa température avait baissé grâce à l’élixir, et il ne semblait pas en proie à une crise particulière.
« Rûn, réveille-toi, » murmurai-je, tapotant doucement sa joue. Il grogna faiblement, mais ses yeux restaient clos.
Je fronçai les sourcils, cherchant une explication. Ce n’est que lorsque ma main se posa sur son ventre que je compris. Son estomac était creux, presque douloureusement enfoncé sous mes doigts.
Il était affamé.
Mon esprit revint à toutes les fois où je l’avais vu, maigre, tremblant, volant de la nourriture pour survivre. À quel point avait-il dû se priver pour en arriver là ? Mon cœur se serra.
Je le posai doucement sur le lit, son visage pâle et tendu, puis me levai précipitamment.
« Attends-moi, » murmurai-je, même s’il était inconscient.
Je sortis de ma chambre en silence, traversant les couloirs sombres du palais avec une précaution accrue. La réserve, heureusement, étaient vides à cette heure. J’attrapai rapidement du pain et des fruits que je glissai sous ma cape avant de retourner aussi vite que possible.
De retour dans ma chambre, je déposai la nourriture sur une petite table et revins vers Rûn.
« Rûn, réveille-toi, » insistai-je doucement, lui prenant la main. Cette fois, il émit un faible gémissement et ouvrit légèrement les yeux.
« Vil… ? » murmura-t-il, sa voix à peine audible.
« Oui, c’est moi. Écoute, tu dois manger, » dis-je, ma voix plus pressante.
Il fronça les sourcils, visiblement confus.
« Manger… ? » murmura-t-il comme s’il ne comprenait pas.
Je pris un morceau de pain et le lui tendis. Il le fixa un instant avant de secouer la tête faiblement.
« Non… je ne peux pas… »
« Si, tu peux, et tu dois, » insistai-je, posant délicatement le pain dans ses mains tremblantes. « Tu es trop faible, Rûn. Ton corps te réclame de la nourriture. »
Il hésita encore, mais sous mon regard insistant, il finit par porter le morceau de pain à sa bouche. Il mâcha lentement, comme si ses muscles eux-mêmes avaient oublié comment manger, puis avala avec difficulté.
« Doucement, » dis-je.
Je l’aidai à boire un peu d’eau avant de lui offrir un autre morceau de pain, puis un fruit. À mesure qu’il mangeait, je pouvais voir un peu de couleur revenir sur son visage.
« Pourquoi… ? » demanda-t-il enfin, la voix faible mais teintée de confusion.
« Pourquoi quoi ? »
« Pourquoi tu fais tout ça… ? »
Je le regardai dans les yeux, et une douleur familière me serra la poitrine.
« Parce que tu comptes pour moi, Rûn, » dis-je doucement. « Et je ne laisserai pas Kerna, ou qui que ce soit, te réduire à cet état. Pas tant que je suis ici. »
Il baissa les yeux, des larmes menaçant de couler à nouveau. Mais cette fois, il mangea sans protester.
Quand il finit enfin, je l’aidai à se recoucher. Ses paupières étaient lourdes, mais il murmura faiblement avant de sombrer dans un sommeil plus paisible :
« Merci, Vil… Mon rayon de lune. »
Je restai à ses côtés, veillant sur lui alors que la nuit avançait, le cœur empli d’un mélange de colère, de tristesse et de détermination. Cette fois, je ne me contenterais pas de l’aider à survivre. Je trouverais un moyen de le libérer de cette vie de souffrance. Quoi qu’il m’en coûte.
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le voyage de Vil
AdventureDans le royaume isolé des Némérys, une race mystérieuse à l'apparence elfique mais marquée par le sang des vampires, une tradition immuable régit le passage à l'âge adulte. Chaque jeune Némérys doit survivre une année complète hors des terres protec...