Jovic voulait faire vite. Pas tant pour épater la galerie que pour récolter un maximum de données et se rendre indispensable. Le risque était encore là qu'on le remplace en lui demandant gentiment de regagner son bureau, de retrouver les tâches ennuyeuses des derniers mois.
Stravor et Doizy lui avaient demandé de s'occuper de l'affaire en ne tenant pas compte des particularités du meurtre, de mener son investigation comme il le ferait pour n'importe quelle autre enquête. Plus facile à dire qu'à faire. Il n'arrivait pas à s'ôter de la tête l'image du corps irradié. Irradié et complètement... sec. En deux jours de temps.
Pendant qu'il serait sur le terrain, les deux inspecteurs de la sécurité intérieure avaient prévu de s'approcher de scientifiques afin d'évaluer la plausibilité d'un tel phénomène. Ils feraient ça en douce, sans forcément le mettre au courant de leurs avancées. Leurs supérieurs hiérarchiques étaient prêts à mélanger les torchons et les serviettes jusqu'à un certain point seulement. Tout dépendrait de l'issue de l'affaire, de ses résultats autant que des suites qui lui seraient données. Selon les zones d'ombre restantes ou les implications de personnes, voire de secrets défense, on étoufferait tout ça et chacun regagnerait sa place sans avoir quoi que ce soit à y redire. C'était ainsi, et trop heureux de l'aubaine, Jovic n'avait pas voulu demander ce que la Criminelle venait foutre là-dedans, basse besogne ou pas. Mieux valait ne pas savoir de toute façon, ne pas rajouter du trouble à l'opacité. A quoi bon ?
On lui demandait de procéder selon les règles. Il allait s'en tenir à ça autant que possible. Direction l'hôtel où le corps avait été retrouvé.
Miteux, le mot était faible. C'était à se demander qui pouvait bien accepter de loger ne serait-ce qu'une nuit dans une telle porcherie. Le type à la réception lui manifesta autant d'intérêt que la femme à l'institut médico-légal une heure et demi plus tôt. Le smartphone qu'il tenait de ses deux mains tout en pianotant dessus à une vitesse sidérante accaparait toute son attention.
En s'approchant de la banque d'accueil, Jovic présenta son badge. L'homme en face de lui, ne parut pas s'émouvoir d'avoir affaire à un flic. Il termina son message avant de poser son téléphone avec un soupir résigné.
— C'est pour l'histoire de la 56 ? Vous allez encore être nombreux à venir ?
Jovic l'aurait bien attrapé par le col pour l'impressionner mais avec sa situation actuelle, il préférait ne pas faire de vagues.
— Vous avez son nom dans votre registre ?
— Putain, mais je l'ai donné déjà donné aux autres pas plus tard que ce matin.
— Eh bien vous allez me le redonner. Il vous suffit de deux clics sur votre bel ordinateur.
L'homme souffla d'autant plus que son téléphone émit un son lui signalant l'arrivée d'un message. Il se pencha pour regarder le nom de l'expéditeur, ce qui eut pour effet de le mettre dans de meilleures dispositions pour accéder à la requête de Jovic.
— Ça n'a pas l'air de vous affecter qu'il y ait eu un meurtre dans l'hôtel, fit Jovic pendant que l'autre cherchait une nouvelle fois le nom du mort.
L'homme haussa les épaules.
— C'est pas le premier, et si vous voulez tout savoir, ce sera pas la dernier. Bon voilà, Olivier Barrière. Je suppose que vous voulez aussi que je vous transfère sa pièce d'identité numérique
— Si ce n'est pas trop vous demander. Tenez.
Jovic lui tendit à nouveau son badge. Il reçut aussitôt les données après que l'homme l'eût passé au-dessus d'une antique beetee. Sûr qu'il ne devait plus y avoir beaucoup de ces bornes de transfert de cette génération.
Il a dû y avoir un moment où le mot investissement a été rayé de la carte de la direction de l'hôtel...
— Je vous ai mis aussi les codes de la chambre. J'imagine que vous voulez aussi la voir, non ?
— Trop aimable.
— Pas de quoi, répondit l'homme sans relever le sarcasme de Jovic.
Peut-être ne l'avait-il même pas perçu, trop préoccupé de reprendre son téléphone et de déconnecter du monde qui l'entourait.
De son côté, Jovic appela le Central.
— Daph, tu peux me rendre un petit service ?
— Alex ? Qu'est-ce que tu fous dehors ? Je croyais qu'avec la...
— Je n'ai pas le temps Daph, tu peux me checker un truc à l'Identité ?
— Tout ce que tu veux chéri. J'ai toujours trouvé dégueulasse la manière dont on t'a traité.
Ouais, tellement dégueulasse que tu as oublié où se trouvait mon bureau et que tu m'ignorais chaque fois qu'on se croisait depuis ma mise au placard. Et maintenant que je semble avoir repris du galon, tu minaudes, hein. Salope.
— Je t'envoie la PInum d'un certain Olivier Barrière. Tu peux me dire ce que tu trouves sur lui ?
— Pas de souci baby. Attends, je laisse un truc en suspens et... oui voilà, ok, je l'ai reçu. T'as deux minutes, le temps faire parler la bête ?
— Vas-y, pendant ce temps je monte les escaliers. Le type a été retrouvé mort dans une chambre d'hôtel et bien évidemment l'ascenseur est en panne.
Jovic donnait bien le change. Il n'avait pas son pareil pour combler le vide, même avec les personnes qu'il aurait préféré gifler.
— Je crois qu'on a un petit problème, Alex. Tu dis qu'on l'a retrouvé quand ton macchab ?
— Je ne te l'ai pas dit. C'était il y a deux jours. Pourquoi ?
— Désolé de te décevoir chou mais j'ai bien un Olivier Barrière dans la base, avec le même numéro d'identité que tu m'as donné, seulement il est mort il y a douze ans dans un crash d'avion. La PInum que tu m'as envoyée est fausse Alex, le gars sur la photo n'est pas le même du tout.
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La Brèche
Science FictionIls avaient ouvert la brèche. Ils croyaient l'avoir refermée. Leur passé les rattrape. Quand toutes vos certitudes s'envolent, quand le monde qui vous entoure n'est plus tout à fait le même, restez sur vos gardes. Le pire est à venir.