Prologue: 4 ans plus tôt...

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Je n'ai jamais été malade. Jamais. Pas même un rhume. Alors que fais-je allongée sur un lit d'hôpital, des électrodes collées à ma poitrine et reliées à un électrocardiogramme dont le " bip, bip " lent et régulier m'a réveillé ?

- Bonjour, mademoiselle Stewart, me salue un médecin aux cheveux grisonnants qui vient d'entrer.

Son badge me signale qu'il s'appelle James Cooper. Aucune ressemblance avec Bradley. Dommage...

- Maylie, le corrigé-je automatiquement.

Je déteste les "Mademoiselle Stewart" et le vouvoiement en ce qui me concerne. Ça donne l'impression d'être adulte ou quelqu'un d'important. Or, je ne suis ni l'un ni l'autre. Et je n'ai pas hâte de rentrer dans l'âge adulte. J'aime mon adolescence.

- Maylie, reprend donc le docteur, sais-tu quel jour nous sommes ?

- Mercredi.

- Très bien. Sais-tu pourquoi tu es ici ?

- J'allais vous poser la même question, figurez-vous.

Au même moment, la porte de la chambre s'ouvre à la volée et ma mère me saute au cou.

- Oh ma chérie, j'ai eu tellement peur ! Cava, tu n'es pas blessée ? Que t'est-il arrivé ?

- Jenna, laisse la un peu respirer, tu l'étouffes.

Ma mère desserre son étreinte et je remercie mon père.

- Monsieur et madame Stewart, votre fille a fait un malaise au lycée, révèle le docteur Cooper. Elle a subi une légère commotion en tombant, nous allons donc la garder un moment.

- Un malaise ? répète ma mère.

Le médecin baisse le regard, comme s'il allait regretter ce qu'il s'apprête à dire.

- Un arrêt cardiaque, pour être exact.

Ma mère plaque ses mains sur sa bouche en étouffant un gémissement de choc. Je vois des larmes de panique embuer ses prunelles vertes. Mon père déglutit et j'aperçois la peur déformer son visage malgré sa volonté de rester impassible. Quant à moi, mon monde s'écroule. J'ai l'impression d'avoir pris un coup de massue sur la tête. C'est un cauchemar, ça ne peut pas être possible. Une crise cardiaque. A seulement quatorze ans ?! J'ai envie de pleurer et JE SAIS que je devrais le faire, mais je n'y arrive pas. Je suis encore en proie au choc.

- Comment t'es-tu avant de tomber ? me demande le médecin.

Je ressasse mes souvenirs tant bien que mal, m'efforçant de ne pas hurler.

- J'étais en cours de sport, réponds-je, déglutissant avec difficulté à cause de la boule d'angoisse qui obstrue ma gorge. On faisait du basket et je me suis vite sentie essoufflée, j'ai eu des palpitations dans la poitrine et ça se répercutait dans ma tête, c'était atroce alors je me suis arrêtée, je tenais à peine sur mes jambes. J'étais comme paralysée et j'avais l'impression que l'on me poignardait le cœur sans cesse et puis... plus rien.

Le visage du docteur Cooper prends une expression grave et il fait claquer sa langue contre son palais en secouant la tête. Je n'aime pas cette tête.

- J'ai bien peur que ce ne soit les symptômes d'une bradycardie, finit-il par expliquer.

Il consulte mon électrocardiogramme pendant une minute qui me paraît durer une éternité, tout en regardant sa montre sur son poignet droit.

- Que se passe-t-il, docteur ? s'impatient ma mère.

Il ne répond pas tout de suite, son regard faisant la navette entre les pics de mes pulsations cardiaques et sa montre. Je le regarde, incrédule. Puis il se tourne vers mes parents, comme si je n'étais pas là.

- Le cœur de votre fille bat beaucoup trop lentement. Un cœur en bonne santé bat en moyenne soixante fois par minutes. Celui de Maylie n'en est qu'à trente-trois.

J'ai envie de vomir. Ma mère enfouit son visage dans l'épaule de mon père et s'effondre. Celui-ci lui embrasse la tête avant de m'adresser un sourire que je lui rend, quoiqu'un peu forcé le mien. Papa a toujours le tact de garder espoir dans n'importe quelle circonstance. Il a rencontré ma mère vingt ans plus tôt alors qu'ils étaient dans un camp de vacances, au Texas. A l'époque, Maman habitait Seattle (ce qui est toujours le cas) et Papa est le fils de l'ancien directeur du camp. Maman n'arrivait pas à monter sur Flash, le cheval qu'elle était censée promener, et mon père est arrivé à sa rescousse et c'est là qu'ils ont eu le coup de foudre l'un pour l'autre. Mais ma mère a dû repartir à Seattle et, durant deux ans, ils correspondait par téléphone et par lettres, jusqu'à ce que Papa atteigne sa majorité et parte rejoindre ma mère dans l'état de Washington. Quatre ans plus tard, je suis arrivée. Et leur amour est aussi puissant qu'au premier jour, voire plus. Et durant ces deux longues années de séparation, mon père a toujours garder espoir et rassuré ma mère. Ils sont l'exemple parfait de l'amour éternel. Quelque chose que je ne connaîtrais peut-être jamais...

- Est-ce que je vais bientôt mourir, docteur ?

Je me rend compte que j'ai posé la question à voix haute que lorsque je vois les trois tête présentes dans la pièce se tourner vers moi, à la fois surprise et terrifiées. Un long silence traîne et le docteur Cooper se racle la gorge, comme pour se donner de la contenance et du courage.

- Pas si l'on te fais une greffe, répond-il, finalement. Mais rassurez-vous, tempère-t-il en voyant notre regard horrifié, pour le moment ce n'est qu'une théorie. Nous allons te faire passer des tests et sans doute vous donner un traitement d'anti-coagulant - qui fluidifiera le sang, ce qui permettra au coeur de battre plus facilement - et peut-être un pacemaker pour éviter les arrêts, ainsi nous pourrons éviter la greffe. Nous ne savons pas encore quel genre de bradycardie tu as, nous en saurons plus après les examens.

Le bipeur du médecin se met à sonner.

- J'ai une urgence. Nous allons te garder ici et éclaircir tout cela, dit-il avant de sortir de la chambre.


Ce n'est que lorsque la fins des heures de visites sonnent, que mes parents partent après m'avoir serré dans leurs bras, ma mère s'étant arrêté de pleurer mais sans pour autant effacer son air triste, et que je me retrouve seule dans ma chambre que je m'autorise finalement à verser quelques larmes. Voilà comment mon monde vient de s'écrouler en quelques heures, seulement. Voilà comment ma vie vient de se briser sous mes yeux.

Je suis malade. Mon cour va lâcher prématurément.

Et le plus terrifiant dans l'histoire, c'est que je n'ai pas peur de mourir, si jamais il me faut une greffe et qu'on ne parvient pas à me transplanter un autre coeur à temps. Non, ce qui me fait le plus peur, c'est que je n'aurai probablement jamais le temps d'avoir une carrière professionnelle, ou tout du moins de la finir, ni de mari, ni même d'enfants.

J'ai peur du fait que je ne pourrais jamais profiter pleinement de ma vie. Parce que qui sait combien de temps il me reste à vivre ?

Cette nuit, je n'arrive pas à fermer l'oeil, de crainte de ne plus jamais me réveiller.


Pour Maylie (Arrêtée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant