In slow motion.

épilogue.

« Je n'ai jamais pu me résoudre à écrire directement à Maura. Il m'aura fallu trois-cent quarante jours pour réussir à faire mon deuil (ou en tout cas, à parler d'elle au passé) et je ne voulais pas bafouer tout ça à cause d'un exercice donné par ma psy donc je t'écris à toi, chère Maura, cher bateau.

Sache que ton nom, tu lui dois à la femme que j'ai aimé, celle qui a marqué ma vie. Il y en aura d'autres, tu sais -de femmes, j'entends- mais c'est de celle-ci dont je vais te parler. Elle était vraiment jolie, Maura, vraiment très belle et je pense qu'elle l'a toujours su mais elle n'en a jamais profité. Elle ne jouait avec ça qu'avec moi, quand je refusais de succomber à ses caprices. Parce qu'elle avait mauvais caractère. Elle voulait sauver la terre. Elle mettait en place d'actions, faisait des manifestations et tout ce qui s'en suit pour montrer aux gens que la vie sur terre était menacée et qu'en tuant la planète, ce n'était pas que les humains qu'on mettait en danger mais les animaux, la flore, tout ce qui a pu constituer notre patrimoine et notre histoire. Je l'aimais aussi pour cette raison. Sa détermination. Toi, tu vas passer ta vie à voguer sur l'eau, à obéir à mon enseignement restreint en navigation mais sache qu'elle, elle n'écoutait personne. Pas même elle-même. Elle ne me parlait jamais de ce qu'elle ressentait, ce qu'elle voulait... La seule fois où elle s'est vraiment confiée à moi, c'était un enregistrement qu'elle avait remis à sa sœur et je ne l'ai eu que six mois plus tard. Tu vois un peu le genre ?

Je ne sais même pas pourquoi j'écris une lettre, et pourquoi je l'adresse à un bateau. Sache qu'à la base, je voulais t'appeler Victoria mais Carson m'a traité d'idiot car ce nom était porté par bien trop de bateau. J'ai aussi pensé à Nevermind, le titre de l'album de Nirvana que j'écoute depuis des semaines mais là, c'est Niall qui s'en est pris à moi en disant que je devais te donner un vrai nom. Donc même si tu n'as été construit que par des hommes (et que tu seras toujours un mec dans ma tête) eh bien, tu portes le nom d'une femme. Mais de la plus merveilleuse femme que j'ai rencontrée, avec ma mère et ma sœur.

Et je me sens tellement con de parler du passé maintenant... Tu t'appelles Maura pour lui rendre hommage mais aussi parce que durant un an, tu as été celui qui m'a permis de tourner la page. Il y a eu Niall, Carson, Nicole... et tous ces gens qui font encore partie de ma vie maintenant mais il y a eu toi, surtout. Toi, ce bateau abandonné, que Robin avait récupéré avant qu'il ne soit morcelé et revendu. Toi, ce bateau cabossé, tordu, tout cassé de partout. J'ai dû me voir en toi, je ne vois que ça, et pendant que j'essayais de me reconstruire, c'est toi que j'ai rénové. Et t'es beau, maintenant. Tu tiens debout et regarde, tu es dans ton milieu naturel. Je t'écris cette lettre alors que tu effectues ton premier voyage en mer. Enfin, dans la Manche. Il fait froid, le vent s'est levé mais on est debout, tous les deux. On voit encore nos cicatrices mais on tient debout. On est vivant (bien que ça ne s'applique pas trop à toi puisque tu restes un objet...).

D'ici, je vois mon père qui parle avec Robin et Andrew. Mais je les vois s'éloigner car on regagne le large et eux, ils sont restés à quai. Un peu comme mon passé dont je me libère mais ce n'est que pour quelques heures. Ce soir, on regagne le port et ils seront toujours là. Pour nous accueillir, pour veiller à ce qu'on ne se noie pas.

Carson, elle est là par contre, à faire son regard bizarre qui veut dire « je ne sais pas ce que Harry fabrique encore mais il a intérêt à ne pas faire de bêtise » et Niall se contente de rester collé à elle, à la rassurer sur mon compte. Ca fait bizarre de les voir ensemble. Surtout parce qu'ils sont mes meilleurs amis et que je me demande de qui est-ce que je vais être le témoin, lorsqu'ils se marieront. Parce qu'ils vont se marier. Les gens amoureux, ils finissent toujours par se marier.

Avec Maura, on aurait sûrement fini par se marier. Enfin, je ne sais plus. Mais elle n'est plus ici, ni nulle part peut-être. Je ne sais pas. Et il y a cette fille qui m'a abordé, quand j'étais en train de postuler dans un magasin de musique, l'autre jour. Ca m'a fait tout drôle. Et je m'en suis même pas voulu de lui avoir souri en retour. Je ne lui ai pas donné mon numéro et on ne se reverra sans doute plus jamais mais ça m'a appris une chose : Je suis prêt. Seulement, je ne sais toujours pas à quoi... »

Et les mouvements des vagues emportèrent la lettre que j'étais en train de rédiger, avant même que je ne puisse dire adieu à une partie de ma vie. Sans doute, la pire, à moins qu'il ne s'agisse de la meilleure.

1er jour d'une nouvelle vie qui en compta encore plusieurs milliers d'autres...