vingt-et-un.

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Je ne souvenais plus à partir de quel moment j'étais tombé amoureux de Maura. Dès le premier regard, sans doute, mais elle, ça avait pris plus de temps. Beaucoup plus de temps. Le temps pour moi d'apprendre à l'aimer suffisamment pour lui révéler mes secrets.

Il y avait d'abord eu cette nuit d'avril où je lui avais parlé de mon père et de la séparation de mes parents qui m'étaient encore douloureuse aujourd'hui. Plus tard, au cours de la même soirée, je m'étais laissé aller dans la confidence en lui parlant de Gemma et de toutes ces choses qu'on ne partageait plus maintenant ainsi que de mon amitié avec Niall qui était chaque jour plus forte. Elle, ça l'avait touché car elle le connaissait et elle avait bien vu qu'on passait le plus clair de notre temps ensemble, quand je n'étais pas à la fac ou avec elle. Mais je crois que le jour où Maura est tombée en amour pour moi, c'est le jour où je lui ai murmuré « Besoin de prendre l'air » alors qu'elle bossait avec son groupe d'amis sur une campagne pour la sauvegarde des animaux sauvages.

D'ordinaire, toutes les filles au monde auraient demandé si quelque chose clochait, si j'allais bien, mais pas Maura. Maura, elle s'était contentée de hocher la tête en silence et de faire un signe de main à tout le monde pour leur dire au revoir. Ensuite, elle s'était rapprochée de moi et avait laissé sa main droite glisser sur ma joue. Je voyais au regard qu'elle me lançait qu'elle avait compris que je n'étais pas au mieux de ma forme et pourtant, elle n'avait rien dit. Ni à cet instant, alors que ses lèvres retrouvaient ma joue, ni plus tard lorsque je lui fis parcourir la moitié de la ville ou quand encore, j'ouvris les portes d'un hangar semblant à l'abandon.

- Ca, c'est mon chez-moi, j'avais murmuré en allumant l'éclairage de la bâtisse.

Maura était estomaquée. Devant elle venait d'apparaître la carcasse d'un bateau, un voilier immense dont la coque était en mauvais état mais sans doute moins que les cordages ou encore le pont. Tout était en ruines et pourtant, en le voyant, je ne pouvais voir que les travaux que j'avais déjà effectué et l'avenir que je lui réservais. Un jour, il serait à nouveau en mer, je me l'étais promis. Sa place n'était pas auprès de moi, dans un garage à l'abandon à la périphérie de la ville.

Doucement, Maura s'était avancée vers le bateau et elle avait fini par toucher les surfaces rugueuses pas encore remises à neuf. Il y avait beaucoup de boulot à faire mais le bateau restait impressionnant, surtout pour Maura qui ne s'était jamais douté de son existence. Elle se moquait souvent de mon tatouage sur mon épaule, celui qui représentait ce navire que je réparais, disant sans cesse que je n'étais pas un marin et aujourd'hui, elle devait se douter que j'en étais un. En quelque sorte, du moins.

- C'est à toi ? Elle m'avait demandé, à demi-mot alors qu'elle continuait de faire le tour du bateau.

J'avais hoché la tête et l'avais rejoint. Je n'osais pas la toucher et elle, elle n'osait pas poser son regard sur moi. Elle regardait avec intensité mon navire jusqu'à ce que ses sourcils et que son visage reprenne cet air grave qui lui était propre. Elle s'était tournée vers moi et m'avait avoué :

- Je ne comprends pas.

- Robin me l'a acheté il y a quelques temps déjà. Il était bon pour la casse et il a décidé de le racheter pour me le donner. C'est pas...

- Non, pas ça, Harry, avait-elle soufflé en me regardant intensément. Pourquoi est-ce que tu me le montres ?

- Je...

Sauf que je n'en avais pas la moindre idée. Un jour, j'avais décrété que je voulais qu'elle fasse vraiment partie de ma vie et pour cela, je devais lui montrer une chose qui me tenait à cœur. Ce bateau. Cette épave que je devais remettre à neuf était comme un morceau de mon âme que je pouvais choisir de montrer ou non. Et ce jour-là, j'avais décidé de le donner à Maura.

In slow motion.Where stories live. Discover now