Chapitre 20

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Cela faisait des mois que l'on se tournait autour. On était comme de nouveaux amoureux. Ce n'est pas que la passion s'était vraiment arrêtée mais c'était plutôt comme l'augmentation de notre flamme. On sentait qu'il manquait quelque chose entre nous. On sentait qu'il fallait quelque chose en plus.

On ne savait pas quoi ni pourquoi mais on le devinait.

J'avais l'impression de redécouvrir Julien. J'avais des fleurs pratiquement tous les jours. Je sortais un soir sur deux au restaurant. Il ne s'enfermait désormais plus pour jouer de la guitare durant des heures. Non, non. On était différent. On supportait et on aimait presque rencontrer Mme. Maryelle qui descendait ses poubelles. On était heureux avec des projets plein la tête. Lui comme moi était sur son petit nuage.

La période des fêtes arriva. Noël, le nouvel an. Cette fois une once de regret intervient dans nos cœurs. Alice aurait deux ans. Cela aurait été son deuxième Noël. Ni Juju ni moi ne le disais mais nous le pensions profondément tous les deux. Le soir, j'essayais de m'imaginer son visage...celui qu'elle aurait pu et qu'elle aurait dû avoir en ce moment. Je m'imaginais au fond de mes draps et un visage rondelet au teint un peu caramel. J'imaginais son teint café au lait très très au lait de ma petite quarteronne. J'inventais ses petites mains potelettes ainsi que ses cheveux bruns dans lesquels se formeraient des boucles de toutes tailles. C'est fou combien j'aurais voulu dépenser une fortune pour lui offrir des dizaines de jouets, de peluches et de livres qu'elle découvrirait après avoir déchirer de ses mains d'enfants les papiers cadeau et les emballages.

Je dois admettre que l'on passa cette période non sans mal. Plusieurs de nos connaissances qu'elles soient professionnelles ou amicales ont eu des heureux événements durant cette périodes. Nous leurs sourions, leurs disions des « félicitations » qui n'avaient selon nous aucun sens. On cachait notre peine du moins moi. Julien, lui, l'esquivait. Il ne voulait jamais entendre parler de bébé, de couches de layettes et tout le reste. Cela pouvait le rendre furieux. Je sentais dans ces yeux une flamme de haine qui lui crevait les rétines. Je me souviens de quand il avait quitté le canapé rien que pour une pauvre petite publicité de couche Pampers.

On s'aimait certes mais l'atmosphère devenait de plus en plus étouffante au fil des mois. Je me sentais comme contrôlé sur tout ce que je pouvais dire ou penser et je ne le devrais pas. Pourquoi ? Parce que j'étais dans une situation confortable et je devais me sentir bien. Le procès de Trensovski...non de... oh je ne me souviens plus de son nom enfin nos problèmes étaient réglés. Je venais de décrocher un contrat de rêve pour une pièce génialissime –je ne sais plus depuis combien de temps je n'avais pas éprouvé un tel plaisir de monter sur scène- avec une troupe extraordinaire. Je ne devais pas me sentir contrôlé. Mais j'avais peur. Peur que Ju s'éloigne de manière définitive ou du moins comme après la naissance –puis le décès- d'Alice. J'avais peur qu'il arrête définitivement de m'aimer pour la simple et bonne raison que j'avais mise tellement de temps avant de l'avoir aussi proche de moi.

Le fait d'avoir un futur enfant était comme un mythe, une légende, une chose qui ne se produira jamais. J'avais honte de moi, honte de mon corps. Je me disais que c'était de ma faute encore et toujours et je pensais que Ju ressentais la même-chose vis-à-vis de ma personne. Il devait avoir perdu toute confiance en moi, me sous-estimer, se dire et ruminait que tout été de ma faute malgré tout l'amour qu'il me portait et qu'il m'exprimait.

Au fond, plus je réfléchissais, plus je me disais que j'en voulais un. Oui, je voulais un bébé de lui mais j'avais peur de sa réaction et que tous les événements tournent au cauchemar. J'avais un manque de confiance en moi.

Je voulais un bébé pour tout oublié, me dire que Ju et moi étions ressortis beaucoup plus fort de cette bataille, j'en voulais un mais je n'arrivais pas à concrétiser mon souhait. J'attendais donc en silence que bébé s'invite. Peut-être qu'au fond de lui, il en voulait un aussi mais ne me le disait tout simplement pas.

Un soir, alors que je lisais paisiblement dans mon lit avant de m'endormir, Ju se glissa dans les draps. Il me fit dos, s'allongea et éteint la lumière sur sa table de chevet. Il ne dit pas un mot. Le silence envahissait la pièce. Je me risquai donc à lui demander :

-Ju ?

-Humm, me marmonna-t-il à moitié endormi et le visage dans l'oreiller

-Tu sais que...tu sais que...

-Je sais que quoi ? dit-il avec un ton d'agacement en s'asseyant sur le matelas

- Non rien... ne laisse tomber, dis-je en fermant mon livre.

Je posai le roman le meuble situé de mon côté et faisant dos à mon tour à Ju. Je ne savais pas comment le lui expliquer. Comme lui dire. J'avais peur de sa réaction, peur qu'il se fâche, peur qu'il s'en aille une seconde fois. Je ne voulais plus me retrouver seule. Je me taisais. Une fois de plus.

Je sentis alors une main se poser sur mon épaule et descendre le long de mon flan pour se loger au creux de mes reins. Puis, le visage auquel était plus ou moins directement lié cette main, s'enfoncer dans ma nuque pour m'embrasser. L'excitation commençait à monter. C'était maintenant ou jamais. Un couple c'est bien deux personnes non ? Eh bien, s'il voulait passer à l'acte ce soir, je me devais de l'informer que sa petite graine pourrait à tout hasard donner une suite.

-Ju...

-Shuuuut, susura-t-il

-J'ai arrêté la pilule...

Il s'arrêta net. Je me retournai pour le regarder droit dans les yeux. Il avait la bouche à semi-ouverte. Merde, pensais-je ! Je viens de faire une connerie.

-Ju...Ju ?

-Donc...tu es...prête ?

-Prête pour quoi ?

-Donc tu en veux un ? Tu veux vraiment qu'on passe au niveau supérieur ?

-Niveau supérieur ? Dis-je avec un rire nerveux, donc tu es sérieux. Toi aussi tu veux bien qu'on réessaye et que l'on...

J'allais dire oublier Alice, mais mon cœur se fendit. Comment pourrais-je oublier ma fille ? Ce bébé qui vécut six voir sept mois dans mes entrailles. La chaire de ma chair. Ma Alice, que j'ai tant aimé et que je continu d'adorer. Non, je ne pourrais l'oublier. Même si je devenais amnésique, je pourrais tout oublier y compris Juju et mes parents mais pas ma fille. Ça m'était impossible. Elle est avait marqué mon corps puis mon esprit. Ces marques m'étaient indélébiles.

-Tu veux que l'on mette le passé entre parenthèse, continuais-je, et que l'on essaye d'avoir un autre bébé.

Je venais de prononcer le mot qui nous était jusqu'à présent encore tabou. En disant ces deux petites syllabes, je venais d'entrebâiller une porte qui une fois ouverte nous emmènerait vers le futur. Oui, vers le futur. Un futur meilleur.

-Mais bien sûr ! me répondit-il avec un rire aussi nerveux que le mien.

Il me saisit le visage dans ses mains masculines et me donna un baiser passionné. Il fit peser tout son poids contre ma poitrine pour m'envoyer en arrière. Inutile de vous expliquer le déroulement de notre nuit.

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⏰ Dernière mise à jour : Sep 01, 2015 ⏰

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