Chapitre 13

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Je me réveillai au moment où l’on m’apporta enfin à manger. Malgré les perfusions de glucose, je n’avais rien engloutis depuis plusieurs jours. L’infirmière déposa le plateau métallique garni d’une brioche, d’un yaourt ainsi que d’une barre aux céréales et d’un café en face de moi avant de repartir. Je commençais à manger quand Julien entra dans la pièce. Il m’embrassa sur le front totalement désintéressé, quitta sa veste et alla regarder pas la fenêtre. Depuis son entrée il n’avait dit aucun mot. Mon pauvre, si je devais réagir comme toi à chaque fois que tu me chantais que tu partais à un concert avec Anaïs,… et bien dit donc, laisse-moi te dire que tu m’aurais faite internée. Je repoussai le plateau : « Bonjour aussi Julien, bien dormi ? Oui, moi aussi. Alors ta soirée ? Bien génial ». Il ne m’adressa aucun regard, j’avais envie de prendre le pot de fleur qui était sur ma table de chevet et le lui balancer à la tête.

            Au bout de plusieurs minutes de silence pesantes, je lâchai : « Tu sais, si c’est pour faire la gueule, ne pas m’adresser la paroles et venir te faire à l’hosto, tu n’as cas resté à la maison et tu viendras me chercher quand je sortirais. » Ju fit volte-face, pris son manteau sur la chaise et saisit la poigné avant de me dire : « Ne t’ennuie pas surtout » d’un air sarcastique. Je lui lâchai le plus naturellement possible et sans ambiguïté : « T’inquiète, Farés va venir » et je pris le yaourt que je venais de commencer à consommer sur le plateau.

            Julien qui était en train de sortir fit quelques pas en arrière pour refermer la porte et de rester dans la pièce. «Tu ne rentres pas ? Julien, qu’est-ce qui t’arrives depuis hier ? Tu étais adorable et puis maintenant tu fais la gueule. » Il se retourna, les yeux pleins de larmes qui refusaient de tomber. Il s’approcha de moi et s’assit sur le rebord du lit : « Hélo, je t’aime tu sais –ah bon ? Depuis hier on ne dirait pas, tout est question de relativité. » Il esquissa son sourire charmeur puis me pris la main et lui caressa le dos. Il était bizarre, il avait l’air nostalgique. « Ju, qu’est ce qu’il y a ? Dit moi, allez. » Julien secouait la tête pour dire nous et rougissait au fil des secondes. Je ne comprenais rien, qu’est-ce qui se passait ? « Allez Julien, dit le moi. » Julien me regarda dans le blanc des yeux avant de commencer à parler la voix pleine d’émotion : « Hélo, est-ce que…durant ces trois jours, il tu l’a senti te toucher ? –Comment ça ? Si c’est au niveau des coups, oui, c’était bien lui mais pour le reste, enfin si je comprends bien où tu veux en venir je t’avoue que je ne sais rien  -Tu n’as rien senti ? Rien ? –Rien je te le jure mon Ju, il me droguait au LHB, je dormais toute la journée, je…je ne ressentais rien, n’entendais rien, n’éprouvais rien… » Julien se leva du lit pour aller frapper ses poings contre l’un des murs de la chambre. Là, il était enragé.

Ju possédais une très bonne maîtrise de ses émotions. Il était rarement en colère, il ne s’emportait pas facilement surtout quand il s’agissait de moi, il était patient, doux, gentil. Pour le rendre dans une colère telle que celle-ci, il devait se passer quelque chose de vraiment grave. Je n’osais pas réagir, et je ne savais pas quoi faire : Julien n’avais jamais était comme ça. Il ruminait dans ses barbes des jurons, il continuait de cogner ses poings contre les parois en béton recouvertes de peinture bleu de la chambre. Au bout d’un moment, sa colère se transforma en sanglots, puis, je sentis ses genoux se plier sous son poids. Il fallait que je fasse quelque chose, je ne supportais pas de le voir dans un tel état.

            Je repoussai les couvertures de couleur jaune de mon lit, fit sortir mes pieds de celui-ci en m’asseyant sur le rebord. J’avais horriblement mal au dos. J’essayai de me lever péniblement, retira mon pouce de l’appareil chargé de prendre mon oxygénation et me traîna tant bien que mal vers Julien avec ma perfusion dans le bras droit. C’était la première fois depuis que j’avais était internée que je marchais sur la terre ferme, je n’arrivai pas à bien faire avancer un pied devant l’autre, j’avais perdu l’habitude. Mon bassin et la majorité de mon corps, compresser dans une boite dans laquelle on ne possède même pas l’idée d’y enfermé un animal, avaient oublié la marche.

Je lui touchai furtivement le dos avant d’étaler ma paume sur celui-ci. « Qu’est-ce qu’il y a Ju ? Qu’est-ce qu’il y a ? Je n’aime pas te voir comme ça, tu me fais mal. » J’étendis mes bras pour lui faire un câlin, il sanglotait comme un bébé dans mon cou : je n’oublierai jamais ce moment-là, jamais. Il murmurait dans mon oreille : « Je tuerai ce fumier, je le vengerai, je te le jure ma princesse, je te le jure. Je tuerai cette ordure. » Je ne comprenais pas pourquoi il disait cela, je ne faisais que le consoler, je ne voulais pas le voir une seconde de plus dans un état comme le sien en ce moment. Mon Juju, c’était celui qui souriait tout le temps, celui qui me disait qu’il fallait avancer quoi qu’il arrive, qu’il faut rire et non pleurer. Mon Juju c’était ma joie de vivre et non cet homme larmoyant qui était blotti dans mes bras tel un enfant des ceux de sa mère.

Lorsqu’il se calma un peu et qu’il retrouva ses esprits, il m’aida à aller dans mon lit. Je fis le chemin inverse avec un peu moins de mal que la première fois mais quand même. Je remis l’embout que Julien me tendait pour y glisser mon pouce et laisser la machine continuer son travail de surveillance de mon oxygénation. Julien recouvrit mes jambes avec la couverture, tassa mon oreiller, -comme une maman- et s’assit encore plus près de moi sur le lit. Il passa sa main par-dessus mes épaules et m’embrassa le front en signe de protection. « Hélo –Oui ?- J’ai eu les résultats hier soir par téléphone, saches que…je…je ne t’en veux pas, si je suis comme ça ce matin c’est que…-C’est que quoi Julien, parle, dit le moi, je suis tout de même la première à en être concerné non ? –Je sais… tu… -Tu quoi Julien ? Parle, dit le moi, même si cela fait mal. –Il t’a violé. » Julien prononça cette dernière phrase avec un rictus haineux comme je n’en ai jamais vu sur son visage d’ange. Il se mordait l’intérieur des joues nerveusement.

Moi, ces derniers mots ne possédaient aucun sens. Certes j’avais été violé, certes cela est grave, horrible, affreux, mais je ne concevais pas qu’une telle chose puisse m’arriver. Je ne comprenais pas, je n’avais pas vécu l’acte, je n’avais rien senti –comme quoi cette ordure devait en avoir une petite- je ne croyais pas mon intimité physique avait était tout bonnement –sans jeu de mot- enfreinte, violée. Je n’y croyais pas. Ces mots tournaient en rond mais je ne leur assimilais aucun sens. Non, je n’y croyais pas.

Je regardai Julien nerveusement et lui pris la main : « Ju, je n’y crois pas, je n’ai ri…-Je sais, je sais, je ne t’en veux pas, ce n’est pas  de ta faute, je sais que tu n’y étais pas consentante, je le sais. Mais je…je…je ne comprends pas ! C’est injuste, c’est immonde, inhumain, je… -Julien, calme toi, de toute manière je n’y crois pas, c’est pas possible, je ne l’ai jamais et…-Mais si tu l’as était, à deux reprises même si tu veux le savoir, il y a des traces, si tu veux je te montre les papiers. Ce fumier il l’a fait. C’est normal que tu n’aies rien sentit, tu étais drogué jusqu’à la mort. Tu m’étonnes qu’après il pouvait te… »    

Julien n’était plus que haine et fureur. Il ne se contrôlait plus, il avait les yeux rouges  qui si ils avaient été des fusils, auraient déjà tué tout le monde. Il me faisait, j’avoue, presque peur. Jamais je ne l’avais vu dans un tel état. Il aurait été capable d’étrangler Trensovski si il avait été là – et j’avoue une fois de plus, que je n’aurais rien fait pour l’en empêcher, je lui aurais même tendu un couteau.

« Hélo, je te vengerais, je te le jure, je le ferais payer pour tout ce qu’il a fait, je te le jure. »

Je le regardais avec des gros yeux, je comprenais en quelques sortes son état, mais le fait qu’il soit dans une fureur pareille ne me prédisait rien de bon. « Ju, commençais-je en lui tenant la main, ce n’est pas la peine, calme toi tu n’as jamais était comme ça. Calme-toi je t’en supplie. »

Il se mit à son tour à me regarder avec des gros yeux, je voulais pleurer pour me vider, pour reprendre mes idées car je ne comprenais pas bien. Cela attendrit mon copain qui se mit tout de suite à me frictionner le dos et à m’embrasser.

Non, non, le cauchemar n’était pas fini, il ne l’était, il ne pouvait pas. Ma vie était un cauchemar parsemé quelques fois de rêves doux. Ce qui m’arrivait n’était qu’une infime aventure dans un monde peuplé de monstres et de mauvais rêves.

Intrusøs (Tome 2)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant