La mort venait me chercher peu à peu. Mes sens ma raison m’abandonnait. Je sentais des bras m’agripper avec force pour me jeter dans une caisse en bois : l’armoire. J’étais toujours dans le bureau de Trensovski, et celui-ci devait m’avoir découverte. Il ne ma toucha –étrangement- pas : je ne reçus aucun coups, aucune insulte, aucun geste violant mon intimité. Les portes de meubles se refermèrent alors en un claquement sec, puis, je sentis une clé se glisser puis verrouiller la serrure.
J’étais prisonnière, la mort venait inconditionnellement me chercher. C’était bel et bien la faim. Je sombrais alors dans un sommeil qui n’était pas un sommeil de fatigue mais plutôt d’épuisement, de fin, de mort. Je voulais changer de position pour me mettre plus à mon aise, mais je n’y arrivai pas : mon corps refusait de m’obéir, l’usage de mes bras et de mes jambes m’était désormais impossible. Il ne me restait que mon esprit pour penser à la venue de ma mort.
J’allais enfin rencontrer celle qui m’avait hotté mon plus beau trésor : mon bébé. J’allais enfin voir, comprendre, sentir ce que cela fait. J’allais enfin rejoindre ma fille, j’allais enfin être –je crois, le méritais-je- heureuse. J’allais enfin être tranquille et ne plus souffrir à cause de cette salope de vie. Oui, cette vie que je maudis, qui ne vaut rien, qui n’apporte qu’aux êtres qui en sont peuplés que souffrances, malheurs, tristesse. Oh non ! Non ! Ne commencez pas avec vos discours de grands optimistes, de grands penseurs, philosophes voir adorateurs de Dieu. Moi, je n’y crois plus. Vous n’avez rien vécu de ce que j’ai subis. Vous ne savez pas ce que c’est que de porter son enfant jusqu’à son dernier soupire en espérant jusqu’à la fin qu’il puisse s’en sortir. Vous ne savez pas ce que c’est que de porter le corps d’un bébé qui a grandi en vous, qui est la chaire de votre chaire. Vous n’en savez rien. La vie, cette ordure m’a retiré tout le goût de la maternité, elle m’a montré son vrai visage : la vie est la mort.
Oui, la vie est la mort. Pourquoi vivons-nous ? Pour mourir ? Pourquoi sommes-nous nés ? Pourquoi c’est nous, nous en particulier qui sommes nés, qui portons un nom, qui possédons un visage… ? Pourquoi ? Pour rien. Oui, tout ce que nous faisons ne nous rapporte rien : nous mourons tous un jour. Nous y sommes condamnés. A quoi vous sert tous vos gadgets, votre argent, le fait que vous possédiez des dizaines de maisons aux quatre coins du monde ou que vous ne possédiez rien ? Ah quoi cela vous sert-il puisque vous irez de toute manière dans un cercueil ? La mort ne fait pas de distinction en fonction de l’âge, du poids, de la taille, de la couleur de peau, de la richesse, de l’intelligence, du nombre de voitures, du nombre d’enfants, de toutes les bonnes actions que vous avez accomplies de votre vivant. Non ! Non, la vie, cette putain s’en fout. Elle mange, ronge tout, n’en n’a que faire de ce que vous aimez ou pas, de ce que vous voulez ou pas. Elle bouffe la vie, elle tue, elle saccage, elle ne vaut rien. Ah quoi cela me sert-il de m’accrocher jusqu’au dernier espoir de vivre, de retrouver les bras de Juju étant donné qu’une saloperie, plus forte que moi, qui ne possède aucune pitié en a décidé ainsi. Suivons donc ça volonté.
La vie est la mort. La vie n’existerait pas sans mort et la mort n’existerait pas sans vie. Oui, oui, la vie change soudainement de visage et ravage, détruit, met à néant tout ce que vous avez construit, tout ce que vous aimez. Cette vie est la mort. Bizarrement, je préfère la mort à la vie.
Je m’arretai alors de réfléchir, de maudire une force contre laquelle je ne pouvais strictement rien, pour m’endormir. Je laissais l’assoupissement me vaincre et me conduire à la voie qui mène vers l’éternité. C’était fini, tout était fini. Oui, enfin ! Enfin ! Enfin…non. Non, cette salope ne voulait pas que cela finisse : Héloïse n’a pas fini d’en voir avec elle. Après une durée indéterminable –pour moi vu mon état- j’entendais du bruit autour de moi, de l’agitation. C’était très étrange cette sensation. Je percevais tout ce qui se passait à côté de moi mais je ne pouvais néanmoins ni voir, ni répondre par des gestes.

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Intrusøs (Tome 2)
Short StoryAprès Alice la vie continue. Julien est partie, la vie a reprit son cour mais pour combien de temps?