Intrusøs (Tome 2)

Chapitre 6

           

Je ne savais plus comment me comporter avec Joseph, j’avais peur de lui faire de la peine. Son attitude de la dernière fois m’avais bouleversé et continuait de ma zapper le moral. Je ne voulais pas lui faire de peine et le perdre car au fond, en tant qu’ami, je l’aimais beaucoup. De plus, j’étais de nouveau en couple ; je ne me regardais plus de la même manière dans le miroir. Je prenais plus de temps dans la salle de bains, me maquillais mieux, choisissais avec soins mes vêtements,... je recommençais à vivre pleinement.

            Ma vie avait repris, Julien et moi avions réaménagé ensemble comme si de rien était, nous avions même prévu de déménager et de tout recommencer à zéro. Alice était toujours présente mais nous n’abordions jamais le sujet. Cela me pesait lourd mais je ne voulais pas perdre Julien une seconde fois en l’ennuyant avec mes histoires car après tout, il a dû souffrir autant que moi. 

            Ne pouvant alors en parler à personne compte tenu de notre décision commune qui était de n’en parler à personne, je me suis mise à écrire. Le soir, quand je ne trouvais pas le sommeil, quand tous les bips, et autres sons des machines de réanimations menaient la cadence dans ma tête, quand les pleures d’autres bébés venaient  assombrir mes rêves, je me posais devant mon ordinateur et me mettait à écrire. Parler en continu sans être interrompue ; je déversais alors des torrents de mots traduisant ma douleurs, mes doutes,…

            Julien ne se doutait de rien, et je ne lui en avais jamais parlé. J’écrivais aussi dans un petit cahier que je cachais sous notre matelas, à ma place. J’avais besoin d’écrire, c’était devenu quelque chose de vital pour moi en plus de mes nombreuses séances passées chez une psy. Quelques fois, je lui montrais mes écris : c’était exactement la même chose que je lui racontais : je n’assumais plus mon corps, l’alcool et la cigarette voulaient reprendre le dessus sur ma vie. De plus, Julien avait eu beau revenir, il ne me regardait plus comme avant, il ne me désirait plus comme avant. Quelque chose avait changé : pas notre amour mais notre manière de nous percevoir. Je sentais qu’il y avait une sorte de fossé qui s’était creusé entre nous.

            J’avais l’impression d’avoir fait une erreur, de m’être emballée trop vite, d’avoir sauté dans ses bras sans réfléchir. La nuit, dans mes draps, je me ressassais tous les événements précédents : la rencontre avec Julien, la découverte de ma grossesse, mon accouchement traumatisant, la perte de ma fille, ma séparation avec Julien, ma remise en couple avec Julien.  Cela me semblait invraisemblable. Je crois que j’avais tellement eut l’habitude d’être seule que quand il est revenu, je n’ai pas réfléchi et l’ai accepté. J’avais besoin d’avoir de la compagnie.

            Sur les conseils de mon psy, j’essayais de renouer le dialogue, de me remettre à lui parler, à lui faire plaisir. Petit à petit, tout redevins comme avant. J’avais pratiquement arrêté de fumer, je n’en avais plus envie et je n’en ressentais pas le besoins. Lorsque nous sommes revenus en France, on recommença à aller rendre visite aux parents de Julien, à sortir le soir, à aller au cinéma.

Je prenais un peu plus de place dans sa carrière, quand il crée de nouvelles chansons, il me demandait mon avis tout comme dans la création de son nouvel album. Dès qu’il avait de nouvelles idées, il me les présentait. La complicité était revenue dans notre couple en même temps que l’amour. Je redécouvrais totalement un Julien qui n’avait pas changé au fond. Je faisais cette fois-ci connaissance avec son corps car physiquement il n’était plus le même : il était passé d’un jeune homme à un homme. Sa barbe assombrissait ses traits et lui faisait gagner en maturité. Ses yeux bleus toujours aussi perçants donner un peu de lumière à son côté ténébreux. Ses épaules s’étaient élargies, sa voix était devenue un peu plus grave. Je crois que c’est le fait qu’il ait changé qui m’a le plus séduit.